DR ABDOULAYE SALL A PROPOS DE LA TRANSITION : «Il faut transformer  cette crise en opportunité »

Lors de l’interview qu’il a nous a accordé le jeudi dernier au Musée National de Bamako,

Dr Abdoulaye Sall de Cri 2002 a expliqué avec sagesse et pertinence comment sortir le pays du gouffre.

Le premier responsable du Cercle de Réflexion et d’information « Cri 2002 » dira qu’il faut transformer  cette crise en opportunité.

Avant d’ajouter que « notre pays a tous les  instruments qu’il faut pour le sortir très rapidement de la crise qu’il traverse depuis mars 2012 »  

Mali-Horizon : Comment se porte le Cercle de Réflexion et d’Information (CRI 2002) ?

Dr Sall : Le CRI 2002 est un patrimoine, qui est au service du Mali. Nous continuons nos différents programmes et projets sur la valorisation et la place des autorités traditionnelles, qui est l’une de nos missions phares en collaboration avec la Coopération Suisse. Nous sommes également en partenariat technique avec NDI, à travers un financement de la Coopération suisse et du gouvernement américain, à travers un programme d’une coalition dénommée ACP, dont je suis le président.  Nous avons eu des rencontres par rapport à la prise en charge des nouveaux majeurs, qui vont avoir leurs 18 ans le 31 décembre 2021.

Le Cri 2002 est également le contact national de Transparency International Mali. Avec cette organisation, nous avons un partenariat stratégique opérationnel avec lequel nous venons de boucler un programme de trois ans. Nous allons entamer, très bientôt, un nouveau cycle de collaboration, qui doit exister entre les organisations de la société civile et le secteur de la défense et de sécurité. Le Cri 2002 se porte bien grâce à vous !

Depuis le début de la transition, quel a été l’apport du CRI 2002 en faveur des autorités en tant que société civile ?  

En réalité la vie elle-même n’est pas que continue, elle est continue et discontinue. La transition n’est qu’une période transitoire. De mon point de vue, on n’est dans la co-construction de la démocratie qui, pour moi, n’a autre nom que crise. Comme pour dire qu’il n’y a pas de démocratie sans crise ou sans conflit. Mais, il nous revient de tout faire pour que cette crise et ce conflit ne se transforment en violence. Et qu’on puisse les transformer en opportunité nouvelle. En matière de Démocratie, il y a un outil qu’on appelle le cul-de-sac c’est-à-dire le fond de sac. Une fois que vous rentrez dans un sac, vous arrivez au fond, vous êtes obligés de retourner pour chercher la bonne voie. Il se peut que le Mali soit aujourd’hui face à ce cul-de-sac. J’estime que nous aurons la sagesse et l’intelligence suffisantes pour pouvoir sortir de ce fond de sac et reprendre résolument notre marche vers la co-construction de la Démocratie et de l’Etat de droit. 

Il y a de cela deux ans et demi, j’ai développé un concept de patriotisme intelligent qui n’est autre chose que s’attaquer à l’essentiel. Je pense que c’est ce vœu et souhait que je formule et nous estimons que pendant cette période discontinue transitoire en allant vers la trajectoire continue qu’est le retour à l’ordre constitutionnel normal, que nous  mettons le Mali au dessus de tout.  Retrouver ce qui nous unit, travailler sur cet aspect pour qu’on puisse arriver a l’opérationnalisation de la devise de notre pays (Un Peuple-un But-une Foi). 

Nous avons une Constitution, qui porte des principes, des valeurs, un cadre d’analyse et même une dynamique qu’aucun régime au Mali n’a remis en cause, de 1960 à nos jours. Tout le monde doit se conformer aux dispositions de cette loi fondamentale, dont le respect et l’opérationnalisation des symboles de la République, dont l’hymne national du Mali (les champs fleurissent d’espérance « les jeunes », les cœurs vibrent de confiance « les vieux et les femmes»).  Le Mali a tous les outils, tous les instruments qu’il faut pour sortir très rapidement de la crise qu’il subit depuis mars 2012. 

