Il avait l’allure d’un sage, la voix douce d’un conteur, et la mémoire d’un peuple tout entier. Amadou Hampâté Bâ, né en 1901 à Bandiagara, au Mali (alors Afrique-Occidentale française), est bien plus qu’un écrivain ou un ethnologue. Il est le gardien d’un monde en voie de disparition : celui de l’Afrique orale, des griots, des traditions millénaires transmises sans papier ni encre, de bouche à oreille.
Dans les années 1960, alors que l’Afrique accède peu à peu à l’indépendance, Hampâté Bâ s’impose comme une figure incontournable de la renaissance culturelle du continent. Sa célèbre phrase, prononcée à l’UNESCO — « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » — devient le cri d’alarme d’un homme résolu à préserver ce que la colonisation avait ignoré : la richesse des savoirs africains.
Disciple de Tierno Bokar, mystique soufi dont il immortalise la sagesse dans Le Sage de Bandiagara, Hampâté Bâ mêle foi, humanisme et érudition. Sa vie est un voyage à la croisée des chemins : formé à l’école coloniale, il choisit pourtant de consacrer sa carrière à la transmission des savoirs traditionnels africains. Recruté par l’Institut français d’Afrique noire (IFAN), il collecte, transcrit et traduit des épopées, des contes, des proverbes, faisant entendre les voix du continent dans les cénacles de la science et de la littérature.
Son œuvre, marquée par des récits comme L’Étrange Destin de Wangrin ou Amkoullel, l’enfant peul, mêle autobiographie, fiction et témoignage historique. À travers elle, Amadou Hampâté Bâ défend une Afrique multiple, complexe, trop souvent réduite au silence par l’Histoire officielle.
Jusqu’à sa mort en 1991 à Abidjan, il n’a cessé de militer pour un dialogue entre les civilisations, affirmant que la tradition orale et l’écriture n’étaient pas ennemies, mais complémentaires. Homme de paix, pédagogue, bâtisseur de ponts entre les cultures, il laisse en héritage une pensée profondément moderne, enracinée dans le respect de la diversité humaine.
Aujourd’hui encore, sa voix résonne comme un appel à l’écoute. Car dans un monde saturé d’écrits, Amadou Hampâté Bâ nous rappelle que parfois, pour comprendre l’autre, il faut simplement… tendre l’oreille.
La rédaction
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