«C’est normal, il faut le dire»: Deux ou trois vérités sur le Septentrion malien

Mais aujourd’hui, hélas, tout ne semble-t-il pas indiquer, au moins apparemment, qu’à l’épreuve du pouvoir, le militaire aura été corrompu par l’emploi civil, fût-il de magistrature suprême, et le politique aura sombré en politicien? Si cela était, alors, comme ce serait dommage!

Le Mali n’ayant  jamais connu de problème aussi grave et existentiel que celui qu’il vit en ce premier trimestre de l’an 2012,  laissez-moi dire ma part de vérité.  Car, c’est normal, il faut le dire. Jamais dans son histoire, le Mali n’aura connu pareille situation, et le peuple malien pareils affronts.

Jamais, en effet, un drapeau autre que celui du Mali n’aura flotté sur le territoire malien sans découler de la Convention de Genève régissant les relations diplomatiques. Que cela résulte du fait des armes rend la situation encore plus inadmissible.

Jamais, en effet, des armées étrangères, singulièrement celle de l’ancien colonisateur, n’ont eu à fouler le sol malien pour de soit-disantes opérations de police, mettant toutes les autorités du pays, civiles et militaires, devant le fait accompli.

Jamais, enfin, autant de populations ne furent jetées, du jour au lendemain, sur les chemins douloureux de l’exode, ouvrant ainsi le pays aux couloirs humanitaires que l’on avait cru dévolus à d’autres.

Mais que sont-ils donc devenus, ces héritiers de Soundiata, Soumangourou Kanté, Firhoun, Babemba, Tiéba, Damonzon, Sékou Amadou, Samory Touré, pour que soient dissipées cette fierté et cette dignité qui longtemps firent de Bamako le berceau des mouvements et organisations d’émancipation africaine?

Que sont donc devenus, les héritiers de ces vaillants patriotes, dont toute l’histoire fut une merveilleuse dédicace au sacrifice suprême, pour que le Mali soit et demeure éternel?

Que sont-ils devenus pour que le Mali tombe aussi bas, au point que l’on puisse entendre, du président mauritanien, ces propos dédaigneux, distillés à son encontre dans le quotidien français Le Monde?

Quand même, pas la Mauritanie! Ce pays, archétype illustration de la balkanisation impérialiste de l’Afrique,  pure création coloniale faite pour abriter le pillage de ses gisements de fer, et dont la capitale était, il n’y a pas si longtemps, … Saint Louis du Sénégal!

Sortir de ce guêpier, de cette impasse que le vaillant peuple malien ne mérite absolument pas, voilà ce à quoi doivent tendre, ici et maintenant, tous les patriotes maliens, civils comme militaires, classe politique comme société civile, Kel Tamasheq, Arabes, Songhoï, Peulhs, Bamanan, Markas, Sarakholès, Manigans, Bozos, Sénoufos, Bwas, Miniankas, bref tout ce melting-pot harmonieux que constitue le peuple malien avec, comme liant, ce cousinage à plaisanterie que l’on nous envie tant.

Le devoir patriotique de tous, aujourd’hui, c’est d’aider le Président Touré, de l’accompagner (à condition qu’il ne quitte point la voie de l’honneur), de faire en sorte que le Mali redevienne le Mali et relève ses défis de l’heure, qui sont: restaurer son intégrité territoriale, préserver son unité nationale et conforter sa cohésion sociale.

Mais, avant toute proposition de sortie de crise, il convient de faire le point. Et ce point montre qu’à l’analyse le Mali se retrouve doublement victime, des effets collatéraux de la chute de Ghaddafi et de ses mésalliances dans la gestion du dossier Nord.

Le Mali victime collatérale de la chute de Mouammar Ghaddafi

Jusqu’à l’arrivée de ces hordes ghaddafiennes, targui et arabes, à l’instar de l’ensemble du Septentrion malien, bénéficiaient d’une indéniable discrimination positive, de la part du gouvernement malien. C’est ainsi qu’au détriment des autres régions du pays, le développement du Nord Mali a été retenu comme domaine de concentration du 11ème FED.