Pour revenir à votre question, je voudrais dire tout simplement que CRI 2002 appartient à tous les Maliens. Pour moi, le « moi » est haïssable, il ne faut pas qu’on tombe dans un narcissisme. CRI n’appartient plus au CRI, il appartient au Mali. 

Election ou pas, les sanctions de la CEDEAO ne se sont pas fait attendre. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

Pour moi, quand vous optez pour la co-construction de la Démocratie, l’Etat de droit, vous êtes déjà  en élection. C’est comme le corps, s’il tient c’est parce que le sang circule régulièrement, ça c’est les élections. Néanmoins, il a plusieurs types d’élections notamment  les  élections générales, le référendum. Et quant on parle d’élection, il faut préciser de quel type d’élection tenir pour ne pas confondre les élections le jour  du scrutin.  Pour ce faire, si nous arrivons à comprendre la chose, on pourra dire qu’un simple chronogramme ne suffit pas à régler les problèmes, c’est-à-dire les élections avec le scrutin, il faut un plan d’actions pour les élections. C’est à partir de ce plan d’actions qu’on pourra mettre en place un cadre logique qui rentre dans le domaine de la planification. Cela permettra de définir les périodes électorales. Mais dans ce travail, il doit y avoir une colonne qui s’appelle supposition importante (précision dans la décision). Si nous voulons sortir de ce quiproquo, il faut qu’on accepte très rapidement d’élaborer un plan d’actions avec un cadre logique et ensuite suivie d’un chronogramme. Le chronogramme doit découler d’un cadre logique et celui-ci doit découler d’un plan d’actions. Si les autorités estiment qu’ils peuvent faire  les élections en deux mois, ils font un plan d’actions sur cette durée indiquée et voir ce qu’ils savent faire. Mais il sera très difficile de se contenter avec un chronogramme qui ne découle pas d’un cadre logique avec des suppositions importantes et qu’il ne résulte pas d’un plan d’actions qui doit découler d’un ou des compromis politiques. Car une fois qu’on parle des élections, on parle des partis politiques, puisque la démocratie a deux enfants que sont les partis politiques  et les élections, comme pour dire que dans un pays ou s’il n’y a pas d’élections, il n’y a pas de démocratie.

Dans un pays où il n’y a qu’un parti politique, il n’y a pas de démocratie, il faut qu’il ait deux ou plusieurs partis politiques pour qu’on parle de démocratie, parce que les partis politiques existent pour conquérir et exercer le pouvoir politique à travers  des élections. Les élections, qui sont le deuxième enfant de la démocratie, doivent être régulières, justes, transparentes, libres et apaisées. Si on avait travaillé sur l’expertise des compétences dont j’avais parlé, on n’allait pas tomber dans des conséquences ou dans les sanctions de la CEDEAO. Il fallait ressortir un plan d’actions  pour préciser l’apport de la CEDEAO, de la communauté internationale, les soldats de la MINUSMA pour assurer la sécurité. Et pour cela, ce n’est pas un chronogramme qui peut identifier cela, il faut  nécessairement un plan d’actions et un cadre logique  pour la répartition des tâches  et c’est  ce qu’on appelle la division des travaux.

Tenir ou pas les élections à la date prévue, en tout cas la Charte africaine pour la bonne gouvernance, qui est de la CEDEAO elle même, dit que  6 mois avant les élections, on ne peut pas changer les règles du jeu, mais il faut que la classe politique s’attende comme pour dire que si les Maliens veulent organiser ces élections, il faut qu’ils arrivent à assurer leur souveraineté interne, car on ne peut pas parler de souveraineté nationale sans souveraineté interne. Il faut que les Maliens parviennent ensemble à trouver un compromis sur leur autorité interne pour ensuite s’ouvrir  à la CEDEAO et aux autres pays du monde. La tenue des élections sera possible lorsque nous les Maliens arrivons à s’entendre sur un compromis et ce en s’attaquant d’abord à la révision constitutionnelle, qui est le fondement politique de l’Etat et la période transitoire est la meilleure des périodes pour faire une révision constitutionnelle, parce que le président qui se trouve à la tête de la Transition n’est d’aucun parti politique. Et après l’élection du président de la République. C’est ce qu’on appelle le principe de progressivité.

