Hommage à Amadou Hampâté Ba : La troupe « Les fils d’Adam » fait revivre l’histoire du Petit Bodiel

Les journées d’hommage organisées par la Fondation Amadou Hampâté Bâ ont pris fin par la représentation de son texte « Petit Bodiel ». Interprété par la troupe de théâtre « Les fils d’Adam », « Petit Bodiel » a émerveillé le public qui a fait le déplacement le dimanche 5 juin 2011, à la Maison des jeunes. Quatre comédiens en verve ont fait revivre les moments épiques de l’histoire de petit Bobiel. Kariba Dembélé, habillé d’un «Kobla Nièbla » en Bogolan et muni d’une queue de vache, dans le rôle du conteur principal, entre le premier sur scène et se met à narrer l’histoire. « Il y a très longtemps, au pays des baobabs géants aux branches cuivrées, vivait une colonie de lièvres appelée Famille Bodiel.

C’est là que grandit Petit Bodiel, un vaurien sale, paresseux et gourmand qui ne pense qu’à dormir et à regarder les jeunes filles lièvres quand elles se baignent toutes nues », a-t-il conté. Avant d’ajouter, contrairement à Petit Bodiel, Papa et Maman Bodiel étaient de braves travailleurs.  Un jour, un  malheur s’abat sur la famille Bodiel.

Et, même la mort de Papa Bodiel n’a pas pu faire changer de comportement au petit Bodiel. Et « Dendi Bani Kono »  le Tantale, cousin germain de «  Bani Kono »  la Cigogne, attira l’attention de la mère de petit Bodiel sur les écarts de comportement de son fils. Malgré l’amour qu’elle avait pour lui, elle décide de le faire changer de comportement. Kounadi Sidibé dans le rôle de la mère de petit Bodiel,  le menaça de malédiction s’il ne changeait pas de comportement. Face à cette menace, il sollicita un délai de quelques lunes  pour changer. Il alla demander à son vieil ami, sorcier Yendou, le vieux fourmilier Oryctérope de l’aider.

Ce dernier  lui donnant un gris-gris capable de réaliser tous ses vœux. Le premier vœu fut un succès et la mère constate avec beaucoup de joie le changement chez son fils. Mais, pour rendre son gris-gris invulnérable à tout sortilège sur terre, petit-Bodiel devait le plonger dans la rivière d’argent où se baigne Lamdjinni, Roi et maître du couteau des diables. Chose qu’il réussi sans grande peine.

Ensuite, il décida d’aller voir « Allawalam » pour lui demander des aptitudes à la ruse, afin de pouvoir faire comme au royaume des fils d’Adam, où les plus rusés deviennent rois, exploitent les autres et les asservissent. Aidé de son gris-gris à tout faire, il va mettre à contribution les ailes de « Kikala » le vautour, jusqu’au premier étage du ciel. De là, aidé par un paquet de fumée, il pourra accéder  au troisième étage, grâce à une comète. Face à « Allawalam », il dira : « Mon père est mort. Ma mère est sans ressources et sans forces. L’âge pèse sur ses membres au point de les faire trembler. La mort a pris ma mère en filature. Elle n’aura de cesse que le jour où elle la fera trépasser. Je viens demander de la ruse à Allawalam, afin de venir en aide à ma mère avant son trépas. Allawalam, je suis venu avec, caché dans mon cœur, le désir d’être rusé.

Ne me laisse pas retourner sur terre sans emplir mon esprit de la ruse fine, extraite des meilleures mines de ton omniscience. Ouvre-moi les portes de la Demeure de la ruse contrôlée. Daigne que j’y entre et m’abreuve à sa source limpide et abondante ». Allawalam lui dit : «  Petit Bodiel, j’assécherai tes larmes. Je vais te donner sur l’heure et à l’instant une ruse mâle. Toutes les autres ruses, même celles que Satan a volées au ciel, seront de maigres ruses, des ruses femelles que la tienne saillira à volonté ». Elévé à la dignité de maître des ruses, Petit Bodiel devint si rusé que les artifices du ciel se cachèrent pour  ne pas le rencontrer. Ils redoutaient d’être roulés par lui. De retour sur terre, il fera de l’éléphant et de l’hippopotame les premières victimes de sa ruse. Il les fera cultiver un gros champ.

Fort de sa ruse, il va se jouer d’eux en gardant toute la récolte. Convaincus qu’ils se sont fait avoir, l’éléphant et l’hippopotame vont décider que petit Bodiel ne brouterait plus l’herbe de la prairie, ni ne boirait au fleuve, sous peine d’être tué sans pitié. Et tous les animaux furent informés. Mais, il va s’en sortir avec sa ruse et ira raconter l’aventure à sa mère qui lui dira : « Je suis à la fois heureuse et triste. Heureuse de voir que tu as changé, mais triste de voir que, monter jusqu’au parvis de la demeure d’Allawalam, la ruse fut tout ce que tu trouvas de mieux à demander à Celui qui pouvait te donner la sagesse ». Mais, elle ignorait que son fils était dans la logique de se faire élire roi de la forêt. Malgré le conseil de sa mère, il ne renoncera pas à son projet. Et, pire, il va désobéir à sa mère et se comparera à Allawalam lui-même.

Convaincu qu’il avait cessé d’être un enfant obéissant à sa mère et reconnaissant envers son bienfaiteur, Allawalam dit : « Toute réalité comporte deux aspects qui constituent à eux deux sa totalité, mais l’un est plus fort que l’autre. Nous n’avons donné à Petit Bodiel que le “Dou” de la ruse. Il ignore que nous avons gardé par- devers nous l’autre aspect, le “Da”. Or, c’est avec le “Da” de la ruse que nous exerçons notre châtiment en surprenant nos rebelles et nos ingrats qui font mauvais usage du “Dou”». Allawalam donna ordre à son serviteur Kâdime  de descendre sur terre pour confondre Petit Bodiel et le punir de son orgueil. Kâdime mit à contribution les fourmis et les termites pour ramasser toutes les récoltes de petit Bodiel, volés à l’éléphant et à l’hippopotame et qui devait servir à fabriquer le breuvage de la fête de son investiture.

Furieux de constater l’effondrement de son projet, il va s’en prendre à sa mère. C’est sur ces faits qu’une voie térrible lui dira : « Petit Bodiel ! Tu seras humilié comme tu as humilié ta mère !  La jungle ne sera plus emplie que de tes ennemis. Tu seras réduit à entrer dans des terriers pour échapper à la colère de ceux que tu as roulés et de ceux envers qui tu ne pourras pas tenir ta promesse audacieuse. Tu ne te déplaceras plus qu’en courant et en sautant d’un bosquet à un autre. Tu es condamné à te cacher dans la poussière et dans les touffes de vétiver ! ». Mais, entre temps,  le jour fixé pour l’invitation arriva. Toutes les ethnies de la jungle se rendirent à la Plaine des fêtes.

Elles n’y trouvèrent ni hydromel, ni kondjam, ni nourriture, et moins encore Petit Bodiel lui-même ! Elles décidèrent alors solennellement la mort de Petit Bodiel. Le chien fut chargé de l’exécution de la sentence.  Sagesse du conte mis en scène : « La sagesse et l’honnêteté avaient été, pour Petit Bodiel, un chemin escarpé. Il l’avait évité. Il préféra emprunter le chemin facile et descendant de la ruse, qui finalement le mena à un gouffre ».

Assane Koné

Le Républicain 14/06/2011