Ecole Malienne: L’Etat et les enseigants responsables des échecs des apprenants

 

La responsabilité des échecs des apprenants étant donc partagée, il ne sert à rien d’accuser injustement les apprenants qui pourraient pourtant se racheter si on les mettait dans des conditions idoines de travail.

L’un des facteurs des échecs et exclusions des apprenants tire d’abord sa source dans les périodes choisies par l’Etat pour procéder aux évaluations surtout au niveau secondaire, qu’il soit général ou professionnel et technique. Chaque année, les compositions sont programmées juste après les congés de fin de trimestre, donc quelques jours seulement après ces évaluations : rares sont les élèves qui parviennent à obtenir la moyenne. Cela se comprend aisément dans la mesure où généralement, les congés sont anticipés par les apprenants : souvent de plus de deux semaines. Dans ces conditions, non seulement beaucoup de cours ne seront pas dispensés, mais la semaine qui suit les congés et qui doit être consacrée aux exercices pour mieux munir les élèves est également perturbée par des mouvements d’élèves. Leur argument : c’est pour leur permettre de bien réviser les cours effectués afin de ne pas rater la moyenne.

Souvent, c’est deux semaines qui sont banalement sacrifiées pour la surveillance de ces évaluations, puisque beaucoup d’écoles suspendent volontairement les cours de classe qui ne composent pas ! Ce qui fait perdre inutilement des heures de cours. Et pire : généralement, les compositions ne se font pas ensemble au niveau de cet ordre d’enseignement. Ce qui peut avoir pour conséquence la fuite des sujets de composition dans les écoles privées, puisque le plus souvent, ce sont les professeurs des écoles publiques qui dispensent des cours dans les établissements privés et qui y déposent généralement les mêmes sujets !

Ensuite, c’est le nombre  d’évaluations en vigueur pour contrôler le niveau des apprenants. Au niveau de l’Enseignement secondaire, seulement deux évaluations sont officiellement programmées pour évaluer les apprenants. Ce qui peut permettre aux enseignants d’une part de connaître les lacunes des apprenants, et d’autre part de corriger rapidement et efficacement ces lacunes, surtout pour les candidats au baccalauréat. Idem pour les apprenants qui parviennent à se ressaisir en faisant des exercices. Donc, ces candidats ne maîtrisant pas les leçons faites, ne peuvent qu’échouer sans aucune surprise. Quant aux professeurs, ils sont aussi leur part de responsabilité dans les échecs et exclusions récurrents des apprenants.

En effet, bien de personnes font leur entrée dans l’Enseignement  non pas par vocation, mais plutôt par nécessité : pour ces personnes, l’enseignement constitue une dernière chance. Tout naturellement, ils vont donc s’adonner à tout sauf à ce qui doit être fait à l’école. D’autres, par paresse, ne font qu’une seule évaluation pendant toute une période (puisqu’on ne parle plus de trimestre au secondaire), et souvent, fois ils n’en font même pas : ils se mettent à dispenser seulement des cours, car pour eux, ces cours sont plus importants que les contrôles de connaissances qui sont pourtant indispensables dans tout enseignement, sans cela, aucune réussite n’est certaine. Comme ils n’ont pas de notes de classe avant les compositions dont les notes sont généralement mauvaises, puisque les élèves n’ont pas fait d’exercices à plus forte raison des interrogations ou des devoirs, pour combler le vide, ces professeurs prennent les notes des compositions en lieu et place des de classe ! Dans ces conditions loin de la pédagogie, comment les apprenants parviennent-ils donc à obtenir la moyenne? Même ceux qui parviennent à l’obtenir échouent souvent aux examens, puisqu’ils n’ont pas le niveau.

Il y a également des professeurs qui non seulement ne maîtrisent pas leurs matières (ils les dispensent aveuglement et ne préparent même pas leurs leçons avant d’aller en classe), mais ils ignorent totalement les techniques d’évaluation ! A l’Ecole normale supérieure (ENSup) aussi, l’accent n’est pas mis sur l’évaluation pendant l’exécution des matières transversales en 2è Année qui ne dure pas du tout. Même si l’on dispensait correctement cette matière pendant cette période, les élèves professeurs n’arriveraient jamais à la maîtriser, car cette matière est très mesquine et peut être source de beaucoup de problèmes entre les apprenants et les professeurs. Sa maîtrise demande trop de temps et de patience de la part des professeurs de l’ENSup.

En plus, des sujets sont souvent choisis par les professeurs uniquement pour que les élèves parviennent difficilement à obtenir la moyenne, puisque le temps qu’on leur accorde est insuffisant pour les traiter : on ne se met jamais à la place des apprenants. Ces sujets sont tellement compliqués et mal formulés que bien d’autres professeurs ont du mal à les traiter, même quelquefois ceux qui les avaient choisis. Il est rare que ceux qui choisissent les sujets pensent au niveau réel des apprenants qui non seulement sont mal enseignés, mais sont aussi handicapés par les sorties intempestives. En plus, les outils didactiques leur font défaut. Donc, le travail leur est très difficile.

S’il arrive souvent un problème entre un professeur et un élève, c’en est fait pour ce dernier, car le professeur fera tout pour le « briser » pour qu’il n’obtienne pas la moyenne : il ne cessera jamais de rater une occasion pour lui coller un « zéro » ou transformer ses bonnes notes en mauvaises notes, et cela sans passer par l’administration pour gérer le problème. Et s’il arrivait à l’élève de se plaindre auprès de l’administration, il n’aura pas gain de cause : il sera donc obligé d’accepter cette situation, puisque le « professeur est le seul responsable de ce qu’il fait ». Par conséquent, l’élève échoue banalement alors que par son propre travail, il pouvait accéder aux classes supérieures.

Pour venir à bout des échecs et exclusions inutiles, mais évitables, des apprenants, il est du devoir de l’Etat d’assumer ses responsabilités en choisissant les moments propices aux évaluations, d’une part en augmentant le nombre de compositions (3 au de lieu de 2 habituellement au secondaire), et d’autre part en procédant aux formations, contrôles et suivis des enseignants pour les amener à faire beaucoup de devoirs et interrogations afin de mieux aguerrir les élèves à faire face aux examens tout en amoindrissant le taux d’échecs et d’exclusions. Par ailleurs, l’Etat doit apprendre aux professeurs les limites de leurs pouvoirs en leur faisant savoir que les notes des élèves sont « sacrées » puisqu’elles sont les fruits de leur travail. Les cas d’indiscipline peuvent être traités autrement sans passer par les notes des apprenants : le règlement intérieur est là pour cela. L’avenir de notre système éducatif dépend forcément de l’implication de l’Etat.       

Sidi Dembélé,  Correspondant à Ségou

Le Patriote 06/05/2011