Chronique du Vendredi / Cocktail Malitov (V)

Et comme le disent certains ressortissants du Nord convaincus de leurs arguments, tout ce qui concerne le Nord se négocie nuitamment. Voici donc que nombre de leaders de ces régions ont rallié Bamako dans le but d’influencer les décisions.

Le dialogue est démocratique mais il précède et informe normalement la décision qui doit être rationnelle et cohérente. Nous savons par exemple que des députés enragent de voter le passage en région de certains cercles bien moins peuplés que les leurs.

Une question de fond sauf qu’en la matière, la jurisprudence de Kidal fait foi.

Ensuite, mieux nous tenons compte des sensibilités, mieux notre société s’en portera. La forme, il est vrai, reste essentielle et elle requiert le débat puis le consensus. L’explication et la consultation ne sont pas, hélas, les plus grands acquis de la décennie et la carence ne peut pas toujours être mise sur le dos du déficit de communication. Autre dossier de discorde : le projet de nouvelle constitution, lui aussi massivement adopté mais querellé par certains milieux. La coalition « Touche pas à ma constitution » qui n’a pas fait les preuves de sa capacité de mobilisation lors de ses deux marches se veut un lobby anti-référendum. On peut se moquer de sa force de frappe. Il n’en demeure pas moins que cette structure regroupe des collectifs d’ONG, des partis ainsi que des citoyens militant dans des partis parlementaires qui ont voté pour le texte.

Les réserves exprimées sur l’opportunité de ce référendum par Allaye Touré, le président de la Coalition Nationale de la Société Civile lors de la cérémonie de vœux en disent long sur la popularité du projet présidentiel d’arrimer le référendum au premier tour de la présidentielle en avril prochain. « Ce référendum se fera », a laissé entendre Att à plusieurs occasions. Il a deux arguments : son droit constitutionnel et le fait que le projet, pour lui, est issu d’un long processus de concertation entre les forces vives et la commission ad-hoc instruite à cet effet. La question est pourtant ailleurs et la tragique pauvreté des arguments avancés pour justifier le projet -du genre, il faut constitutionnaliser la Cour des Comptes- démontre deux choses. Soit une difficulté réelle à défendre le plan face aux considérations financières – nous sommes tout de même un Etat perfusé par l’Extérieur- et logistiques -les défis d’appropriation d’un double scrutin-. Soit un très sérieux problème de communication de la part de l’Etat, sous réserve de bons arguments pour procéder au référendum à la date indiquée.

Et même si ces arguments existent, ce référendum pour nous a le poids du troisième mandat d’Att. L’objectif ne saurait être un oui timide à l’issue d’une participation timide mais un oui massif consécutif à un taux de participation sans précédent.

Or le temps pour un tel plébiscite n’est plus très évident. Mais le temps de la promulgation existe et il serait bon de savoir si le projet de code des personnes et de la famille adopté par le Parlement en novembre dernier est à ce jour promulgué ou non. Les raisons qui ont conduit le président à renvoyer en seconde lecture la mouture massivement votée en été 2010 sont connues.

Les députés se sont auto-congratulés sur le processus et le produit qui leur paraît être « le code de nos réalités ». Le président lui-même, en recevant les vœux du Haut Conseil Islamique, a salué le travail abattu sans s’étendre là-dessus. En vérité, nous sommes loin de l’ambiance de jihad qui a accompagné l’adoption du projet massivement adopté puis récusé par des milieux conservateurs sur le pied de guerre. Mais le nouveau bébé n’est pas applaudi partout. Avec moins de punch que les manifestants, en son temps, mobilisés derrière l’Imam Dicko, quelques mouvements féministes et organisations de la société civile ont donné de la voix et dénoncent un « code du recul ».

En tout cas, le problème une fois de plus c’est la qualité du dialogue Etat-citoyens et notre capacité d’exécution nationale. Sur le code, la cohérence exige la conformité avec les conventions internationales ratifiées. Celles du Caire et de Beijing qui ont nourri les nouveaux droits ayant été, par le passé, ratifiées par notre parlement, l’interrogation doit porter l’adhérence entre les députés et leur peuple. Si ces conventions étaient communiquées à la nation, nul doute que leur ratification n’aurait pas été aisée. Mais c’est remonter loin dans le temps alors qu’il s’agit de voir, dans ce vertige de fin de mandat, si nous sommes encore régis par le code sortant ou ce que le nouveau attend pour être promulgué.

Adam Thiam

Le Républicain Mali 13/01/2012