TRANSITION POLITIQUE AU MALI

Ce que le M5-Rfp attendait de la mission d’évaluation de la Cédéao Ou Le M5-Rfp désavoué par la mission d’évaluation de la Cédéao ?

Qu’espérait le M5-Rfp en présentant une kyrielle de griefs et une batterie de récriminations à l’encontre d’Assimi Goïta et compagnie lors de sa rencontre avec la dernière mission d’évaluation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) au Mali (11-12 janvier 2021) ? Si sa volonté était une totale remise en question des organes de la Transition, alors le communiqué final de la mission peut être analysé comme un cinglant désaveu à son égard. Conduite par l’ancien président du Nigeria et médiateur dans la crise malienne, Goodluck Jonathan, cette forte délégation est arrivée hier lundi dans la capitale malienne pour évaluer la mise en œuvre de la transition en cours depuis le 15 septembre 2020.

Le risque pour une personne qui se plaint tout le temps et qui n’est jamais satisfaite de ce qu’on lui offre, c’est qu’elle finit par exaspérer tout le monde.

C’est à peine si on l’écoute d’une oreille distraite pour ne pas en rajouter à sa frustration.

Tel semble être le cas du M5-Rfp qui avait visiblement vu la récente mission d’évaluation de la CEDEAO (11-12 janvier 2021) comme une belle opportunité de totalement remettre en cause la Transition, à travers ses organes, et d’obliger la junte à s’en remettre à son schéma.

Face à la délégation ouest africaine, Dr Choguel Kokala Maïga a rappelé que l’engagement d’une «transition civile» a été «violé» parce que le président désigné «ne détient pas la réalité du pouvoir».

En vérité, a souligné le président du Comité stratégique du mouvement, le vice-président et chef de la Junte (Colonel Assimi Goïta), est le «véritable chef de l’exécutif au Mali».  Pour le M5-Rfp le président de la transition et celui du Conseil national de la transition (CNT) ont été tous nommés par le Colonel Goïta qui, selon lui, est «le seul et unique vrai détenteur du pouvoir» dans le Mali post-IBK.

«L’essentiel des nominations au sein de l’administration sont faites par les militaires et choisies parmi les proches de la junte», a       déploré le mouvement qui a demandé à la délégation de la Cédéao d’exiger «un acte formel de dissolution» du Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) sans délai.

«Suite à la mise en place des organes de la transition, le CNSP devait être formellement dissout», a mentionné la délégation de l’organisation ouest africaine dans son communiqué final.

Ce discours d’amertume est une remise totale en cause du processus en cours et duquel le mouvement s’est auto exclu en optant pour la politique de la chaise vide parce que les militaires n’ont pas cédé au boulimique chantage de ses leaders.

La kyrielle de griefs et la batterie de récriminations à l’encontre d’Assimi Goïta et compagnie visait à convaincre la Cédéao d’exiger des «Colonels» de l’ex CNSP à rabattre les cartes pour les redistribuer.

Le processus de mise en œuvre des organes de la Transition validé par la Cédéao

Certes, la délégation de la Cédéao a insisté sur la nécessité de renforcer les concertations à travers un dialogue ouvert à l’ensemble des parties prenantes pour assurer un processus de transition inclusif.

Elle est convaincue que cela permettra une plus grande appropriation interne des différentes décisions relatives à la Transition, en particulier l’élaboration des textes fondamentaux.

Mais au finish la mission a apporté son soutien implicite aux organes mis en place en reconnaissant…

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) est surtout «satisfaite» de la mise en place des organes de transition au Mali.

La mission conduite par Goodluck Jonathan a noté des «avancées relatives à la mise en place des organes de la transition et la nomination de tous les responsables des différents organes de la transition», notamment le président, le vice-président, le Premier ministre et le président du Conseil national de la transition (CNT). Même si elle a noté «l’insuffisance des consultations» entre les acteurs de cette période transitoire, «c’est trop tôt pour douter de l’équipe de transition», a cependant rappelé Goodluck Jonathan à la presse.

Et «malgré les retards et le manque de consensus dans la formation des différentes institutions, aujourd’hui nous nous réjouissons quand même qu’elles soient déjà en place. Elles sont opérationnelles et j’ose croire que ces organes se mettront au travail pour qu’on puisse aller vers cette transition que tout le monde attend», a confié mercredi dernier (13 janvier 2021) au Conseil de sécurité le chef de la Minusma, Mahamat Salah Annadif.

