Chronique du vendredi / Un audit du Sahel sans Kadhafi ?

Mais ce n’est après tout qu’un parti qui s’attaque à un gros morceau.  Doit-on alors dire tant pis pour le Sahel, sachant que ce n’est pas une action d’accompagnement mais une action d’impulsion, donc le rayon des gouvernements qui peut sauver cet espace qui croule aujourd’hui sous le poids des réfugiés venus de la Libye ? Non, car société civile et partis politiques font partie de la solution, de la nécessaire brigade citoyenne pour la sécurité collective. Dans une démocratie normale, ces acteurs sont des partenaires des pouvoirs publics, pas leurs adversaires.

Et à ce titre, ils font donc partie de la solution à l’épineuse problématique du Sahel, en aidant les gouvernements à prendre la mesure réelle du défi et à assumer leur part dans la réponse globale prise en charge par les gouvernements. Chacun par rapport à ses spécificités mais tous pour que cet énorme espace qui fait le quart du continent redevienne le havre qu’il fut, qu’un touriste puisse camper autour d’un oued, que ses riverains ne soient pas sous le joug de bandes armées, de hordes de narcotrafiquants ou sous la dictature des barbus. Car, s’il y a des frayeurs communes, les problèmes et la qualité des réponses ne sont pas forcément les mêmes d’un pays  sahélien à un autre. Il faut dire d’un pays sahélo-saharien à un autre, en raison de la logique de vases communicants reliant les différentes « franchises ».

Et d’ailleurs, l’arrivée de Boko Haram sur le marché de la terreur n’élargit-elle, pas de facto, le périmètre des réponses, donc de la sacro-sainte coalition contre l’afgahnisation de l’Ouest africain?  Ce risque existait déjà avec Aqmi combattu avec les mauvaises armes ou donnant lieu à une guerre des clans susceptible d’augmenter le nombre des otages au lieu de les diminuer. Mais il est devenu bien plus grand avec la poudrière qu’est devenu le Sahel depuis la chute du régime de Kadhafi. Une Libye implosée aux abords d’un Sahel explosif, des dictatures laïques qui font place à des exécutifs qui sans être forcément islamistes peuvent ouvrir un couloir pour les intégristes, donc être la base arrière du salafisme made in Sahel, voilà la nouvelle donne.

Elle ne neutralise pas l’ancienne. Elle la retrouve plutôt. Et justement la rencontre de demain devra renouveler l’appel aux gouvernements riverains à faire ce qui ne leur a pas souvent réussi, c’est à dire accepter de se mettre ensemble- pour, sans faux fuyants ou prétexte à l’inaction, mettre la communauté internationale devant sa première responsabilité post-conflit : s’engager ensuite dans une démarche de résolution du problème qui passe par le retour en Libye de ses nationaux –  la majorité de ces fugitifs s’étant naturalisés Libyens- et l’assistance à ceux qui choisissent de ne pas retourner dans une Libye qui leur est hostile aujourd’hui, il faut le reconnaître. Il ne faut pas se faire d’illusion : le Sahel n’a pas la réponse pour un demi-million de réfugiés.

Sous ce regard, Kadhafi était notre chance. Ou très vite, le monde se porte à nos chevets. Ou très vite, nous aurons en face des milliers de kamikazes. Qui n’ont même pas besoin d’Aqmi pour les endoctriner. Leur Abuzeid ou Belmoktar, ce sera leur ventre vide, le regard éteint de leurs enfants. A ces hordes pour lesquelles l’horizon semble pour l’instant bouché, le déclic pourra t-il venir de Bamako et à l’initiative d’un parti ?

Adam Thiam
Le Républicain 09/12/2011