Interview M. Makan Kane: Le Représentant du Fonds des Nations Unies pour la Population au Mali

Makan Kane : Le FNUAP se porte très bien au Mali car nous travaillons en parfaite symbiose avec les structures gouvernementales et celles de  la société civile dans le cadre du Programme de coopération 2008-2012 signé entre le Mali et l’UNFPA.

Cette bonne atmosphère de collaboration nous a permis d’exécuter en 2010, presque  les 100%  des fonds qui nous ont été alloués par notre Siège, soit près de 8 millions de dollars US correspondant  à plus  de 4 milliards de F CFA, avec lesquels nous avons appuyé :

* le développement des services de Santé de la Reproduction, incluant la promotion de la santé de la reproduction des jeunes et adolescentes, la prévention du VIH/SIDA et la lutte contre la fistule obstétricale. Nous avons surtout mis l’accent sur le renforcement du système de santé malien à travers un programme spécifique de sécurisation des produits de la santé de la reproduction, y compris les produits sanguins ;
* la mise en œuvre de la politique nationale de population, notamment à travers l’exploitation des résultats du recensement général de la population et de l’habitat 2009 ;
* la prise en compte des questions de genre et droits humains.

Le Républicain : Quels sont les axes prioritaires de votre action pour la décennie qui s’ouvre au Mali ?

M.K : En tant qu’agence du Système des Nations Unies, le FNUAP répond à un mandat précis qui s’inscrit dans le cadre des recommandations de la Conférence Internationale sur Population et Développement (CIPD) tenue au Caire en 1994. Toutes les évaluations conduites ces derniers temps ont montré la pertinence du Programme d’action du Caire qui lui-même contribue à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement(OMD). De ce fait, les actions prioritaires de la prochaine décennie viseront à appuyer le Mali, dans le cadre de notre mandat, à réaliser le PA/CIPD et à atteindre les OMD.

Cela veut dire, une valeur ajoutée dans notre contribution pour :

* L’accès universel aux services de santé de la reproduction, spécifiquement pour les personnes vulnérables et pauvres ;  avec l’objectif ultime d’un Mali où toutes les grossesses sont voulues, les accouchements sont sécurisés et le pays est débarrassé du VIH/SIDA
* La disponibilité de données fiables et désagrégées par sexe pour nous permettre d’évaluer à tout moment les progrès accomplis  et aider à prendre les décisions appropriées en termes de politiques et de stratégies ;
* La création dans le pays d’une masse critique de cadres compétents à travers le renforcement des capacités dans la collecte et l’analyse des données, à travers un appui constant à l’INSTAT et certainement à l’université de Bamako, avec laquelle nous sommes en négociation pour la mise en place d’une filière de formation de statisticiens  ;
* La promotion des droits humains pour l’équité et l’égalité de genre avec une égalité de chance entre les filles et les garçons et où les femmes et les filles sont traitées avec respect et dignité.

Tous ces éléments sont contenus dans le document du programme de coopération signé entre le Mali et le FNUAP et qui couvre la période 20008-2012. Je rappelle que ce programme de coopération est bâti sur trois composantes majeures :  

La première composante est la santé de la reproduction qui consomme plus de la moitié  de notre budget.

La deuxième composante  Population et Développement est réalisée à travers deux résultats à savoir : la disponibilité et la qualité des données de population désagrégées par sexe pour une meilleure planification du développement et un suivi adéquat de la réalisation des objectifs du PA/CIPD et des Objectifs du Millénaire pour le Développement.

La troisième  composante de notre programme de coopération est relative à la promotion des droits humains, de l’égalité et de l’équité de genre.

Le Républicain : Quelles difficultés rencontrez-vous sur le terrain ?

M.K : Parce que nous ne sommes pas seuls sur le terrain, nous faisons face à des problèmes de coordination technique d’ensemble et de mise en œuvre concertée du programme auxquels il faut ajouter la nécessité des efforts du Gouvernement en  matière de décentralisation.

Il faut par ailleurs souligner les difficultés rencontrées par certains partenaires gouvernementaux et de la société civile pour assurer une gestion de qualité  des fonds mis à leur disposition, en conformité avec les principes d’une gestion axée sur les résultats.

Avec l’Etat malien nous avons aussi ciblé des entraves comme  l’insuffisance des ressources humaines de qualité pour la mise en œuvre efficiente des actions, la faible capacité d’absorption des ressources mises à la disposition des structures, la difficulté dans la production de statistiques pour la planification et le suivi/évaluation, la responsabilité partagée des différents acteurs souvent pas bien comprise, notamment celle liée à la production des résultats. Il s’agit là de préoccupations importantes,  d’autant que la mise en œuvre des programmes se fait dans un souci de décentralisation et d’approche multisectorielle.

Le Républicain : Qu’attendez-vous des autorités maliennes ?

M.K
: Nous nous félicitons déjà du niveau et de la qualité de notre coopération avec le Mali. Malgré les difficultés que je viens de citer, nous retenons que l’amélioration des conditions de vie des populations maliennes reste une priorité pour les plus hautes autorités.  Je rappelle ici l’organisation en 2009 du 4ème recensement général de la population et de l’habitat  avec le soutien financier et technique du FNUAP,  qui procède, justement  de cette volonté de disposer de données fiables pour une meilleure planification du développement. Le taux d’accroissement de la population a atteint  3,6 %  sur les dix dernières années  alors que le taux de croissance économique  du pays est  de moins de 7 %. Comment faire pour atteindre l’équilibre entre le taux de croissance  économique et le taux d’accroissement de la population pour une meilleure répartition des ressources ?

C’est un défi majeur  que le Mali seul ne peut pas relever et qui nécessite la conjugaison de tous les efforts. Pour préserver les acquis enregistrés ces dernières années en raison d’un taux de croissance économique appréciable de 5%, il faut que le Gouvernement se penche de manière résolue sur l’épineuse question du fort  taux de croissance démographique que le phénomène migratoire ne saurait expliquer à lui tout seul. C’est, me semble-t-il, un facteur à considérer mais la croissance démographique est essentiellement  liée à une fécondité encore élevée, dont le taux n’a quasiment pas baissé depuis une dizaine d’années.  L’UNFPA, pour sa part, restera fidèle à son engagement à accompagner le développement  du pays conformément  à sa déclaration de mission, en partenariat avec les autres agences sœurs du système des Nations Unies, dans l’esprit de notre devise : «Unis dans l’Action ».

Le Républicain : En relation avec votre  mission, quels enseignements tirez-vous du contre sommet de Davos, le  Forum social mondial de ces deniers jours à Dakar ?

M.K : Vous savez, en tant qu’organisme des Nations-Unies nous nous devons de prêter attention à tout ce que pense et dit la société civile d’une manière générale. Le Forum social mondial est devenu désormais le lieu s’expriment des points de vue qui ne peuvent  être ignorés. Ainsi, nous prenons en charge les questions qui sont soulevées et qui sont des questions qui touchent en générale à l’Etat du monde. Quand on parle de rapports inégalitaires, de commerce, de changement climatique, il s’agit de questions essentielles qui interpellent tous. Pour cette raison nous prêtons attention, pour voir dans quelle mesure nous pouvons accompagner les pays et les populations. C’est cela notre rôle. Etre à l’écoute  de tout le monde et notamment parfois de la critique, même acerbe.

Propos recueillis par S.El Moctar Kounta

16/02/2011