Situation sécuritaire dans les régions de Kidal et de Gao: Qui veut rallumer le feu?


Dans la deuxième région militaire du Mali, Gao, la situation est très inquiétante. Tous les jours, il y a enlèvement de véhicules. Les plus récents remontent au mardi 4 octobre, lorsque des individus enturbannés ont tout d’abord eu le culot d’enlever l’ambulance du CSRéf de Ménaka. C’était aux environs de 17 heures. Deux heures plus tard, c’est un véhicule 4X4 qui a été pris en plein centre de Gao.

Auparavant, le FAFPA régional, Action Contre la Faim, les services de santé et d’autres particuliers avaient vu leurs voitures disparaitre. La méthode utilisée est le braquage, suivi de la confiscation des téléphones portables, pour empêcher toute communication. Avant que les victimes ne soient dépossédées de tout bien utile. Ainsi, sur la route de Batal, à 15 km de Gao, le responsable d’OXFAM et les autres occupants de son véhicule ont été débarqués de celui-ci, dépouillés de leurs ordinateurs, téléphone et liquidités et sommés de regagner leur siège à pied.

Dans tous ces cas, il n’y a eu aucune poursuite, selon nos interlocuteurs. L’armée, la Police et la Gendarmerie jouent aux spectateurs. La seule action entreprise demeure la patrouille nocturne.  Conséquence: tous les véhicules en bon état de la Cité des Askia passent la nuit dans la cour de la Gendarmerie de Gao, où un impressionnant jalonnement veille à la sécurisation de ces engins, tant convoités.

L’énervement est perceptible chez les habitants de cette ville. Certains estiment que l’Etat ne met pas de moyens suffisants à la disposition de nos forces armées et de sécurité pour leur permettre d’accomplir leurs missions régaliennes. D’autres pensent que la recrudescence de ce type d’actes criminels est consécutive au retour massif de Maliens de Libye. Il y en a qui montrent du doigt les activistes du Mouvement National de l’Azawad (MNA), qui revendique «l’indépendance» de cette partie de notre territoire. Les éléments de ce mouvement fractionniste sont en train de préparer le terrain pour, nous a-t-on dit, perpétrer, l’un de ces quatre jours, des attaques meurtrières dans la région (Que Dieu nous en garde).

L’insécurité à Gao ne se situe pas seulement au niveau des enlèvements de véhicules. Les assassinats se suivent, mais ne se ressemblent pas. En effet, dans la journée du mardi 4 octobre, un fou a été retrouvé pendu derrière la ville. Le même jour, un autre individu a été retrouvé sans vie. Dans les deux cas, les auteurs ne sont pas connus pour l’instant. On ignore donc le mobile des crimes perpétrés. Il y a quelques jours, nous l’avions écrit dans notre précédente parution, un ancien militaire drogué avait égorgé son frère. L’assassin avait été difficilement neutralisé par les forces de sécurité. Finalement il a succombé à ses blessures, le lundi 3 octobre.

Comme on peut le constater, Gao est sous haute tension. Tout le monde a peur. Les uns se méfient des autres. Les murmures, les chuchotements, les cachotteries, les rumeurs empoisonnent l’atmosphère. Fort de ce constat, le gouverneur de la région, le Général Amadou Diallo, a convoqué, hier mercredi 5 octobre 2011, une «réunion de crise», regroupant toutes les structures impliquées dans la sécurité et même la Douane.

Dans la région de Kidal, le climat social et sécuritaire est lui aussi tendu. En effet, depuis le lancement du Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement au Nord (PSPSDN) par le Chef de l’Etat, en août dernier, des individus mal intentionnés ont véhiculé de fausses informations et juré, la main sur le cœur, d’empêcher la réalisation des infrastructures sécuritaires dans la région.

C’est dans cette optique que des islamistes, identifiés comme membres d’AQMI, ont envahi, le dimanche 2 octobre, le site d’Abéïbara, sur lequel travaillaient des ouvriers pour la construction d’une caserne militaire. Ils ont été simplement chassés, sans être brutalisés, avec des mises en garde sévères: «nous ne voulons plus vous voir sur ce site. La prochaine fois, si nous vous trouvons ici, vous serez responsables de ce qui vous arrivera. Ici, ce n’est pas le Mali, ce n’est pas votre territoire, c’est le nôtre. Nous n’accepterons donc pas qu’on vienne nous coloniser». Les ouvriers sont rentrés chez eux, la peur au ventre. Les travaux sont arrêtés. C’est la terreur totale dans cette bourgade.

A Tin Essako, ville natale de feu Ibrahim Ag Bahanga, des rafales de Kalachnikov ont été entendues le même jour, presqu’au moment où le site d’Abéïbara était occupé par les islamistes. Le calme semble revenir dans les deux localités. Mais rien n’est sûr avec des gens sans foi ni loi. Une autre conséquence de la double insécurité, à Gao et à Kidal, est la menace de fermeture des établissements bancaires et financiers desdites régions.

Le gouvernement du Mali est donc averti et ne doit nullement se laisser intimider par des crapules. Il est sur la bonne voie avec les actions du PSPSDN, qui concourent à une occupation rationnelle de l’espace national par l’administration d’Etat et à une mobilité accrue des services de sécurité en prévention et en intervention. Le PSPSDN est surtout un appui au développement économique et social des sites stratégiques, ce qui permettra une création et une redistribution des richesses, contexte mieux à même d’offrir des alternatives aux jeunes en matière d’emplois.

Que les perturbateurs de Kidal et de Gao aient pitié des paisibles citoyens, qu’ils accordent un peu de temps aux pouvoirs publics pour tester le bien fondé ou pas de cette volonté politique réaffirmée du Chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré. Lequel entend booster, autant que faire se peut qu’il soit, l’essor des régions du Nord. Le développement est en effet un processus permanent. Après ATT donc, ce processus devra continuer. Comme on le dit, sans sécurité, pas de développement. A suivre.

Chahana Takiou et Paul Mben, depuis Gao

Le 22 Septembre 06/10/2011