Quel regard sur les migrants ? : L’Institut Panos implique les médias

 

En parlant du Maroc comme pays de migration et de transit, Said ne pouvait mieux parler d’un phénomène diversement apprécié selon qu’on soit au nord ou au sud, et différemment abordé selon le degré de prise de conscience des médias que l’on soit au sud ou au nord. Il s’agissait en effet d’une rencontre de 35 responsables éditoriaux de la presse écrite, radio et télévision, en provenance d’Algérie, d’Espagne, de France, du Mali, du Maroc, de Mauritanie et du Sénégal. Elle a été organisée par l’Institut Panos Paris, l’Institut Panos Afrique de l’Ouest et le CMF Mena.

Cet atelier sera le point de départ d’un nouveau projet visant à renforcer de manière durable les capacités des professionnels des médias à informer sur les enjeux et impacts des migrations et des migrants eux mêmes à faire entendre leurs voix. Les participants ont échangé autour du thème : « les médias et les mobilités humaines : comment parler des migrations aujourd’hui ? ». Ce thème a donné lieu à un séminaire et des tables-rondes sur le traitement médiatique des questions migratoires. Le directeur général de l’Institut Panos de Paris (IPP) Pascal Berqué, dans son Introduction, a précisé qu’il s’agit d’un projet qui dure jusqu’en 2014.

L’infatigable Pauline Bend, directrice des programmes de l’Institut Panos de l’Afrique de l’Ouest (IPAO), a touché du doigt la différence des angles de traitement de l’information sur les migrants par les médias. Prenant appui sur les raisons qui poussent certains Africains à aller en Europe, Pauline a fait remarquer l’existence du concept de « sans papiers » dans les médias occidentaux, parlant de migrants maliens ou ménégalais. «Je ne sais pas comment on a su qu’ils sont Sénégalais s’ils sont sans papiers ! », s’est interrogée la directrice des programmes de l’IPAO. Pauline Bend a déploré le traitement des sujets sur les migrants par les représentants des medias africains qui ne disent pas autre chose et qui font presque du « copier coller ». Est-il possible et utile de faire un traitement différent ? Il fallait, selon elle, montrer « l’effervescence médiatique au nord » et « l’effervescence migratoire au sud » qui n’est pas tellement relayée par la presse.

Différence

Les équations du problème résident dans la différence des approches dans le traitement journalistique des migrations. A la quête de liberté de mobilité des migrants du sud s’oppose la tendance restrictive par l’érection de barrières par le nord. Au silence des médias du sud face à cette « effervescence migratoire » s’opposent les bruits assourdissants de ceux du nord ne prenant pas en compte la dimension humaine  de ce phénomène et qui font presque de la mobilité humaine  un crime.  

« A quelle logique répond cette dichotomie de traitement médiatique ?

Qu’il s’agisse de drames survenus au cours des tentatives de passage de frontières ou de statistiques sur les migrants, le thème de la migration se prête aisément à la simplification… », faisaient constater les termes de référence de l’atelier.

Point de départ d’un nouveau projet visant à renforcer de manière durable les capacités des professionnels des médias à informer sur les enjeux et impacts des migrations et des migrants eux mêmes à faire entendre leurs voix, l’atelier a offert un espace d’échanges afin de « susciter l’engagement et la participation des responsables éditoriaux et des organisations professionnelles des médias en faveur du pluralisme de l’information et d’un journalisme soucieux des règles de déontologie et de la prise en compte de la parole des migrants. »

Plusieurs interventions convergentes, voyant la migration avec l’œil du droit, ont soutenu que la  notion de «mobilité humaine» s’impose  et  se substitue à celle de «migrations», permettant de mieux rendre compte de la diversité des mouvements migratoires et des contextes sociaux variables dans lesquels les migrants évoluent au cours de leur parcours.

Ce séminaire a permis aux responsables éditoriaux d’explorer avec des acteurs associatifs, académiques, politiques les nouveaux enjeux et visages des migrations, de réinterroger les pratiques professionnelles dans le seul but de les améliorer. Objectif : « aboutir à un traitement plus juste de ceux et celles pour qui l’exil est une solution, une alternative ou une issue de secours ».

Boukary Daou

Le Républicain 03/06/2011