Lettre ouverte au Président, Les affichés, les fichés et le fichier

Qui, bien sûr, les adoptera au nom de l’ego  humain plus sensible aux éloges qu’aux réprimandes. Quant à nous, Président, si Dieu le veut car il est le seul maître du temps, nous ne vous donnons pas 9/10 pendant que vous êtes encore en poste, nous le ferons pendant que nombreux parmi ceux qui s’affichent aujourd’hui seront dans la salle d’attente du futur pouvoir. Mais nous cesserons de critiquer la seconde précise où vous cesserez d’exercer votre charge publique. Et tant que ce sera possible, nous vous défendrons et ne parlerons de vous qu’en termes de  président bâtisseur.  En attendant,  qu’il vous plaise, Président, que nous prolongions votre  dialogue avec la nation  en soulevant juste deux points de vos interventions.

Ben Hako, Anac, Niamé Keita. Votre causerie en bamanan sur l’affaire d’Air cocaïne est limpide. Vous disculpez clairement Ben Hako.  Notre intention, Président, n’est pas de vous  accuser  -comme d’autres le font déjà- de vouloir influencer la justice. Elle est plutôt de vous demander, car vous êtes le premier magistrat de la République, de faire en sorte que Hako, fils et neveu de certains, frère, époux et père pour d’autres, ne continue pas alors d’être la victime d’un acharnement judiciaire. C’est également dans votre capacité de premier magistrat qu’il nous paraît important que l’Anac qui n’a pas trouvé grâce à vos yeux réponde de ses faits. Quelles que soient les personnes incriminées, l’échelle des complicités, la lumière doit être vite faite sur cette ténébreuse affaire qui, si nous vous avons bien compris, garde l’innocence en prison et des possibles malfrats hors d’atteinte. Nous pensions avec la judiciarisation du dossier d’Air Cocaine, nous étions, en tant que pays, en train de solder une fâcheuse histoire pour notre image.

Les errements ne sont donc pas acceptables, Président, et vous devez veiller à ce qu’une justice saine soit délivrée dans cette affaire qui a porté atteinte à l’honneur de trop de citoyens.  Le Mali de 2012 mérite de laisser ce dossier derrière lui. Car nous avons tellement de choses urgentes et moins laides à faire. Comme remettre les pendules à l’heure, rompre avec la stratégie du rabais et de la banalisation. Et un des exemples les plus pertinents à ce sujet réside dans la lettre Niamé Kéita sur Sadio Gassama suivie de la réponse d’un autre colonel. Le tout par voie de presse ainsi que c’est le cas depuis plusieurs mois dans les affaires concernant la police. Surtout les officiers supérieurs de nos forces de sécurité. Nous avons galvaudé pas mal de valeurs, brisé beaucoup de garde-fous. Voilà que nous piétinons l’honneur et la dignité du statut d’officier. C’est trop, Président.

Le fichier électoral. Le 22 septembre 2009 vous avez  promis d’utiliser le fichier Ravec pour donner, une fois pour toutes, de bonnes listes électorales à notre pays. Il est donc normal, Président, que nous nous étonnions d’abord que cette promesse ne puisse être tenue, ensuite des raisons pour lesquelles elle n’est pas tenue.  Président, nous vous savions de bonne foi quand vous faisiez la promesse. Et nous pensons  que les errements actuels ne procèdent d’aucun calcul de confiscation du pouvoir. Cependant, l’argument que le Ravec n’est  pas prêt à cause de la Côte d’Ivoire relève simplement de l’anesthésie générale de la nation et d’une singulière déloyauté de notre administration à votre endroit. Le fait que le recensement des Maliens de Côte d’Ivoire n’est pas fait ne peut pas invalider le fichier Ravec.

Car ou on utilise le fichier Race ou notre diaspora en Rci, comme la région de Kidal en 1992, sera tenue à l’écart des élections. D’ailleurs, la Côte d’Ivoire, bien qu’en crise, a pu faire l’enrôlement de plusieurs millions de citoyens avant la guerre à partir de décembre 2011. La vérité est-elle alors que le Ravec ne puisse être utilisable ni l’an prochain, ni les années après, simplement pour défauts rédhibitoires ? Le second passage qui explique que seuls quelques dizaines de milliers  de nos compatriotes soient allés vérifier leurs données sur un total de près de deux millions, n’a été fait nulle part. Ni au Nigéria, ni en Guinée, ni en Côte d’Ivoire. Et cette mesure extrême n’est envisagée, généralement dans les recensements, que s’il y a une grave crise de confiance dans les données. Président, insistez sur la vérité et toute la vérité et quand vous l’aurez, informez votre nation. Celle-ci est avec vous mais elle n’est qu’avec vous. Et comme ses compatriotes l’ont dit, une fois de Kérékou : « si vous avancez nous vous accompagnons, si vous vous arrêtez, nous vous pousserons, si vous reculez, nous vous abandonnerons ».

Mais nous savons que vous ne reculerez pas, car le bilan politique que vous voudriez laisser est tout aussi important que votre impressionnant bilan physique. Le Mali qui ira bientôt à Ségou par autoroute mérite une administration qui sait faire des recensements. Ils vous mènent en bateau, Président, réagissez, ne serait-ce que pour l’exemple. Les citoyens vous comprendront et vous soutiendront. Sauf votre respect, Monsieur le Président, et à la semaine prochaine, Inch’Allah.

Adam Thiam

Le Républicain 16/06/2011