Aujourd’hui, personne ne peut dénier au M5-Rfp la légitimité d’avoir un droit de regard sur la mise en œuvre de la Transition, de critiquer les autorités transitoires chaque fois que nécessaire et surtout de contribuer aux réformes à entreprendre.

Mais, la mise en place des organes transitoires étant consommée, il est temps que les responsables de son Comité stratégique engagent dès maintenant la réflexion sur l’avenir du Mouvement par rapport aux futures échéances électorales devant boucler la Transition. Faut-il en faire une force de conquête du pouvoir ? Si oui, faut-il œuvrer à une fusion totale de ses composantes politiques où établir une base partenariale ?

L’impossible fusion selon Me Tall

«J’apprends que le M5-RFP devrait se constituer en un seul parti avec un seul candidat. Ce sera peut-être une excellente chose, mais c’est impossible», a déclaré le président du CNID-FYT, Me Mountaga Tall, lors de la traditionnelle cérémonie de présentation de vœu de son parti à la presse.

C’était le mercredi dernier (13 janvier 2021) à la Maison de presse de Bamako.

«Le M5-Rfp est, certes, composé de partis politiques mais aussi de syndicats et associations qui n’ont pas vocation à faire la politique.

Le M5 n’est pas un politique mais un creuset qui rassemble tous les patriotes maliens de tous bords, voulant que le Mali soit sauvé, en le remontant du précipice dans lequel on l’a mis», a-t-il précisé.

Ce qui nous semble être une fuite en avant puisque ce mouvement a été quand même formé pour un combat politique : la démission d’un président élu, en l’occurrence Ibrahim Boubacar Kéita ! Qu’auraient fait alors ses composantes si le M5-Rfp avait réussi à chasser IBK de Koulouba sans l’intervention des «Colonels» ? Et rien n’empêche ses composantes politiques de constituer un front unique de conquête de pouvoir avec le soutien des associations et syndicats apolitiques.

Aller de façon isolée aux élections serait à notre humble avis suicidaire pour ce mouvement hétéroclite.

Nous ne voyons aucune de ses composantes rêver d’obtenir assez de députés pour conduire l’opposition parlementaire à plus forte raison remporter la présidentielle !

Hamady Tamba

Instaurer le dialogue et les outils d’évaluation

La visite de la délégation de la Cédéao à Bamako a mis en évidence un certaine malaise né des frustrations par rapport à la mise en place des organes de la transition.

Il est clair que ceux qui ont opté pour la politique de la chaise vide ne peuvent s’en prendre qu’à a eux-mêmes et doivent l’assumer.

Mais, il est aussi dans l’intérêt du pays que la Transition soit un processus inclusif ne serait-ce que pour donner aux reformes politiques et institutionnelles toute la crédibilité et toute la légitimité requises.

C’est pourquoi il est souhaitable que les autorités de la Transition soient «sensibles aux états d’âmes» exprimés devant la mission de la Cédéao pour ouvrir le dialogue avec ceux qui se sentent relégués sur le banc de la transition qui a inexorablement besoin de ce «cachet consensuel et inclusif» pour ne pas paraître un processus bâclé ou arrangé pour favoriser une composante de la nation.

La mission de la Cédéao a en tout cas insisté sur la nécessité de «renforcer les concertations» à travers «un dialogue plus ouvert à l’ensemble des parties prenantes» pour assurer un «processus de transition inclusif».

Cela permettra, selon la Cédéao,  «une plus grande appropriation interne des différentes décisions relatives à la transition, particulièrement l’élaboration des textes fondamentaux».

Et comme l’a récemment déclaré au Conseil de sécurité des Nations unies le Chef de la Minusma, M. Annadif, «un sursaut national des acteurs politiques maliens est indispensable pour que cette fenêtre d’opportunité offerte par la transition ne soit pas une occasion ratée».

L’autre priorité, notamment pour le gouvernement de la Transition, serait de «finaliser et communiquer sur une Feuille de route assortie d’un Plan d’actions» indiquant les différentes activités réaliser tout en respectant la période de transition fixée à 18 mois.

Il est en effet temps d’instaurer des outils d’évaluation permettant de mesurer les efforts accomplis, d’évaluer le chemin parcouru et les défis à relever afin de réajuster le rythme de la course.

Pour aller vite et bien, on ne saurait se passer des balises pour naviguer à vue !

Moussa Bolly