Presidentielles: Trois pays, trois types d’élection

Les mérites de deux Généraux

Ces derniers temps, on a assisté à un incessant ballet diplomatique en Guinée Conakry où des ambassadeurs européens et des représentants de la communauté internationale ont tous tenu à féliciter le Général guinéen pour cette heureuse issue de l’élection. Toue à tour, ces diplomates se sont succédés au Palais présidentiel pour s’entretenir avec Sékouba Konaté : les ambassadeurs des Etats-Unis, de France, d’Allemagne, d’Espagne et de Grande Bretagne ; des représentants de la Communauté internationale, de l’Union européenne (Philippe Vendame)…

« …Nous sommes tous là pour aider le pays à sortir de la crise…Sous l’égide des Nations unies et de la CEDEAO, nous avons réfléchi aux moyens à mobiliser pour cela…Le Conseil de sécurité s’est déjà penché (le jeudi 18 novembre, à New York : NDLR) sur la question de la Guinée », a informé, en substance, l’ambassadeur espagnol. C’est présumer que d’ores et déjà, la Guinée Conakry commence à entrevoir le bout du tunnel, et que les Etats-Unis, des pays d’Europe et la Communauté internationale sont décidés à tout mettre en œuvre pour appuyer leur partenariat avec le pays en vue de soutenir  sa démocratie naissante et son développement économique, social et sécuritaire.

Après maints atermoiements émaillés de dissensions et de conflits politico sociaux, c’est la Guinée du Général Sékouba Konaté qui sort enfin victorieuse d’une échéance électorale aux multiples défis. Si le plus grand mérite en revient à la sagesse et la détermination du Président de la Transition, l’autre mérite est à décerner au professionnalisme électoral de notre compatriote, président de la CENI, le Général Siaka Toumani Sangaré qui, à la différence des ses prédécesseurs, a su mener ce 2è tour à son terme, et cela, avec tact et clairvoyance.

Bien sûr, cette élection a présenté un arrière goût amer de crises et d’incertitudes. Mais comme disait l’autre, peu importent les voies et moyens, seule la fin compte.  

« L’émergence », slogan de campagne du candidat « Ablassé »

Au « pays des hommes intègres », 7 candidats s’aligneront aux starting-blocks ce 21 novembre. Parmi eux, des membres d’une opposition faible, divisée et sans charisme ; et deux sankaristes : Bénéwendé Stanislas Sankara (aucun lien de famille avec feu Thomas Sankara) et Boukari  Kaboré, celui que tout le Burkina Faso surnomme « le lion du Boulkiemdé », celui qui, il y a vingt ans de cela, avait juré  de venger la mort de Sankara, et qui, depuis lors, n’a jamais pu sentir le régime de Blaise Compaoré.

Après vingt de pouvoir sans partage (pourrait-on dire), et depuis l’assassinat de son frère d’armes (le «Capitaine  Thom Sank », comme l’appelaient ses fans), « Ablassé » (comme les Burkinabé surnomment Blaise Compaoré) paraît archi favori pour remporter sans coup férir cette élection pour un autre mandat. Sûr donc de vaincre sans problème, le candidat Compaoré a placé sa campagne présidentielle sous le sceau de « l’émergence » véhiculé à travers tout le pays par ses partisans.

En fait, depuis la mort de Sankara et ses suites faites de purges, d’arrestations et même de tueries, « Ablassé » n’a plus de véritable concurrent. Et au cours de toutes ces années, il a su non seulement consolider son pouvoir, mais aussi s’imposer au plan sous régional au point de figurer parmi ceux qu’on a surnommés « les sages d’Afrique » et de devenir finalement le médiateur attitré au niveau de la sous région. Aussi avait-il réussi là où de nombreuses rencontres à propos de la crise ivoirienne ont échoué.

En effet, Blaise était parvenu à tempérer quelque peu la crise ivoirienne en réunissant « sous l’arbre à palabres » les frères ivoiriens ennemis d’antan : Laurent koudou Guiawily Gbagbo, Alassane Dramane Ouattara (ADO)  et Guillaume Kigbafori Soro. Ce qui, quelque part, a permis aujourd’hui (entre autres raisons) d’aboutir à cette élection présidentielle ivoirienne.

La médiation du Président du Faso a également marqué le cours de l’histoire politique guinéenne de ces derniers mois. En effet, Blaise Compaoré était parvenu à réunir, à Ouagadougou, tous les acteurs impliqués dans la crise guinéenne, dont le Général Sékouba Konaté et le Capitaine Moussa Dadis Camara, resté d’ailleurs à Ouaga depuis la fin de son traitement médical au Maroc. Bref, depuis la mort du Gabonais Omar Bongo Ondimba, le Président candidat sortant du Burkina Faso s’est révélé un médiateur de poids au sein de la sous région ouest africaine.

Les enjeux d’un second tour

En Côte d’Ivoire, le 2è tour de l’élection présidentielle du 28 novembre suscité autant d‘incertitudes que de polémiques concernant le prochain vainqueur du scrutin, après un 1er tour qui a « terrassé » 12 candidats. Quid donc, de Gbagbo ou d’ADO,  remportera cette dernière manche électorale ? C’est la grande question qui hante plus d’un citoyen  ivoirien, notamment les   électeurs.

Si ADO bénéficie aujourd’hui du soutien de six partis, dont le PDCI de Henri Konan Bédié, et des Houphouëtistes, Gbagbo a l’avantage de posséder les rouages du pouvoir pour avoir régné sur la Côte d’Ivoire pendant dix ans, en fait, depuis le début de la crise : ce qui n’est pas rien.

« Nous devons faire en sorte que le second tour se déroule honorablement », conseillait, en substance, le président de la CENI, Youssouf Bagayoko : comme s’il craignait un quelconque raté du 2è tour qui viendrait tout remettre en jeu. Cependant, le vendredi 19 novembre, il a annoncé que l’ouverture de la campagne pour ce 2è tour est prévue pour ce lundi 22 novembre, à zéro heure. C’est dire que dès ce jour, ce sera parti pour la dite campagne, avec des joutes et autres piques lancées mutuellement par les deux candidats.

« Lorsque je suis arrivé au pouvoir, la Côte d’Ivoire avait une dette extérieure de 6 500 milliards de FCFA…Nous avons invité le Directeur du FMI, Dominique Strauss Khan  pour discuter avec lui…Pour régler nos dettes, nous avons payé 7OO milliards…Nous allons gagner  500 milliards pour régler beaucoup de nos problèmes…», annonçait Gbagbo, comme pour ravir la confiance des électeurs et discréditer du coup son concurrent potentiel, ADO et ses inconditionnels. Gbagbo va même plus loin en promettant de créer l’école gratuit et obligatoire, des établissements scolaires pour les filles et des centres de formation et d’apprentissage pour les femmes : à chacun ses armes de guerre, pardon, de campagne…

Quant à  ADO et ses tout nouveaux soutiens houphouëtistes, ils disent garder une attitude sereine, déterminés à remporter cette finale du 28 novembre et convaincus que Gbagbo n’a plus  rien à apporter au pays. Selon les supporters d’ADO, Laurent Gbagbo n’est tout simplement plus l’homme qu’il faut pour ce nouveau tournant socio politique exigé par les circonstances de la crise. En définitive, seule l’issue de l’élection pourra fixer les uns et les autres sur le Président qu’il faut aujourd’hui pour le pays de Félix Houphouët Boigny.

Par Oumar Diawara « Le Viator »

Le Coq 22/11/2010