​POUR ÉMERGER DANS UN MONDE EN RECOMPOSITION

L’impérieuse nécessité de réformer l’économie malienne pour réduire la
vulnérabilité du pays aux chocs externes
Pour émerger dans un monde en totale recomposition ​(sur les plans de
la géostratégie et de la géopolitique, les pays en développement n’ont
d’autres choix aujourd’hui que réajuster leur économie. Un choix auquel
n’échappe pas le Mali. Comment cela doit-il être fait ? Nous avons
essayé de baliser quelques pistes dans cet article.

L’émergence caractérise le processus par lequel un État s’intègre à l’économie
globalisée et au capitalisme mondial grâce à une croissance économique,
c’est-à-dire une augmentation du produit intérieur brut (PIB) forte pendant
plusieurs années. L’érosion des circuits commerciaux internationaux,
l’incertitude accrue des politiques publiques, la possibilité d’une récession et le
retrait des Etats-Unis du leadership économique mondial devraient exercer
une pression à la baisse significative sur la croissance économique mondiale
à court terme et souligner en même temps la nécessité d’une nouvelle
gouvernance mondiale.
Ces récents développements s’inscrivent dans le contexte de l’effondrement
progressif du monde unipolaire. Dans un tel contexte, la première ligne de
défense des pays consiste à prendre des mesures préventives pour préserver
la stabilité macroéconomique et renforcer la résilience économique. Tandis
que l’économie mondiale post-Covid 19 montrait des signes de stabilisation, le
risque d’une récession mondiale induite par les politiques publiques a
considérablement augmenté. En effet, la politique douanière des Etats-Unis a
perturbé le commerce mondial, déstabilisé les marchés financiers et
compromis les perspectives de croissance prometteuses du début d’année.
D’une manière parallèle, à moyen et long termes et pour tout pays dépendant
du commerce et des marchés internationaux, il est désormais évident que
même si les Etats-Unis parviennent à assouplir leur guerre commerciale, de
nouveaux accords commerciaux et économiques mondiaux seront
nécessaires pour reconstruire une nouvelle gouvernance en appui à un nouvel
ordre multipolaire. Un tel contexte n’a jamais été aussi opportun pour la mise
en œuvre de nouvelles stratégies coordonnées destinées à stimuler la
demande intérieure mondiale et faire face à des défis structurels pressants.
Pour ce qui est du cas du Mali, notre pays ne pourra s’en sortir qu’en
retrouvant des marges de manœuvre économiques qui passent par des
réformes cohérentes et globales inscrites dans une vision de long terme,
visant à engager le pays sur la voie de l’émergence économique. Discutons de
ces points, dans un contexte international tendu, aggravé par des
déséquilibres macroéconomiques internes et des rigidités structurelles
profondes. L’incertitude croissante autour des politiques publiques des Etats-
Unis a des effets profonds et durables qui dépassent le seul cadre
économique.

Elle freine la croissance en décourageant l’investissement et la
consommation, tout en poussant les prix à la hausse. Une telle instabilité
secoue les marchés financiers, affaiblit les monnaies (dont le dollar) et fait
grimper l’or et chuter les bourses du fait de l’inquiétude des investisseurs. Elle
nuit aussi à la confiance des entreprises, freine la création de l’emploi et mine
la crédibilité des institutions, notamment lorsque l’indépendance des banques
centrales est remise en cause. Sur le plan mondial, le protectionnisme
américain et l’instabilité budgétaire fragilisent la confiance du système
commercial fondé sur des règles.
L’escalade des tensions commerciales, déclenchée par le choc tarifaire des
États-Unis, renforce l’incertitude économique mondiale. Cette dernière freine
la croissance (attendue à 2,8 % en 2025 contre 3,3% en 2024), durcit les
conditions financières et entraîne des sorties de capitaux, affectant surtout les
marchés émergents. Dans ce contexte tendu, les pays avancés doivent
composer de plus avec un vieillissement de la population qui fragilise leurs
finances publiques, tandis que la crise du coût de la vie alimente un risque de
troubles sociaux au niveau de nombreux autres pays. La réduction de l’aide
internationale aggravera, quant à elle, la dette et la vulnérabilité des pays à
faible revenu. L’inflation mondiale, poussée par ce choc tarifaire, devrait
remonter à 3,3 %, interrompant le processus de désinflation post-Covid.

