Naufrage mortel dans la Manche : neuf passeurs condamnés à Lille à des peines allant jusqu’à huit ans de prison

Lille, 1er juillet 2025 – Neuf passeurs, pour la plupart d’origine afghane, ont été condamnés lundi par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille à des peines de sept à huit ans d’emprisonnement, dans le cadre du naufrage survenu en décembre 2022 dans la Manche, qui avait coûté la vie à huit migrants.

Parmi les condamnés figure un Afghan jugé par défaut, désigné par ses co-prévenus comme le cerveau de l’organisation. Lui et deux autres membres du réseau écopent de huit ans de prison. Les six autres sont condamnés à sept ans. Tous se voient infliger des amendes individuelles allant de 50 000 à 100 000 euros, assorties d’une interdiction définitive du territoire français.

Un naufrage parmi les plus meurtriers

Dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, une embarcation de fortune, gonflée à la hâte depuis la plage d’Ambleteuse (Pas-de-Calais), a sombré dans une mer glacée et agitée avec près de 47 personnes à bord, soit presque trois fois sa capacité maximale. Selon le parquet, la détonation entendue lors du gonflage du canot aurait été ignorée.

La traversée tourne rapidement au drame : un boudin se dégonfle, l’eau s’infiltre, le canot chavire. Huit personnes perdent la vie, dont quatre portées disparues. Trente-neuf autres – originaires d’Afghanistan, d’Inde et d’Albanie – sont secourues in extremis par les gardes-côtes français et britanniques.

Un trafic lucratif et structuré

Les prévenus étaient poursuivis pour traite d’êtres humains, homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui et aide au séjour irrégulier. Le parquet avait requis entre six et huit ans de prison.

Ce réseau, qualifié par la procureure de « trafic extrêmement lucratif », réclamait en moyenne 3 500 euros par personne pour une traversée périlleuse à bord de bateaux inadaptés à la haute mer.

Deux frères afghans, identifiés comme les financeurs du réseau, ont été condamnés à sept ans de prison et à une amende de 100 000 euros chacun. Un dixième membre, détenu en Belgique, sera jugé ultérieurement. Le barreur du canot, un mineur sénégalais, a quant à lui été condamné à neuf ans de prison au Royaume-Uni.

Défense sous tension

Les avocats de la défense ont dénoncé une procédure aux contours flous. Me Dorothée Assaga a plaidé que son client, un Afghan de 21 ans, agissait « sous la contrainte » dans l’espoir de rejoindre l’Angleterre. Me Cherifa Benmouffok, défendant un Kurde irakien condamné à huit ans, a critiqué une « justice de masse » ne laissant que peu d’espace au débat contradictoire.

Une tragédie de plus dans la Manche

Ce drame s’ajoute à une série de naufrages meurtriers survenus ces dernières années dans la Manche. En novembre 2021, 27 migrants avaient péri au large de Calais, un dossier toujours en attente de jugement. En septembre 2024, deux autres naufrages avaient fait 20 morts au total.

Un appel à traiter les causes structurelles

Pour Utopia 56, association de soutien aux migrants, ce procès ne résout pas le problème de fond. « Couper la tête des réseaux ne suffit pas », déclare sa porte-parole, Charlotte Kwantes. Elle appelle à repenser les politiques migratoires de l’UE, qu’elle juge responsables de la prolifération de ces réseaux mortels.

Les condamnés ont dix jours pour faire appel.

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