IBA Ndiaye, 1er Vice-Président de L’ADEMA/PASJ « J’ai peur pour le Mali »

L’Indicateur du Renouveau : Quelle lecture faites-vous des dernières évolutions ?

Iba Ndiaye : Malgré nos doléances qui étaient connues, nous avons laissé la Cédéao à travers son médiateur et l’Armée d’entrer en négociations. Ce qui a abouti à la signature d’un document dénommé accord-cadre. Ce document a été rédigé et signé par seulement deux acteurs : le CNRDRE et la Cédéao. Aucun parti politique, aucune organisation de la société civile n’a participé à cette négociation. Cela ne nous a pas empêchés d’accepter cet accord pour débloquer la situation.

Car il y avait des urgences qui étaient entre autres : éviter au Mali une situation d’isolement, des sanctions… Le Mali a signé beaucoup d’engagements. Ce qui fait que ces engagements ont déclenché des séries de réactions qui allaient être préjudiciables à notre pays. Ces réactions nous mettaient en rupture de banc avec l’extérieur.

Aujourd’hui, aucun pays ne peut se passer de la communauté internationale. Ce n’est pas le Mali seul qui peut résoudre les problèmes dont la crise au nord. Nous avons dit que nous acceptons l’accord-cadre avec toutes ses insuffisances.

Les sanctions ont été ensuite levées. Si aujourd’hui la Cédéao est prête à appuyer notre armée pour reconquérir le Nord, je ne vois pas de problème à cela. La situation d’humiliation qui a occasionné le coup d’Etat est inacceptable. Au moment où nous parlons, nous avons les possibilités d’avoir cet appui militaire de la Cédéao. Avec son appui, nous sommes sûrs de gagner ce combat. Nous pensons que le parcours est jusque-là bon. Nous sommes des Maliens et notre souhait est que notre armée seule résolve les problèmes.

Mais, nous savons tous aujourd’hui que cela n’est pas possible. Nous devons continuer avec l’esprit qui a prévalu jusqu’ici. Il y a eu des compromis malgré le silence de l’accord-cadre sur la désignation du président, la période de la transition, et sur la modalité de la formation du gouvernement. On a accepté aussi le fait que seuls les signataires de l’accord-cadre désignent le Premier ministre. L’accord-cadre disait de constituer un gouvernement d’union nationale. Il n’y a eu ni concertation, ni gouvernement d’union nationale.

Ce sont uniquement les militaires qui ont fait le choix du gouvernement même si cela n’était pas écrit dans l’accord-cadre. Mais, tout cela est secondaire face à la situation au nord. Avant aujourd’hui, la Cédéao a été autorisée à prendre des décisions que nous n’avons pas contestées. Nous ne devons pas broncher aujourd’hui quand elle prend de nouveau des décisions pour nous. Quand elle fixe la durée de transition à 12 mois, la question devrait être de savoir si ce délai était suffisant. Et nous devons demander à la Cédéao de nous réunir tous (CNRDRE, autorités en place, classe politique, organisations de la société civile) autour de la table de négociation pour avoir un consensus sur la durée de la transition. Il ne faut pas qu’on aiguise l’égo des Maliens pour nous amener dans une aventure. Nous disons : allons-y, les institutions sont là. Il faut les laisser travailler. Par ailleurs, la demande du retour des militaires dans les casernes n’est pas une nouveauté. Il ne faut pas s’enflammer.

L’Indiateur du Renouveau : Comment analysez-vous les réactions aux décisions prises par la Cédéao le jeudi dernier ?

I. N. : Je crains pour le Mali compte tenu de la situation de peur créée par les saccages, les arrestations… Ce n’est pas une bonne chose. Je n’ai pas beaucoup apprécié le discours du capitaine Sanogo qui est comme une déclaration de guerre. On n’a pas besoin de cela aujourd’hui comme on n’a pas besoin des procès d’intention vis-à-vis des hommes politiques. Je pense qu’il faut créer plutôt un cadre de concertation pour que le Mali retrouve la sérénité, améliorer les relations sociales qui nous lient. Sinon, j’ai bien peur pour le Mali et pour tous ses acteurs. Malheureusement, les hommes politiques sont traités de tous les maux. Il y a des hommes et des femmes qui ont décidé de faire de la politique. Le vote étant la voie d’accès au pouvoir en démocratie, il faut voter pour choisir son dirigeant. Ceux qui n’ont pas fait le pouvoir, sont considérés comme les plus propres. Il faut que ces derniers aussi gèrent pour qu’on puisse les juger.

Alpha a fait 10 ans de pouvoir, ATT en 1991 n’était pas le même que celui de 2012. Moussa Traoré a fait son coup d’Etat, et on disait qu’il en avait pour quelques mois pour rétablir l’ordre constitutionnel. Cela a pris 23 ans. C’est au cours de mandat qu’un président change. Je rappelle qu’on a beaucoup de réserves sur le gouvernement mis en place, on a fait des constats. Mais nous faisons confiance à ses membres. Nous disons il faut les laisser travailler. A l’heure où nous sommes, il faut calmer le jeu, mettre balle à terre, éviter de hausser le ton, de dramatiser la situation avec des propos. Cette situation peut être gérée, il faut créer le cadre pour le dialogue. On ne peut pas se passer de l’extérieur. Si, sans l’extérieur, on parvient à gérer le problème, c’est la meilleure solution.

Mais, je ne souhaite pas laisser le Mali aller à l’aventure. Il faut qu’on oublie nos ego pour aller de l’avant, qu’on réfléchisse. Si tout le monde avait pris la mesure de la situation dramatique de l’armée, on l’aurait su avant le 22 mars. Imaginez-vous si le coup avait échoué, il y aurait tellement de mouvements de soutien en faveur du président ciblé. Donc, c’est vous dire qu’il y a des gens qui n’aiment qu’être du côté du pouvoir. Ne discréditons pas tous les hommes politiques. C’est vrai que dès que certains accèdent à des fauteuils électifs, ils trouvent les moyens de briser les reins des gens qui ne sont pas avec eux. Mais bon…

L’Indicateur du Renouveau : Quel appel avez-vous à lancer ?

I.N. : Je leur rappelle qu’ils ne sont pas nos adversaires, ni nos ennemis. Mais nos neveux, nos frères… Il faut préserver les relations sociales.

Abdoulaye Diakité

L’ Indicateur Du Renouveau 30/04/2012