Chronique du vendredi / Django face aux énigmes, aux enjeux et aux défis

 

 

Enfin, pourquoi au lieu de laisser penser que le pouvoir est ailleurs qu’en ses mains, le Président n’a pas simplement rapporté le décret par lequel il nommait Cheikh Modibo Diarra quitte à faire respecter sa décision par la force qui ne peut, dans le principe républicain, être celle de Kati. Ennemi des énigmes, le temps, un jour apportera la réponse à ces questions qui, toutes hélas, aux yeux de la communauté internationale, constituent des indicateurs-clés pour apprécier les progrès de notre pays vers le retour effectif de l’ordre constitutionnel. Une question dont la réponse n’a pas besoin d’attendre l’avenir est pourquoi le concert de condamnations internationales sur les circonstances de la démission de Cheick Modibo Diarra n’a trouvé qu’un faible écho national à travers quelques communiqués timides. Sans doute, c’est déjà beaucoup trop de sympathie de la part du microcosme local pour un Premier ministre sortant venu, il l’avait dit, pour remettre le pouvoir à une autre génération de politiques.

Casus belli donc pour la classe politique du jour pour laquelle le portrait-robot d’un spécimen de cette nouvelle vague ressemble comme un jumeau à l’astrophysicien lui-même. Et puis, la classe politique préfère, sans doute, se concentrer sur l’essentiel. Et l’essentiel, on l’a déjà entendu, c’est l’étrange revendication « d’un gouvernement vraiment inclusif ». Dioncounda Traoré est vacciné. Django Cissoko également qui a été de dizaines de tractations pour les formations de gouvernements dans sa carrière, même si sa traversée du désert de 1992 à 2002 l’éloigne du record du vrai Talleyrand. Mais s’il est félicité de toutes parts, il n’a pas les moyens d’être le père Noel. Son premier problème viendra déjà de la formation du gouvernement promis par le président d’ici à la fin de la semaine.

Pour la simple raison que même s’il avait les coudées franches, Cissoko n’aurait pu recruter tous les aspirants. Le vécu du pays le confirme : un gouvernement n’est jugé bon que si l’on en fait soi-même partie. Les frustrations créent toujours, on l’a vu ici, des forces centrifuges qui sont autant de soutiens refusés au pouvoir, d’adversité dormante et de facteurs de dispersions des regroupements politiques constitués au lendemain du 22 mars, donc de leur capacité à atteindre leurs objectifs. Or il se trouve qu’en en plus de la classe politique et de la société civile, le nouveau Premier ministre devra tenir compte du pôle de Kati. Au nom de la realpolitik simplement, c’est-à-dire d’une réalité malienne que n’arrivent à influencer ni les communiqués ou déclarations du Fdr, ni les menaces de Washington, Abuja ou Addis-Abeba.

Autre considération dont Django Cissoko et Dioncounda Traoré tiendront probablement compte : les ministres du contingent propre de Cheick Modibo Diarra qui méritent d’être maintenus pour leurs bons résultats et qu’on ne saurait écarter sans tomber dans les travers un moment dénoncés par les critiques du Premier ministre démissionnaire et à juste raison. Tous ces « quotas » empêcheront, il est à craindre, de réduire la taille du prochain gouvernement. Ce qui aurait dû être un objectif stratégique.

Au nom de la nécessaire cohésion gouvernementale. Et au nom de l’efficience. C’est-à-dire le couple économie et efficacité. Car Diango Cissoko est le Premier ministre de nos comptes publics à sec qui ont besoin de coup de pouce, dans un contexte où la communauté internationale connaît un regain de doutes sur Bamako. Bamako en tant qu’épicentre de la réponse aux deux seuls défis d’une transition censée finir en avril : reconquérir l’intégrité territoriale et organiser les élections. Le Chef de gouvernement a revendiqué cet agenda dès sa nomination. Mais il sait que dans les circonstances du jour, c’est un travail de messie. Or hélas il n’en est pas un.

Adam Thiam

Le Républicain Mali 14/12/2012