En Italie, l’inquiétante multiplication des attaques racistes

Discus thrower Daisy Osakue talks with reporters outside a hospital in Turin, Italy, Monday, July, 30 2018. The 22-year-old Osakue risks missing the European Athletics Championships after being hit in the eye with an egg that damaged her cornea, in a perceived racist attack. (Alessandro Di Marco/ANSA via AP)

L’agression d’une athlète d’origine nigériane, près de Turin, provoque une vive émotion. Le ministre de l’intérieur Matteo Salvini est accusé d’alimenter un climat d’intolérance.

Daisy Osakue rentrait chez elle, dans la nuit de dimanche 29 à lundi 30 juillet, à Moncalieri, une petite ville des environs de Turin (Piémont), lorsqu’une voiture s’est approchée, à pleine vitesse. L’un de ses deux occupants a lancé un projectile en direction de la jeune femme et l’a atteinte en pleine tête, avant que le véhicule ne disparaisse dans la nuit. « J’ai senti un choc très fort au niveau de mon œil. Je me suis jetée à terre, et lorsque je me suis touché le visage, j’ai senti ce liquide. J’étais effrayée, je croyais que c’était de l’acide », raconte, quelques heures plus tard, la jeune femme de 22 ans, aux micros de la télévision italienne.

Il ne s’agissait que d’un œuf. Mais il a touché Daisy Osakue à la tempe, et en éclatant, a endommagé la cornée, faisant craindre, durant quelques heures, qu’une opération serait nécessaire. Selon les médecins, ce risque est écarté. Elle n’aura qu’à porter un bandeau, se reposer quelques jours, puis elle pourra reprendre ses activités.

L’incident aurait à peine été mentionné dans la presse locale si Daisy Osakue était une parfaite inconnue. Mais voilà, cette jeune Italienne de 22 ans, née à Turin de parents nigérians, est un des grands espoirs de l’athlétisme italien. Etudiante dans une université du Texas, elle détient depuis quelques mois le record d’Italie espoirs du lancer du disque, et devrait représenter son pays aux championnats d’Europe qui se tiendront à Berlin du 6 au 12 août. « Ils m’ont sans doute prise pour une prostituée africaine, il y en a beaucoup dans le quartier, a-t-elle confié aux journalistes quelques heures après l’agression, après avoir été soignée dans une clinique ophtalmologique de Turin. Ce qui est clair, c’est qu’il s’agit d’un acte raciste. Ils cherchaient une femme de couleur… »

Sitôt les faits connus, les réactions politiques se sont multipliées. Le vice-président du conseil et ministre de l’intérieur Matteo Salvini (Ligue, extrême droite) a immédiatement parlé de « faits inacceptables », et fait part de son souhait de rencontrer la jeune femme au plus vite, mais cela n’a pas empêché ses opposants de dénoncer la montée, dans le pays, d’un climat de haine de plus en plus exacerbé.

« Racisme rampant »

Des accusations balayées d’un revers de la main par le ministre. « Il y aurait un climat raciste en Italie ? Ne disons pas de bêtises, a-t-il lancé depuis la plage de Milano Marittima (Emilie-Romagne) où il passe ses vacances, avant de rejeterla faute sur ses adversaires politiques. Chaque agression doit être punie et condamnée, mais l’immigration de masse permise par la gauche ces dernières années n’aide pas. » Une rhétorique bien huilée, qui a fait ses preuves par le passé, au moins depuis l’attentat de Macerata, le 3 février : ce jour-là, un militant de la Ligue avait ouvert le feu au hasard sur des migrants, blessant six personnes. Le dirigeant de la Ligue avait rapidement accusé le gouvernement Gentiloni d’être le véritable responsable des violences, à cause de sa politique migratoire.

source:LE MONDE | 31.07.2018 à 11h08 • Mis à jour le 31.07.2018 à 12h49 |Par Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)