En d’autres termes, la nation acceptait que l’aide publique de l’Union Européenne au développement du Mali tout entier soit principalement affectée à son seul Septentrion. Et, si les décaissements n’ont pas été à hauteur de souhait, cela a essentiellement été le fait de l’insécurité liée aux actions d’une minorité de touarègues, connue de tous pour être les véritables preneurs d’otages, «vendus» par la suite à AQMI. Aux actions, également, d’une minorité de commerçants arabes, tombés dans la séduction de l’argent facile des trafiquants de cocaïne.

C’est ainsi également que l’on a assisté à des vagues, sans précédents, de nominations de Touarègues et d’Arabes, parfois (et même souvent), en dépit de compétences réelles, notoirement insuffisantes, à tous les niveaux de l’Administration: gouvernement, Assemblée nationale, Haut conseil des collectivités territoriales, diplomatie, corps armés et paramilitaires, etc. .

Et, de mémoire de Maliens, jamais minorités ethniques n’auront été autant choyées et représentées dans la Fonction publique malienne! Tandis que, parallèlement, des subventions déguisées y étaient largement distribuées aux jeunes sans emplois de la région concernée, sous forme de prêts que l’on savait d’avance appelés à ne connaître aucun début de remboursement.

Il est, en outre, loisible de constater que la situation de ceux-là, si prompts à crier à la marginalisation, avait changé du tout au tout. Et, si auparavant il était de coutume de rencontrer, dans des campements de fortune perdus dans l’immensité du désert, des dromadaires en stationnement, dont les propriétaires bivouaquaient autour des légendaires tasses de thé, aujourd’hui, les campements sont toujours de fortune, certes, leurs occupants bivouaquent toujours autour du thé, certes, mais de rutilantes Toyota V8 ont remplacé les dromadaires.

Tandis que leurs détenteurs peuvent se prévaloir d’innombrables villas cossues, qui ont poussé comme des champignons à Kidal, Gao, Tombouctou et même Bamako. Et ne cherchez surtout pas à savoir leur mécanisme de financement!

L’arrivée des troupes ayant lâché Ghaddaffi aura eu pour premier effet de chambouler toute la superstructure Kel tamasheq, écornant du coup le formidable processus d’intégration que visait cette discrimination positive, acceptée par le peuple malien.

Pourtant, le Mali, comme le Niger, avait en vain attiré l’attention de la communauté internationale sur les risques de déstabilisation du Sahel inhérents à la stratégie usitée pour abattre Ghaddaffi. Ils ne s’attendaient pas, cependant, à ce que des troupes qui rendaient ce dernier imprenable, soient littéralement exfiltrées vers le Mali et le Niger, avec armes et bagages, sur la base d’un deal dont on est à même de mesurer aujourd’hui les effets néfastes.

Résultats: des gens qui ont fui une guerre en Libye, trahissant un chef à qui ils devaient tout, viennent créer, de toutes pièces, une guerre au Mali. Et d’aucuns se complaisent à les qualifier de révolutionnaires, chantres de l’identité touarègue!

En tous les cas, comme le veut l’adage, à quelque chose malheur est bon. La situation actuelle a l’avantage de clarifier certaines choses. Et il faudra bien, tout de même, que certains des pays voisins du Mali répondent à la question suivante: comment le Mali, ne partageant aucune frontière avec la Libye, un convoi de plusieurs dizaines de véhicules, lourdement équipés d’engins de guerre, aura-t-il pu accéder au Nord Mali par voie terrestre à partir de la Libye, sans leur complicité, au moins passive?

Et comme nous savons qu’à l’époque le Niger, après avoir cantonné ses «Libyens», avait mis en déroute un convoi se dirigeant sur le Mali, la question reste donc cruellement posée à Algérie et à la Mauritanie.

Le Mali victime de ses mésalliances dans le traitement de la question du Nord

Cela nous amène à poser, c’est normal il faut le dire, la problématique de la politique d’alliances mise en œuvre par les autorités maliennes dans la résolution de la crise au Nord du Mali.

