Mondial de l’auto 2018: l’électrique à marche forcée

L’édition 2018 du Mondial de l’automobile à Paris, le plus ancien et le plus fréquenté des rendez-vous du secteur, marque l’avènement incontestable de la voiture électrique et hybride. Poussés à l’innovation par les contraintes environnementales, les constructeurs y investissent beaucoup, alors que le marché est, pour le moment, minuscule.

Seulement 1% des immatriculations : les véhicules 100% électriques, donc zéro émission de CO2, ne représentent qu’une infime partie des ventes dans le monde. Mais ça pourrait bien changer dans les années à venir. Carlos Ghosn, le PDG de Renault, vise 10% de ses ventes en voitures 100% électriques d’ici quatre ans. Un marché en devenir, car avec la disparition accélérée du diesel, avec les politiques anti-pollution, les industriels ont bien senti qu’il fallait investir dans le zéro émission.

L’américain Tesla, le précurseur, est assailli de modèles concurrents, chinois et européens. Certains observateurs disent que 2018 est l’an 1 de la voiture électrique. Guillaume Crunelle, responsable du secteur automobile au cabinet Deloitte, estime qu’on va « rentrer dans une normalité » mais note qu’on a « plus d’une centaine d’années d’expérience sur le véhicule à combustion et très peu sur le véhicule électrique : son comportement, son assemblage, comment on va l’entretenir dans le temps ».

Problème de prix

C’est vrai qu’au-delà des bienfaits écologiques, il y a encore pas mal d’inconnues et de difficultés à résoudre. A commencer par le prix de ces véhicules, qui restent pour l’instant inabordables pour l’immense majorité des automobilistes. C’est le premier frein à l’achat d’une voiture électrique ou hybride, hybride c’est à dire un double moteur thermique et électrique. Les constructeurs ont conscience de ce problème. Anne-Lise Richard, responsable du programme véhicules électriques chez PSA reconnaît que « la technologie est plus chère », mais annonce un positionnement sur les prix pour que « quand on intègre le gain d’énergie et d’entretien, il soit similaire à celui d’un véhicule diesel ».

Problème d’autonomie

Le deuxième frein, c’est l’autonomie des voitures, la distance qu’elles peuvent parcourir sans recharger. C’est même le nerf de la guerre. Les batteries avec la meilleure autonomie, qui permettent de rouler longtemps, sont aussi les plus grosses et les plus lourdes. Donc les plus dépensières en énergie. Il y a des progrès sur les batteries, sur les moteurs, mais il faut trouver LA bonne formule. D’où l’importance des équipementiers comme Faurecia, qui travaille avec de nombreuses marques. Eric Fohlen-Weill, chargé de communication, évoque les normes qui se durcissent, les villes qui veulent faire des zones zéro émission ou à faible émission. « L’ensemble de ces bouleversements nous oblige à aller plus vite ». Parmi les solutions d’avenir, il y a ce qu’on appelle l’hybride rechargeable, ou encore la voiture à hydrogène, qui ne représente pour le moment que quelques milliers de véhicules dans le monde.

Problème d’infrastructure

Il y a un dernier élément essentiel: l’infrastructure. Il faut des bornes de recharge, fiables et rapides. Elles commencent à se multiplier en Europe, aux Etats-Unis ou en Chine. Mais d’autres pays à gros potentiel sont en retard. Et c’est un vrai motif de préoccupation pour les constructeurs qui cherchent des marchés d’avenir. Eric Feunteun, directeur du programme chez Renault, est « assez convaincu » que les voitures électriques pourront être écoulées un jour « en Inde, au Brésil ou ailleurs ». Et en appelle « aux gouvernements, aux partenaires, aux villes », s’inquiétant de « la vitesse avec laquelle on va être capable de déployer ces écosystèmes, dans des environnements qui sont compliqués ». En France par exemple, d’après Enedis, gestionnaire du réseau de distribution de courant, 187 000 points de charge sont installés. Très loin de l’objectif des 7 millions en 2030 fixé par la loi sur la transition énergétique.

■ 2018, l’an 1 de la normalité de la voiture électrique? Questions à Guillaume Crunelle, responsable secteur automobile au cabinet Deloitte France répond aux questions de Bruno Faure.

