Sommet de l’UA : La Côte d’Ivoire divise le monde


Un sommet dans le sommet

Ce sont également ces forces qui se chargent de faire respecter le couvre-feu rallongé  d’une semaine depuis samedi pour Abobo et Anyama, bastions abidjanais de Alassane Ouattara impuissant et comme lâché par plusieurs dirigeants dont les derniers – Ouganda, Namibie, Zimbabwe – auraient été travaillés au corps par les grands-frères  angolais et sud-africain. Même Raila Odinga, le médiateur africain semble avoir mis de l’eau dans son vin. Avait-il eu vent de « l’ambiance constructive » dans laquelle se déroulaient les travaux du Conseil de Paix et de Sécurité au sommet ? En tout cas, le Premier ministre kenyan qui ne décolérait pas contre Gbagbo, il y a seulement une semaine, invite dans un point de presse, Gbagbo et Ouattara à la …concertation. De Davos et en route pour Addis-Abeba, Ban Ki Moon affiche sa préoccupation. Il s’inquiète des divergences apparaissant dans la position africaine et en appelle au respect « de l’intégrité et du principe fondamental de la démocratie». Plus tard, il explicite : le vainqueur certifié du scrutin du 28 novembre ne doit pas être lésé.

 

Le secrétaire Général des Nations-Unies accompagné de son représentant à Abidjan va plus loin  en soutenant que le recomptage  est une injustice pour Alassane Ouattara. C’est son argument-massue lors de la réunion tripartite Cedeao-Commission de l’UA-Onu tenue pendant trois heures en fin de journée dans les locaux de l’UA. Devant le Mauritanien AbdelAziz, président du Cps, l’Ethiopien Zenawi, le Beninois Boni, le Malien Touré, le Togolais Faure, le Nigérian Goodluck, le Sénégalais Wade et le Burkinabé Compaoré font savoir qu’ils « ne sauraient être menés en bateau, » que ce qui se passe en Côte d’Ivoire est un problème ouest-africain et qu’il devrait le rester. La réunion est une réunion de crise en effet. Son objectif : contrer la stratégie que veulent proposer ceux qui estiment que le recomptage des voix demandé par Gbagbo est une mesure de sortie de crise. Il est vrai que le Cps n’a pas retenu cette proposition prêtée à des ténors de la Sadec (Communauté de Développement des Etats d’Afrique australe). Le communiqué de la session, au contraire, reconnaît la victoire de Alassane Ouattara et il exige la levée immédiate du blocus de l’Hôtel du Golfe où sont confinés Ouattara et son gouvernement. Comme cela arrive très rarement dans les sommets de l’UA, la Cedeao par son président,  diffuse le soir même un communiqué indigné prévenant qu’il est hors de question pour elle de reconnaître Gbagbo !

L’Onu décrédibilisée ?

En fait, le Conseil de Paix et de Sécurité, a, surprenant plus d’un, décidé la mise en place d’un panel de présidents chargé de proposer des mesures qui seront contraignantes aux deux parties et ce n’est pas très bien compris dans la région Cedeao. Ensuite, il semble vouloir un règlement global de la question ivoirienne où tout est mis, y compris la question du désarmement des Forces Nouvelles. Rien d’étonnant dès lors que dans la foulée, celles-ci se soient fait entendre dans un communiqué qui jette le doute sur l’impartialité de l’Union africaine dont le sommet prend fin aujourd’hui, lundi. Commencé hier, avec une trentaine de chefs d’Etats et de gouvernement, le sommet a accueilli un invité de marque : Nicolas Sarkozy avec une délégation de soixante personnes. Le président français a un bon prétexte à travers sa double présidence du G20 et du G8.

Il a été également très habile en exhortant d’entrée de jeu Ban Ki Moon à « accélérer la réforme des Nations-Unies » pour que l’Afrique siège au Conseil de Sécurité. Le Français ne risquait aucune réponse immédiate car il savait que le Coréen était à Addis Abeba pour faire en sorte que la Côte d’Ivoire ne divise davantage le monde et ne décrédibilise pas plus l’Onu. Etait-ce pour influencer les chefs d’Etats africains que le Secrétaire général a annoncé vendredi une réunion imminente du Conseil de sécurité sur la Côte d’Ivoire, réunion qui n’aura jamais lieu ? On ne sait pas. Mais Sarkozy, lui, sait que ce n’est pas Moon qui décide de l’importante réforme onusienne qu’il lui réclame. Mais la transition était tout trouvée pour le président français pour alerter les leaders africains sur un replâtrage de la crise électorale africaine dans un continent qui s’apprête à faire une dizaine d’élections. Naturellement, dans les coulisses, Sarkozy a dû être moins gentil vis-à-vis de Gbagbo dont les sympathisants, par journaux interposés, ont déjà qualifié le séjour éthiopien du président français de visite néocoloniale.

Adam Thiam 31/01/2011