Chronique du vendredi : Nos armées, des facteurs d’insécurité ?

Les marchands de la mort ont transité par Siby mais peut-être leur point de livraison, c’était  la Côte d’Ivoire ou Aqmi. Les rapports classés top secret le sauront. Les quidams resteront dans le noir.  Or nous sommes à un moment où la taille des défis et l’acuité des menaces imposent une gestion collective de la sécurité dans laquelle la communauté et l’individu sont les premières sentinelles de leur cadre de vie menacé dans des proportions sans précédent.

Car la saisie du 8 février n’en est  qu’une parmi tant d’autres opérées par le passé et plusieurs « marchandises», on l’imagine, sont passées à travers les mailles du filet. C’est dur à admettre pour les contribuables mais pour les spécialistes, des roquettes ne peuvent provenir que des stocks des armées.

Elles ne peuvent, par conséquent, faire l’objet d’un trafic du genre de celui qu’on redoute qu’avec la complicité des éléments de l’armée. D’où cette assertion : l’armée qui a pour vocation d’assurer la sécurité du peuple est en train de devenir une des principales sources d’insécurité en Afrique. Les armes saisies auraient du être sous bonne garde et elles n’auraient dû être  sorties que pour protéger les citoyens d’un Etat agressé par un autre. Au lieu de cela, elles se sont trouvées en d’autres mains, pour d’autres desseins. Elles ne protégeront pas finalement les citoyens de pays qui ont rendu possible leur acquisition.

Elles sont, le plus souvent, bradées à des groupes terroristes ou à des milices sanguinaires qui ont leur propre agenda très généralement aux antipodes de la mission classique de défense nationale. Au pire, elles seront utilisées contre le peuple révolté par la dictature, le fait du prince et la vie de chien qui résulte des gouvernances arrogantes.

On l’a vu dans beaucoup de nos pays mais le cas d’école le plus récent c’est l’Afrique du Nord qui a sorti l’armée contre le peuple pour qu’elle tire  sur lui au nom d’une prétendue légalité républicaine qui ne cache que très mal des intérêts de classe. Dès lors, la question qui avait été posée dans notre pays avec mars 1991 vaut encore brutalement : « avons-nous des armées de la démocratie ou les armées de nos démocraties ? C’est-à-dire un montage grotesque paré des oripeaux de la bonne gouvernance et jamais de sa substance, un système souriant en surface mais sous le gant de velours, le poing assassin contre toute velléité d’interpellation. Avons-nous donc besoin de ces armées?  Des polices bien entraînées, avec des moyens adéquats n’auraient pas plus aidé Ben Ali, Moubarak et Khadafi que des armées ruineuses et inappropriées pour le maintien d’ordre ?  Sans aucun doute. Mais cela ne veut pas dire que nos pays feront comme la Suisse ou Costa Rica qui se sont passés d’armées.

La boutade « si tu n’as pas d’armée, tu auras celle du voisin chez toi reste le credo. Alors qu’il s’agit aussi pour le voisin de ne pas en avoir et d’investir une partie des ressources économisées dans la construction de forces de police fortes. D’ailleurs, on peut se demander pourquoi, la menace sécuritaire ayant énormément évolué sur notre continent, nos Etats continuent à se ruiner en achats d’armements qu’ils ne savent ni entretenir ni garder longtemps au magasin.

Adam Thiam
Le Républicain 07/03/2011