RFI : Peut-on parler de l’an 1 de la voiture électrique pour 2018 ? Cela vous convient ?
Guillaume Crunelle : 
« L’an 1 de la voiture électrique », c’était en 1899 en France avec une voiture appelée la Jamais contente. Maintenant, si on veut avoir un prisme plus industriel, oui c’est une sorte d’an 1 qui arrive tout simplement parce que l’ensemble de l’écosystème, l’ensemble des constructeurs prennent ce virage, vont présenter des modèles, vont présenter des gammes. Et ça, on va passer d’une étape modèle un peu extraordinaire ou un peu inhabituelle à simplement rentrer dans une normalité. Oui, c’est l’an 1 de la normalité dans la voiture électrique. Le véhicule électrique apporte d’autres solutions. Je pense que ce qui est intéressant, c’est que dans les dix années à venir, nous allons voir cohabiter l’ensemble de ces modes de propulsion, y compris hybrides et peut-être un peu plus tard l’hydrogène aussi, tout simplement pour mieux répondre aux besoins de la population et mieux répondre aux défis économiques et écologiques auxquels on doit faire face.

Le problème est que le marché aujourd’hui n’existe pas vraiment. Beaucoup d’automobilistes pensent que le véhicule électrique, c’est trop cher…
Alors là, je pense que c’est une histoire de poule et d’œuf le véhicule électrique aujourd’hui. Tout simplement parce que le problème, c’est que le véhicule électrique aujourd’hui, vous en avez peu de disponibles à la vente. Et c’est cela qui va changer au Mondial cette semaine et la semaine prochaine, tout le monde va présenter des gammes. Et à partir du moment où il y a des gammes, à partir du moment où il y a des bornes, ce qui commence à être le cas un peu partout, il y a la potentialité d’un marché.

Parce que ça, c’est une question essentielle aussi, l’infrastructure ?
La voiture, c’est une problématique d’infrastructures : avoir les routes, avoir les moyens de recharge et avoir les véhicules pour les faire fonctionner dessus. Tout cela se construit progressivement. On voit les choses apparaître. Moi, je suis extrêmement positif sur le fait que, quand un écosystème aussi mature, aussi intelligent que l’écosystème automobile -et là je parle des constructeurs et de tous ceux qui les accompagnent- prennent cette direction c’est-à-dire investissent dans le véhicule électrique tout en continuant à investir sur les autres technologies qui sont nécessaires, je pense que ça va marcher.

L’un des intérêts de ce type de motorisation, c’est qu’a priori il y aura moins de pièces détachées par rapport à un véhicule classique ?
Simplement dans un véhicule électrique, sans rentrer dans une technicité particulière, il y a moins de frottement. Ça frotte moins, ça chauffe moins, donc il y a une complexité mécanique qui est beaucoup moins forte. Donc, des véhicules probablement un peu plus simples à assembler avec des problématiques de maintenance beaucoup plus faibles. Maintenant, ce qu’il faut savoir, c’est qu’on a plus d’une centaine d’années d’expérience sur le véhicule à combustion et très peu finalement sur le véhicule électrique, son comportement, son assemblage, comment on en fait une chaîne de valeur qui fonctionne et comment on l’entretient.


La chute inexorable du diesel

Le Mondial de l’Auto accueille cette semaine à Paris une industrie automobile prospère, mais secouée par de multiples défis, dont le déclin rapide du diesel. En cinq ans, les ventes de diesel en France ont été presque divisées par deux. Les ventes aux particuliers, en excluant les flottes d’entreprises, ne représentent plus actuellement que 25% des ventes.

Les raisons de cette chute qui semble inexorable ? L’augmentation des taxes sur le gazole, mais surtout le « dieselgate » avec les malversations supposées des constructeurs, Volkswagen en premier lieu, pour dissimuler le vrai niveau de pollution de leurs véhicules. Enfin, les récentes interdictions de circulation dans plusieurs grandes villes ont suscité l’inquiétude de nombreux automobilistes. Une tendance à la baisse qui se vérifie également au niveau européen.
RFI

SOURCE:Par Bruno FaurePublié le 03-10-2018 Modifié le 03-10-2018 à 12:00