Edito / Enjeux

Alger et Bamako ne soufflaient plus dans la même trompette. Bamako ne se consolait pas d’être noircie à chaque enlèvement ou à chaque libération d’otages par son puissant voisin qui lui reproche d’ouvrir un sanctuaire pour les salafistes en territoire malien. De son côté, les autorités maliennes ne portaient pas de gant : pour elles, Alger la Blanche n’est pas si blanche. Elle serait même la pouponnière fourbe du terrorisme qui asphyxie la région commune, avec plus de conséquences pour les autres riverains. Aujourd’hui, les frères ennemis se font de nouveau l’accolade et conçoivent ensemble leur stratégie anti Aqmi. Les lignes ont bougé parce que le Mali ne pouvait tenir plus longtemps la pression qu’elle subissait de voisins comme d’acteurs occidentaux.

Les lignes ont bougé  également parce que l’Algérie ne pouvait s’en tirer à si bon compte -d’ailleurs, les enlèvements de Tindouf, cette semaine, lui facilitent davantage une rhétorique connue-.

Les lignes ont également bougé parce que quelqu’un reconstruit la confiance entre des diplomaties qui s’engueulaient proprement dans les sommets et il s’appelle Soumeylou Boubeye Maïga. Les lignes ont enfin et surtout bougé parce que plus que le risque de voir Bamako revenir sur la reconnaissance de la Rasd, la plus grande angoisse jamais d’Alger résidait dans l’axe Bamako-Tripoli que la nouvelle donne libyenne relativise forcément.

Le pays de Bouteflika n’a jamais publiquement fait grief de son dépit mais c’est connu de tous qu’il n’était plus loin du crime passionnel contre le partenaire malien. Sans le vouloir, l’Otan a crevé cet abcès. Donc plus d’enjeux pour le Mali et l’Algérie ? Il en reste trois au moins. Premier enjeu : au-delà des impératifs de deux Etats condamnés à cohabiter, la sincérité des retrouvailles entre Att et Bouteflika après ce que l’un dit ou pense de l’autre.

Deuxième enjeu : la volonté commune d’actions communes contre Aqmi. Troisième enjeu enfin : le risque plus précis et plus déstabilisateur de l’espace sahélo-saharien des conséquences de l’effondrement de l’Etat Kadhafi. Tant d’armes et d’hommes libérés ne pointeront pas le canon que contre le Niger, l’Algérie ou le Mali. En eux-mêmes, et dans des pays qui n’ont pas fini de régler la question de l’intégration nationale, ils constituent une menace. Au contact des jihadistes et du narcotrafic, ils deviennent un dissuasif cordon du crime organisé. Et fédéré, leur pouvoir de nuisance préfigure, aujourd’hui plus que jamais, la hantise bassiste de Nasser : l’influence berbère. La Libye élargit le champ des acteurs et des menaces. Att et Bouteflika ne peuvent pas ne pas en constater l’urgence.

Adam Thiam

Le Républicain 26/10/2011