Trafic de drogue et de stupéfiants : Aveux d’impuissance du ministre Gassama à l’Assemblée nationale


« De nouveaux riches au Nord Mali », « fonds de commerce d’Aqmi », « des militaires consommateurs ou trafiquants », « des hautes personnalités de l’Etat impliquées », « volonté de façade de l’Etat malien, insécurité persistante », les qualificatifs et insinuations n’ont pas manqué chez les députés pour mettre à nu les insuffisances de la politique répressive de l’Etat malien contre le trafic de drogue et de stupéfiants. Les élus de la nation visiblement agacés contre la recrudescence de ce fléau ont profité de l’examen d’un projet de loi pour exprimer leur ras-le-bol au ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile, Sadio Gassama. Ils étaient appelés à ratifier une convention de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes, adopté en juin 2007 à Syrte par la communauté des Etats Sahélo-Sahariens (Cen-Sad).

La commission défense nationale, de la sécurité et de la protection civile de l’Assemblée nationale qui a produit un rapport à cet effet estime que l’espace Cen-Sad se caractérise par son immensité et la porosité des frontières de ses Etats membres. «Ces aspects ont favorisé et continuent de favoriser les trafics de tout genre, drogues et armes notamment» a précisé la commission. Mais pour le député de Bourem, Assaley, cette convention, pourtant adoptée par l’Assemblée à 128 voix pour, 2 abstentions, est incomplète parce qu’elle ne traite que des canaux maritimes et aériens. Pour lui, la canalisation du fléau par la voie terrestre est ignorée. Militaires et hautes personnalités

«Ça ne sert à  rien de signer des traités qui ne servent à rien» s’insurge l’honorable Aliou Aya. Pour lui, le Mali a ratifié beaucoup de conventions sans les inscrire dans ses dispositions pénales. Ce qui, à son avis, pose un problème d’applicabilité par le système judiciaire. «C’est désormais en terme de Boeing, de véhicule 4×4, que le phénomène de trafic de drogue est visible au Mali, affirme Assarig Ag Imbarcawane, député élu à Gao. Le Nord du pays est classé zone rouge par les occidentaux pour son degré d’insécurité élevée et la menace d’Aqmi explique cette situation.

De l’avis d’un élu de Tombouctou, El Hadj Baba Haïdara, la source de revenu de cette organisation terroriste est le trafic de drogue. «J’ai vu le projet de loi, je n’ai pas vu ce qui sauve mon pays, ma région» a-t-il souligné. La lutte s’avère encore plus difficile si certaines rumeurs sont fondées. Selon l’honorable Yaya Sangaré, les porteurs d’uniformes seraient plus impliqués à la consommation et au trafic de drogue. Mieux, Dr. Oumar Mariko soutient que, selon des informations, de «hautes personnalités chargées de la répression sont impliquées dans ce trafic». Pour Konimba Sidibé, ces allégations ne doivent pas être prises à la légère. «La loi du silence n’est pas honorable pour notre pays» a souligné Konimba Sidibé. Pour lui, l’Etat doit s’expliquer sur ces informations tendancieuses. Le ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile, le général Sadio Gassama a nié, sans convaincre les députés, l’implication des personnalités publiques dans le trafic de drogue, et l’enrichissement de personnes par le fait du stupéfiant mais reconnaît la récurrence du phénomène sur le territoire nationale.

«Nous ne sommes pas un pays destinataire,  mais un pays de transit» a-t-il précisé. Pour lui, la lutte n’est pas aisée et recommande des efforts coordonnés de beaucoup de pays. Pour le ministre, la circulation de la drogue est dans un circuit difficilement contrôlable. «Dans une région comme Tombouctou et Kidal, la douane n’a pas beaucoup de capacité», a expliqué Sadio Gassama. Pour lui, les ramifications du réseau parviennent à franchir les frontières de pays «plus puissants que le Mali» notamment la France et les Etats unis. Le ministre qui a essayé de démontrer l’impossibilité de vaincre le fléau du trafic de drogue chez nous, s’est plutôt embourbé dans un aveu d’impuissance.

Seydou Coulibaly

Le Républicain 22/04/2011