Fonds Compétitif pour la Recherche et l’Innovation Technologique créé depuis 2011 : Où en est-on ?

Modibo Sidibé, le président du parti Fare.

Une rentrée solennelle 2015-2016 des Universités, des Grandes Ecoles et Instituts sur le thème «la recherche scientifique, moteur du développement» est à saluer au double plan de l’initiative et du choix de la thématique mettant en lien recherche et développement…On y a disserté sur la question du financement de la recherche, trop dépendante de l’aide extérieure, et on y a parlé à peine du Fonds Compétitif pour la Recherche et l’Innovation Technologique. Et pourtant l’opérationnalisation de ce Fonds dès 2013 aurait permis de faire bénéficier la recherche de près de 5,8 milliards de FCA cumulés au titre de 2013, 2014 et 2015, y compris les 500 millions affectés à ce fonds sur les recettes de privatisation de la SOTELMA.

Qu’est-ce que le Fonds Compétitif ?

Dans la mise en œuvre des recommandations du Forum national sur l’éducation (FNE), tenu en 2008, le Gouvernement d’alors avait décidé de créer un Fonds compétitif pour la recherche et l’innovation technologique (FCR) pour répondre à l’insuffisance de ressources internes affectées au financement des programmes et projets de recherche. Le Fonds est alimenté par des subventions budgétaires représentant 0,20% des recettes fiscales (on se souviendra que ce mode de subvention n’existait que pour les partis politiques avec 0,25%).

Le Fonds a été créé par la loi n°2011-062 du 25 novembre 2011 et le décret n°2012-161/P-RM du 12 mars 2012 a fixé son organisation et ses modalités de gestion. Les ressources affectées au Fonds sont additionnelles aux allocations budgétaires existantes pour ce secteur. Pourquoi les FARE lors de leur premier congrès en mars 2014 demandaient au gouvernement que le Fonds compétitif pour la recherche scientifique et technologique soit suffisamment abondé ? Tenant compte de l’existant, le projet Mali Horizon 2030 proposait de donner un nouveau souffle à notre système d’enseignement supérieur, qui doit correspondre aux standards internationaux et répondre aux besoins de nos entreprises et de notre économie.

De cette vision découle la volonté politique d’élever notablement nos capacités de recherche et d’innovation et de soutenir l’articulation entre la recherche et l’économie. L’innovation est la force motrice qui nous permettra de réussir notre décollage économique : nous devons y mettre le prix qu’il faut. Notre capacité à nous développer par nous-mêmes en dépend. Le développement de la recherche doit être axé sur les besoins économiques et sociaux du Mali et fondé sur les priorités de son développement.

Il devra être mené en partenariat avec le secteur industriel dans toutes les institutions d’enseignement supérieur avec une forte priorité donnée à la recherche appliquée et technologique. Et c’est pour cela que nous devons veiller à ce que le Fonds compétitif pour la recherche scientifique et technologique soit suffisamment abondé et opérationnel. (cf. «Mali Horizon 2030»/Développer notre capital humain, Engagements n°26,27 et 28, page 16).

Si le gouvernement était aussi préoccupé que cela par le financement de la recherche et qu’il considère la recherche scientifique comme moteur du développement, il aurait déjà pris les dispositions pour rendre le Fonds opérationnel et, à défaut, cette rentrée solennelle était l’occasion idéale pour le faire. Positionner le Fonds d’innovation sur l’échiquier politique et universitaire pour engager avec l’aval du Président de la République tous les départements impliqués dans sa mise en œuvre. Plancher sur sa compréhension, sur son mécanisme, les ressources actuelles et prévisibles, sur les axes de recherche prioritaires. Ou encore modifier, adapter les modalités aux exigences de la recherche, pourvu que dès cette année le Fonds soit opérationnel, avec un agenda clair et volontaire.

Le Fonds compétitif enfin à la disposition de toutes ces générations de scientifiques, chercheurs au talent avéré, anciens, seniors comme cadets et qui pourraient tant faire encore pour leur pays ; eux qui emportent des projets de recherche, qui portent les centres d’excellence et qui collaborent avec des instituts réputés. C’est le lieu de leur rendre un vibrant hommage, de leur manifester notre gratitude, de nous soucier de leur dignité, de nous indigner pour eux quand des mesures «administratives» malencontreuses surviennent là où l’éthique, les compétences et les résultats constituent la règle.

Convaincus comme tant d’autres qu’il n’y a pas de développement sans innovation et qu’il n’y a pas d’innovation sans recherche performante, nous demandons au gouvernement d’être plus volontaire, diligent et plus efficace dans le développement de nos capacités en la matière. Mais voilà qu’on commence l’année avec un de ces réaménagements aux longues incubations dont ils ont le secret mais vraisemblablement pas celui du «bistouri d’or» !

Entre séparations au forceps et chirurgies réparatrices qui voient les ministères découpés, reconstitués, redécoupés en attendant la prochaine reconstitution… Nous voilà partis sans savoir pourquoi avec un ministère de la recherche scientifique. Partis pour la valse des papiers à en tête, les cabinets à constituer, les périmètres là où ce sont «les plates-formes», la gestion des ressources humaines éclatée entre différents départements, celle aussi des unités, bref perte de ressources, perte de temps… Le Fonds compétitif doté cette année d’environ 1,7 milliard de Fcfa souffrira-t-il de ces «innovations» ?

Faisons crédit au gouvernement de partager les mêmes ambitions que nous pour notre enseignement supérieur, singulièrement pour la recherche et l’innovation, et osons croire que l’année 2016 marquera un tournant décisif pour notre recherche et pour nos chercheurs.

Modibo SIDIBE
Président du Secrétariat Exécutif National des FARE ANKA WULI