MULTIPLICATION DES GREVES : La mauvaise gouvernance fragilise l’Etat

IBK2015

Face à la mauvaise redistribution des ressources nationales, les inégalités et le train de vie extravagant de l’Etat, la demande sociale se fait de plus forte au Mali. L’Etat devient incapable de trouver des solutions aux préoccupations essentielles des populations. La fragilisation de l’Etat est de plus en plus évidente, et le gouvernement peine à instaurer le dialogue social franc et direct avec ses partenaires sociaux. Explications.

Enseignement, justice, impôts, banques, transports, santé, mines, etc. En trois ans de régime Ibrahim Boubacar Kéita, le Mali a battu le record de grèves dans la sous-région. Tous les secteurs socio-professionnels du pays ont observé un ou des arrêts de travail ces dernières années.
La nouvelle donne dans les grèves au Mali, c’est particulièrement le caractère illimité des mots d’ordre.
La grève illimitée décrétée il y a dix jours par le Syndicat national de la santé et sa gestion par le gouvernement ne peuvent empêcher de s’interroger sur la bonne foi du régime à se préoccuper du bien-être des populations. Tant les conséquences sont dramatiques pour les patients et leurs parents.
En attendant d’avoir les statistiques exactes sur le nombre de décès dus à l’absence d’accès aux soins de santé, du fait de cette grève, les Maliens doivent prendre davantage leur mal en patience. Impossible d’espérer sur un compromis durable.

L’Etat ne donne pas l’exemple !
La multiplication de ces grèves est fondamentalement le signe d’un malaise social. Depuis quelques temps, la demande sociale se fait de plus en plus forte. La cherté de la vie, notamment le coût élevé du loyer, de l’eau, l’électricité, les denrées de premières nécessité ont imposé aux ménages des dépenses supplémentaires. Pas vraiment surprenant que les travailleurs demandent plus. Observer un mouvement de grève est donc un droit consacré pour les travailleurs.
Mais il est clair que les théories économiques nous enseignent qu’en période crise dans un pays, les syndicats adoptent un moratoire sur les revendications. Dans d’autres pays, notamment dans un contexte de guerre comme le nôtre, les syndicats se font violence quant aux manifestations et autres réclamation pouvant nécessiter des efforts supplémentaires pour le gouvernement.
Ce dernier, en retour, réduit son train de vie, revoit à la baisse ses missions et la taille des délégations devant participer aux missions essentielles. Tout cela doit être caractérisé par un exemple de bonne gouvernance. Au Mali difficile de réclamer plus d’efforts à des travailleurs mal payés, qui doivent subir les conséquences de la cherté de la vie et face auxquels vous avez un gouvernement qui se soucie peu du bien-être de ses populations.
Le moratoire sur les revendications suppose que les dirigeants donnent l’exemple, notamment en réduisant le train de vie de l’Etat et en adoptant des principes de bonne gouvernance. En mai 2012 alors que l’Europe, et particulièrement la France étaient frappées par les conséquences de la crise économique, le président François Hollande a dû réduire de 30 % son salaire et celui des membres de son gouvernement. L’Assemblée nationale, elle, a baissé de 10 % son budget. Le Mali n’est certes pas la France, mais l’exemple peut inspirer en matière de réduction des dépenses et d’exemple de sacrifice à donner au peuple.
Au Mali c’est tout le contraire… les dépenses de prestige ont davantage augmenté, les missions de l’élite à l’extérieur ont été revues à la hausse sous prétexte de « plaider la cause du Mali ». Les tailles des gouvernements augmentent comme si on était dans une situation normale… Bref, l’absence véritable de volonté politique chez les autorités à consentir des sacrifices et à renoncer à certains prestiges, a augmenté les envies bien légitimes chez les travailleurs qui exigent plus.
La multiplication des grèves, dans tous les corps socio-professionnels, témoigne véritablement de la fragilisation de l’Etat et l’incapacité du pouvoir à répondre aux préoccupations essentielles des populations. En attendant que celles-ci prennent leurs responsabilités dans les urnes, les grèves font continuer.
Issa Fakaba Sissoko