AES : le Tchad bientôt pays membre de l’alliance ? Le porte-parole du gouvernement tchadien…

N’Djamena – Le 13 mai dernier, sur le plateau de la télévision nationale MRTV, le ministre tchadien de la Communication et porte-parole du gouvernement, Gassim Chérif, a exprimé publiquement son soutien à une éventuelle adhésion du Tchad à l’Alliance des États du Sahel (AES). « Ce serait une bonne chose que le Tchad rejoigne l’AES », a-t-il déclaré, qualifiant cette organisation régionale de « belle expérience » à envisager « sérieusement ».

Bien qu’il ait précisé que ses propos n’engageaient pas officiellement le gouvernement, cette sortie médiatique s’ajoute à une série de signaux qui laissent peu de doutes sur la direction géopolitique que prend N’Djamena.

Une dynamique de rupture

Depuis son arrivée au pouvoir, Mahamat Idriss Déby Itno a multiplié les mesures de souveraineté. La rupture des accords de défense avec la France (novembre 2023) et les États-Unis (avril 2023) marque un tournant historique dans la politique étrangère tchadienne. Ces décisions s’accompagnent d’un repositionnement régional vers une coopération plus étroite avec les pays de l’AES — Burkina Faso, Mali et Niger — qui partagent des principes communs de lutte contre l’ingérence occidentale, de souveraineté économique et de solidarité sécuritaire.

Kemi Seba, catalyseur symbolique

La réception de Kemi Seba à N’Djamena, figure médiatique du panafricanisme radical et de la lutte contre le néocolonialisme, illustre cette nouvelle orientation. Son invitation, à l’initiative directe du gouvernement tchadien, a été perçue comme un acte politique fort en faveur d’une rupture avec les anciennes puissances tutélaires. Le chercheur Hoinathy Remadji y voit une stratégie pour légitimer auprès de la jeunesse une adhésion prochaine à l’AES, en utilisant un discours panafricaniste fédérateur.

Défis sécuritaires et logiques régionales

La perspective d’un ralliement à l’AES se justifie également par des réalités sécuritaires pressantes. Le Tchad, confronté à l’instabilité à ses frontières avec la Libye et le Soudan, ainsi qu’aux attaques de Boko Haram dans la région du lac Tchad, cherche des partenaires engagés dans une lutte conjointe contre le terrorisme. L’attaque d’octobre 2023 à Barkaram, survenue alors que les forces françaises étaient encore sur place, a cristallisé les critiques sur l’inefficacité du soutien occidental.

Un désengagement occidental conflictuel

Les tensions avec les puissances occidentales se sont accentuées. Paris a tenté de fragiliser Déby en l’accusant de détournement de fonds via le Parquet national financier, tandis que les États-Unis ont imposé des sanctions contre N’Djamena : suspension de visas, expulsions de migrants tchadiens et droits de douane punitifs. Ces mesures ont renforcé la conviction du pouvoir en place que l’Occident n’est plus un partenaire fiable.

Vers une adhésion imminente à l’AES ?

Les convergences politiques, sécuritaires et idéologiques entre le Tchad et l’AES semblent désormais évidentes. Pour Gassim Chérif, la sortie du franc CFA, la réforme de la gestion des ressources naturelles et la redéfinition des alliances économiques sont les prochains défis à relever pour garantir une réelle souveraineté. Plusieurs experts estiment qu’une déclaration officielle d’adhésion du Tchad à l’AES ne serait plus qu’une question de calendrier.

La rédaction

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