Il faut avoir le courage et la lucidité de dire, clairement, que l’alliance du Mali avec l’Algérie a été pour le moins contre productive. Et les masques sont aujourd’hui tombés.

Car, tout comme il en a été pour le POLISARIO et la «République Arabe Sahraouie Démocratique», il est devenu une évidence que, derrière les manifestations et agressions ourdies par le MNLA, il y a la main plus que visible de l’Algérie. Après que ce pays ait constitué la base arrière des Bahanga  et autres sanguinaires de même acabit qui, bien que recherchés au Mali pour crimes, rébellion, assassinats et semis anarchiques de mines anti personnelles, s’y pavanaient allégrement, sans autre forme de procès.

Les Maliens, dans leur grande majorité, ont fini par réaliser que l’Algérie a agi envers eux en faux frère, les payant en monnaie de singe, pour tout le soutien que leur peuple a apporté à la lutte de libération nationale algérienne.

Déjà, il y a belle lurette, des signes annonciateurs existaient. Pour un simple article publié dans un journal privé de la place, ce pays n’avait-il pas rappelé son Ambassadeur pour consultation, tout en menaçant d’arrêter sa médiation dans les négociations alors en cours?

L’on se souvient également des pressions algériennes sur les autorités maliennes pour le respect strict des clauses de l’Accord d’Alger, notamment celles stipulant l’abandon du Septentrion malien par l’armée nationale au profit de troupes militarisées de l’Alliance du 23 mai.

L’histoire retiendra que c’est suite à l’application de l’Accord d’Alger que le Septentrion malien a littéralement été abandonné aux preneurs d’otages et trafiquants de tous poils. Et que c’est suite à ces mêmes accords que l’infériorité militaire de l’armée nationale été parfaitement organisée dans le Septentrion malien, y créant, par le fait même, l’environnement propice aux «éclatantes victoires touarègues» dont a parlé le ministre français Alain Juppé.

Aujourd’hui, des pans entiers de la presse algérienne se délectent en papiers injurieux et même séditieux contre le Mali et son président. Et agissent sans fard en lobby politique du MNLA.

Il apparaît désormais clairement que, tant que l’Algérie aura un rôle déterminant à jouer sur la question du Septentrion malien, non seulement il n’y aura jamais de paix véritable, non seulement tout sera entrepris pour la création d’une entité touarègue sœur de la RASD Algérienne, mais jamais le pétrole de ce territoire, dont la quantité et la qualité sont maintenant établis avec précision, ne sera exploité sous bannière malienne.

Et que dire de l’alliance avec la Mauritanie et son général putschiste multirécidiviste. Son interview dans Le Monde, où l’arrogance le dispute à la stupidité, est suffisamment édifiante pour que l’on ne perde pas son temps à la définir. D’autant plus que plusieurs journalistes maliens se sont chargés de le remettre à sa place réelle.

Le Maliens se doivent d’avoir présent à l’esprit que jamais, sauf à être dirigé par des patriotes décomplexés, ayant le sens de l’histoire et des intérêts du continent africain, ce pays ne pardonnera au Mali son vote lors de la 16ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, lors de sa 1043ème plénière, le 27 octobre 1961. Le Mali de Modibo Keïta figurait, en effet, parmi les 13 pays s’étant prononcé contre l’admission de la Mauritanie.

Enfin, comment s’étonner maintenant des connexions constatées entre le POLISARIO et le MNLA? Le peuple malien ne n’est plus dupe. Il a fini par réaliser que ces deux mouvements sont de la même mouvance, de la même veine, ont les mêmes méthodes, les mêmes objectifs …. et les mêmes soutiens.

Aux pouvoirs publics d’en tirer les conséquences, avant qu’il ne soit trop tard. Pour eux, bien entendu. Car le peuple lui, saura régler ses comptes, tous ses comptes, le moment venu.

Sékou Amadou Bamba

22 Septembre 23/02/2012