SADDAM HUSSEIN (Suite):Quel sort réserver au « bourreau » de Bagdad ?

 

En visite à  Paris, le président du Conseil du gouvernement provisoire irakien (créé en février 2003), Abdel Aziz Hakim, annonce que Saddam sera jugé par un Tribunal institué à cet effet par ledit Conseil. En fait, pour le gouvernement provisoire irakien, il s’agit de régler le compte de Saddam une bonne fois pour toute.

« C’est le Tribunal pénal, créé la semaine dernière (entre les 10 et 17 décembre 2003) par le Conseil du gouvernement intérimaire, qui va juger Saddam », informe Abdel Aziz Hakim. Et de s’empresser d’ajouter : « Mais lors du procès, il pourrait y avoir des conseillers et des personnalités internationales ». Et à la question de savoir si le « bourreau » déchu de Bagdad risque la peine de mort, Abdel Aziz Hakim répond sans hésiter : « Oui, tout à fait ! ».Voilà qui est donc tranché pour de bon, et au grand dam de Saddam. Mais…

Georges  Bush père tergiverse

Mais le 15 décembre 2003, le Président Georges Bush père (celui-là même qui a initié l’opération «Tempête du désert ») persiste et signe : le procès de Saddam Hussein doit répondre aux normes juridiques internationales. « Les Etats-Unis travaillent avec les Irakiens pour trouver un moyen de le juger par une procédure soumise à un contrôle international », précise-t-il. Mais sur la question de la peine de mort  à infliger à Saddam, le Président américain refuse de se prononcer.

Et comme Ponce Pilate face au sort à réserver à Jésus Christ (PSL), Georges Bush père tergiverse. « J’ai mes opinions personnelles sur la façon dont Saddam Hussein doit être traité. Mais je ne suis pas un citoyen irakien. Ce sont les Irakiens qui vont devoir décider ». Il est donc facile de deviner les « opinions personnelles » du Président américain concernant Saddam.

En effet, si le sort de Saddam ne tenait qu’à l’ancien locataire de la Maison Blanche, il aurait tôt fait de le transformer en hamburger et le donner à manger à son terrassier (espèce de chien). C’est donc malgré lui que Georges Bush père est obligé de convenir que c’est aux Irakiens de décider de la manière dont ils veulent devenir les justiciers de leur ancien bourreau. Pourtant, concernant le sort à réserver à Saddam, le Président américain et les Irakiens sont tous partants pour la peine de mort. Malgré tout, une question tiraille : de quelle manière faut-il tuer Saddam Hussein ?

Sur le sort de Saddam, les avis sont divisés

La question est finalement devenue une source de fortes tensions entre les Etats-Unis et leurs principaux alliés européens, notamment la Grande Bretagne, l’Italie et l’Espagne. Aussi, le 15 décembre 2003, le Premier ministre britannique de l’époque, Tony Blair, répète à qui veut ou non l’entendre (suivez le regard) que par principe, la Grande Bretagne est opposée à la peine de mort, mais qu’il appartient aux Irakiens de décider en dernier ressort. Et le Premier ministre de la Nouvelle Zélande, Mme Hellen Clark, d’abonder dans le même sens en se prononçant clairement contre la peine capitale.

Quant au Secrétaire général de l’ONU de l’époque, Kofi Anan, il rappelle : « L’ONU n’est pas en faveur de la peine de mort ». Et concernant l’autre sujet de controverses, c’est-à-dire le jugement de Saddam par un Tribunal pénal international (TPI), Kofi Anan déclare, le même jour (15 décembre 2003 : « Pour l’instant, la question de participation de l’ONU à un procès de Saddam Hussein n’est pas sur la table ; mais elle n’est pas à exclure ».

Au pays de Vladimir Poutine (Russie), on laisse aux Irakiens le choix de décider du sort de Saddam. Quant au Vice président polonais, Kwasniewski, il  soutient  qu’on doit juger Saddam en Irak. « Juger le régime déchu et ses leaders, c’est une affaire intérieure du peuple irakien. Seul le peuple irakien peut décider du sort de ses ex-dirigeants », estime-t-il.

Mais d’autres voix réclament un procès devant une juridiction internationale. Il s’agit, notamment, des pays qui avaient jadis été attaqués par l’Irak de Saddam : tels que l’Iran et le Koweït. Aussi, le ministre iranien des Affaires étrangères, Kamal Kharazi, souhaite que l’ex-dictateur de Bagdad « réponde devant un Tribunal international public des crimes commis contre ses propres compatriotes, les Kurdes et les Irakiens ». A chacun donc ses vieilles rancunes contre Saddam. Aussi, les ministres israéliens de la Justice, Yossef Lapid, et de la Défense, Shaoul Motaz, estiment que « Saddam  Hussein doit répondre des tirs de missile contre Israël lors de la guerre du Golfe ». Et le Chef du gouvernement israélien, de renchérir : « C’est un crime de guerre évident ».

Mais soit pour fausser le ton avec le gouvernement iranien, soit pour justifier son statut d’opposante, le « Prix Nobel de la Paix », l’Iranienne Shirin Ebadi, tient à ce que Saddam « bénéficie d’un procès équitable devant une juridiction internationale compétente ».Tout en abondant dans le même sens, le Japon se dit également favorable à une participation internationale à un procès équitable. Quant à l’Union européenne (UE), sans vraiment trancher entre les deux options, elle tient également à ce que Saddam soit jugé dans un procès équitable. Ce même souci du respect des normes juridiques internationales est par ailleurs rappelé par le Président portugais, Jorge Sampaïo, et le ministre espagnol des Affaires étrangères, Mme Ana Palacio.

Le TPI irakien mis en doute

Un certain nombre de voix mettent pourtant en doute l’impartialité et même la capacité de fonctionnement du Tribunal pénal irakien chargé de juger les crimes contre l’humanité commis par le régime de Saddam. Ce Tribunal est composé de juges irakiens pouvant faire appel à des experts étrangers, en cas de besoin. Selon ses textes, ce Tribunal doit fonctionner « sur la base de la loi irakienne, amis aussi sur celle du droit international ». D’après l’organe de presse américain, « Washington Post », en date du 16 décembre 2003, les Irakiens souhaitent que le procès de Saddam se tienne dès le printemps de l’année suivante.

Mais toutes ces élucubrations et tergiversations exaspèrent au plus haut point…la propre sœur de Saddam qui sait que son frère est « mal loti » s’il doit être jugé par ses compatriotes. En effet, dans un quotidien publié à Londres, Nawal Ibrahim Al Hassan (la sœur en question) lance : « On ne veut pas d’un procès de Saddam en Irak. On réclame un jugement équitable devant la Cour de justice de La Haye, en présence d’avocats arabes et étrangers ».

Tous ces avis et impressions ne changeront rien au sort de Saddam qui sera finalement décapité haut et court. Et où ? En Irak justement, là même où il a commis toutes les atrocités. Une fin de règne qui confirme, de façon funèbre, l’adage qui dit : « Qui que l’on soit, et quoi que l’on fasse, on n’échappe pas à son destin ».

Par Oumar Diawara « Le Viator »

Le Coq 28/11/2010