Votre lecture des sanctions de la CEDEAO à l’endroit de nos autorités transitoires 

Par rapport aux sanctions de la CEDEAO, nous avons constaté d’abord que les deux premiers paragraphes portent sur la sécurité, et invitent également la communauté internationale à aider la Mali, à renforcer la sécurité de nos frontières, car ils ont compris qu’en réalité la CEDEAO c’est le Mali et le Mali c’est la CEDEAO. Cela est extrêmement important. Les sanctions ciblées, cela est un autre problème, que nous devons gérer si nous voulons aller vers la dynamique d’assurer et d’assumer notre souveraineté interne. Cela est l’un des dossiers que nous devons traiter dans le cadre de la recherche de notre souveraineté interne en se fusionnant pour trouver des solutions à cela. Si demain, toute la classe politique s’entend pour dire qu’elle est prête pour la révision constitutionnelle d’ici février, c’est un bout que nous pouvons prendre déjà pour exiger de la CECDEAO de lever ses sanctions

Les autorités de la Transition veulent tenir des Assises nationales pour définir les grandes lignes de la Refondation du Mali, votre point de vue ?

Pour que les gens puissent faire des élections, il faut de la participation. J’inscris les Assises nationales dans le sens de rechercher la participation des Maliens au processus et aux procédures électorales. Quand vous prenez  les axes majeurs  recherchés à travers les assises nationales de la Refondation, il y a ce qu’on appelle la gouvernance, la refondation de la citoyenneté et du civisme, la refondation des savoirs, qui sont le nerf de la guerre, comme dit l’autre « être pauvre, c’est être sans savoir, sans avoir et sans pouvoir »… Ce sont des questions à régler, il faut en parler,  les métiers ruraux  aussi. Mais quand ? C’est un autre problème pour la simple raison, nous nous ne sommes pas dans la représentation et dans la décision, et nous ne sommes pas au même niveau d’informations que ceux qui sont à la décision. C’est pourquoi je parle de participation et représentation, et nous sommes dans la participation. Ceux qui décident savent bien de quoi ils parlent et nous n’avons pas le droit de parler à l’heure actuelle parce que nous sommes dans la démocratie représentative. 

Pour ce qui est de notre participation, nous serions présents, si nous sommes invités. D’ailleurs nous avons toujours assisté, de 2000 en ce jour, à tous les grands forums auxquels nous avons été conviés.    

Que répondez-vous à ceux-là qui pensent que ces assises seront  une rencontre de trop ?  

La démocratie, c’est également la contradiction. Je n’ai pas d’avis à donner surtout que nous sommes une organisation non partisane, impartiale, indépendante. Si je donne mon opinion, je pendrai parti. Ce que je peux faire c’est de poser des diagnostics tels que je le vois pour que ça aille. Mais la démocratie est conflictuelle, Il n’y a que des conflits. Néanmoins, il faut chercher à transformer ces conflits, ces crises en opportunité pour aller de l’avant. 

Les gens qui ne veulent pas participer ne s’impliquent et ne seront pas impliqués et responsabilisés. Et s’ils ne sont pas responsabilisés, ils ne seront pas autonomes. J’ai parlé du patriotisme intelligent, c’est-à-dire qu’on se mette ensemble parce que l’existence du Mali est en cause. Nous devons sortir notre pays de ce  cul-de-sac.

Interview réalisée par

 Lamine BAGAYOGO