La chute du dollar victime de la politique commerciale de
l’administration Trump
De nos jours, les économies émergentes font face à une inflation importée et à
une forte instabilité monétaire, alors que les pays développés subissent de
nouvelles hausses de prix dans les secteurs ouverts au commerce. Face à
ces défis, une réponse coordonnée et équilibrée des politiques publiques est
essentielle pour renforcer la stabilité économique et réduire les déséquilibres
mondiaux.
Précisément au Mali, ce qui implique d’investir dans l’éducation, d’encourager
l’entrepreneuriat et de soutenir les secteurs numériques et verts ; et (2) la
hausse de la dette publique mondiale qui menace la stabilité financière
mondiale. Les pays doivent gérer leurs finances plus efficacement pour
réduire la dette​ et renforcer la fiscalité pour éviter une crise et assurer une
croissance durable.
Dans un contexte géopolitique marqué par le désengagement progressif des
États-Unis, la nécessité de réformer la gouvernance économique mondiale
devient essentielle. Il est crucial que les principales économies​ (notamment
l’Union européenne, la Chine et l’Inde​) renforcent leur coordination stratégique
pour répondre collectivement aux déséquilibres systémiques. La mise en
place d’un cadre multilatéral rénové, basé sur la responsabilité partagée, est
indispensable pour garantir la stabilité macroéconomique mondiale, soutenir
une croissance inclusive et assurer la résilience à long terme du système
économique.
Ce contexte international difficile et en constante transformation offre au Mali
une opportunité de réformer l’économie nationale pour émerger en position de

force dans ce nouvel environnement géopolitique. S’il est peut-être prématuré
d’affirmer l’imminence d’une récession mondiale, en tout état de cause,
l’érosion des circuits commerciaux internationaux et l’incertitude géopolitique
et politique accrue devraient exercer une pression à la baisse significative sur
la croissance économique mondiale à court terme. Dans ce contexte, il est
impératif que les pays adoptent des mesures préventives pour préserver la
stabilité macroéconomique et renforcer la résilience économique. Pour le Mali,
pays fortement dépendant des revenus générés par des richesses minières et
agricoles comme l’or, le lithium et le coton, le contexte actuel représente à la
fois un défi et une opportunité de réorienter sa stratégie économique.

Des réformes structurelles essentielles à la libération du potentiel de
croissance à long terme
Prioritairement, la diversification économique doit devenir un pilier central de
l’agenda politique malien. La vulnérabilité du pays aux chocs externes,
notamment ceux liés aux fluctuations des prix mondiaux du pétrole et du gaz,
souligne l’urgence de développer les secteurs hors hydrocarbures. Des
investissements ciblés dans l’agriculture, l’industrie manufacturière, les
énergies renouvelables et le tourisme pourraient non seulement réduire la
dépendance du Mali aux exportations énergétiques, mais aussi stimuler la
création d’emplois et favoriser une croissance inclusive.
A court terme, une gestion budgétaire prudente sera essentielle. Compte tenu
de la marge de manœuvre budgétaire limitée du pays à court terme, il est
essentiel de renforcer le recouvrement de l’impôt (en deçà de son optimum en
2024), rationaliser les dépenses publiques courantes et améliorer l’efficience
des dépenses en capital (en repensant la chaîne institutionnelle et technique
des projets publics). Parallèlement, des efforts doivent être déployés pour
renforcer les systèmes de protection sociale, notamment face à la hausse de
l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat réel des ménages.
De telles mesures peuvent atténuer les coûts sociaux de l’ajustement et
préserver la cohésion sociale. La politique monétaire doit rester
accommodante mais vigilante, en mettant l’accent sur le maintien de la
stabilité des prix et la garantie de la liquidité du système financier. Au Mali,
une attention particulière doit être également accordée aux besoins de crédit
des petites et moyennes entreprises (PME) qui jouent un rôle essentiel dans
l’emploi et l’innovation, mais qui sont souvent confrontées à des obstacles au
financement du fait de la politique budgétaire expansionniste. La politique de
change devra servir de trait d’union entre une politique budgétaire inscrite
​dans un processus de viabilisation et d’une politique monétaire en appui de la
stabilité des prix.
L’amélioration de l’environnement des affaires, par la simplification
réglementaire, le renforcement de la gouvernance et une plus grande
transparence des politiques, peut améliorer la compétitivité de l’économie
malienne, renforcer la confiance des investisseurs et attirer les capitaux
nationaux et étrangers. De plus, la réforme de l’éducation et l’investissement
dans le développement du capital humain sont nécessaires pour doter la

main-d’œuvre de compétences adaptées aux exigences d’une économie
moderne et diversifiée, et renforcer la productivité.
Macky Cissé
Expert en géopolitique

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