Problématique de la sécurité au Mali:L’honorable Ibrahim Boubacar Kéïta à cœur ouvert

« …Il y a trois jours, j’ai eu une envie terrible de vous réveiller tous pour vous demander de suivre une émission. Une émission qui passait à 1H du matin, sur la chaîne 2 française. C’est un documentaire sur la Françafrique. Je me suis rendu compte combien tout au long nous avions eu raison.  Nos analyses du temps où nous étions  sur les bons desseins, combien j’ai été touché au regret du pays. Avec un cynisme consommé, à travers des manières de vieux colons, on retrace les grandes dates de l’histoire contemporaine récente. C’était époustouflant. C’était ahurissant : «  Oui, nous avons fait en sorte de déstabiliser Sékou Touré.  Nous avons essayé de le renverser. Nous avons introduit dans l’économie guinéenne beaucoup de faux Silly guinéens pour déstabiliser  son régime.  Ça n’a pas fait quelque chose.

Ça été fait également contre  l’Allemagne Démocratique …

Oui, nous fûmes également de ceux qui ont initié la guerre du Biafra…Il nous le fallait ». Et cela a été instrumentalisé de main de maître par ces gens-là qui ont témoigné tous, tranquillement.

Alors, la question se pose, et ça devient chez moi quelque chose d’obsédant : l’Etat. L’Etat pose problème aux Africains.  L’Etat postcolonial africain, quelle éthique? Avons-nous, les uns et les autres, suffisamment  réfléchi  à cette problématique essentielle à laquelle tout sera soumis demain ?

Quel Etat pour quelle modernisation pour prendre  en charge notre propre destin, le destin de nos peuples ? Assurer les missions régaliennes dévolues à tout Etat digne de ce nom, reposant sur le socle de la norme juridique, est fondamental.

J’ai l’habitude de dire que je rêve, que je me battrai toute ma vie, et jusqu’au dernier jour, pour un Etat dans lequel dès que le problème est posé, il se réalise. Point. Que tu sois le fils d’IBK ou d’Ali, de tel ou tel, d’ATT, quand avons-nous à réfléchir à cela ? (Applaudissements) Tu es arrêté. Tu es citoyen.

Notre pays est aujourd’hui à la croisée des chemins. Le peuple malien est interpellé. L’ampleur communautaire est telle qu’aucun de nous ne se sauvera tout seul. Et plus, j’avance en âge, plus, je reviens aux fondamentaux. (Un temps) plus j’avance en âge, plus, je reviens aux fondamentaux de l’Etat. Quel Etat ? Certains ont parlé d’auto-Etat ou d’Etat par procuration. Pas les Etats africains actuels. Je n’ai pas envie d’Etats néo-patrimoniaux en lesquels tout part et tout revient : Monsieur le Président… ! Nous avons un Etat qui se réalise suivant un Plan International négocié lui en attribuant souvent le mérite. L’Etat aliéné tel que  François Bayrou de l’Ecole de Bordeaux l’a stigmatisé. Nous en sommes-là.

Un tel Etat peut-il accomplir les tâches régaliennes à lui confiées par le Peuple?

La sécurité  a beau être essentielle, elle est élément d’un tout. Ce tout s’appelle Etat. La nature de cet Etat, évidemment, elle est essentielle, elle est première…

Quand les gens se sont mis à réviser le capital de Karl Marx, on a souri. Les grands économistes de Harvard, de Standford et autres, tout cela, se sont remis à lire le Capital…

Parce que nous disons : Camarades, les fondamentaux demeurent.

Camarades, que n’ayons nous aucun complexe. Tout ce qu’on nous a servi pendant des décennies est soumis à réévaluation : L’Etat.

Mais pas l’Etat en dépérissement. Tel que les classiques l’avaient prévu. L’Etat qui s’efface au profit du Capital avait été sollicité partout. Quand il s’est agi d’évaluer les problèmes des sociétés minières. Mon excellent aîné est là… Parce que le Gouvernement a vu dans ce domaine-là combien nous étions bernés… C’est là où l’on se rend compte de la limite de nos « pouvoirs d’Etat ».

Camarades, je voulais vraiment vous dire, à une population qui est mienne aujourd’hui, et c’est du fond de mon cœur, que l’Etat, réfléchissons-y !

Un livre vient de sortir sur la question. C’est du jeune Mara. Le même Mara. Et, il faut le lire c’est intéressant. En ce qui nous concerne également au RPM, nous avons une réflexion très poussée là-dessus. Et ça fera sûrement l’objet d’une publication dans les temps qui viennent. Merci beaucoup.  Ça, c’était ma très modeste contribution. Faites tout pour voir le documentaire dont j’ai parlé… ».

Propos transcrits par Hawa Diallo

 

Le National 21/12/2010