Spécial ramadan / Un dosier de la Rédaction


Le climat politique lui est marqué par les luttes âpres autour du fichier électoral, du projet de réforme constitutionnelle, la bataille de la CENI et du futur référendum à propos duquel un collectif de partis politiques et d’associations de la société civile vient de se constituer en un mouvement « Touche pas à ma constitution » sans compter que  la crise en cours en Libye ne laisse aucun Malien indifférent.

Les Maliens réagissent.

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Ismaël Kanté, ingénieur d’agriculture

Franchement, la fête de Ramadan vient à un moment difficile. D’abord chez nous, nul n’ignore que le mois d’août est le mois le plus difficile de l’année. Ça coïncide avec la saison des pluies qui freine toute les activités. Donc, s’il n’y a pas assez de mouvement, difficile d’avoir de l’argent. La fête ne vient pas ensuite à un moment propice, parce que les prix des denrées de première nécessité grimpent du jour au jour.  On trouve peu d’argent, les prix des denrées gonflent : la fête ne sera pas belle dans cette situation.  On ne parviendra pas à acheter les habits de fête des enfants. Faute de moyens, on n’achètera pas  comme on veut la viande du jour, l’on ne donnera pas à suffisance le prix de condiment, etc. Donc, elle vient à un moment difficile, car l’Etat ne parvient pas à contrôler les prix des produits. Les commerçants augmentent les prix quand ils veulent au vu et su de tous.

Moctar Telly, gestionnaire

Cette fête de Ramadan s’annonce difficile. Ça coïncide avec la fin du mois, l’on ne sait pas si les gens seront payés ou pas. Même si les payements sont faits aussi, il faut savoir qu’ils ne pourront pas couvrir toutes les dépenses de la famille. Tout simplement que les prix des denrées de premières nécessité sont élevés. Il en est de même pour les habillements.  C’est pourquoi il sera difficile de faire face aux problèmes posés. Je dors d’un seul œil.

Mohamed Sissoko, Agent Direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN).

La fête va se passer dans des conditions difficiles. Il y a trop de problèmes, les réformes constitutionnelles c’est le plat de résistance et je ne suis pas partant pour la nouvelle constitution. Je suis pro Kadhafi vu tout ce qu’il a fait pour le Mali. Donc moi je le soutiens à 100%. La fête sera gérée inchallah et cela va dépendre de la volonté des uns et des autres. A mon avis, l’Etat a beaucoup travaillé pour que la fête puisse se passer dans les meilleures conditions. A travers la réduction des prix de première nécessité. Très prochainement on espère bien que les salaires vont tomber. Concernant la fête du 22 septembre, cela va se faire comme d’habitude.

Adama Diallo, Juriste

Il y a beaucoup d’événements qui  pointent à l’horizon, face à tous ces évènements là. La fête c’est une coutume dans la religion qu’on ne peut en aucune manière laisser tomber. Les revenus sont maigres pour couvrir tous ces évènements.  Mais une fête reste toujours une fête et on doit la fêter. Il y a assez de problèmes, le continent est bouleversé par d’énormes  crises telles que le problème libyen. Mais chaque problème a une solution. Et cette solution se trouve dans le raisonnement critique de tout un chacun. Concernant la révision constitutionnelle, elle n’a pas d ‘impact sur la fête. Et je ne suis pas pour une révision. Quant à moi, la constitution du 25 février 92 est la meilleure. Quand Wade du Sénégal et Blaise du Burkina Faso ont voulu changer, on a vu l’acharnement de la population. Il est important de ne pas toucher à la constitution. Pour le cas de la Libye, moi je pense que les armes ne sont pas une solution. Il faut passer par la voie diplomatique. Comme on le dit si bien : « qui règne par l’arme va périr par les armes. » Les libyens vont perdre leurs libertés de décisions dans l’avenir. Parce que l’OTAN va essayer de faire la main mise sur le pays. Le problème récurrent qui peut jouer sur la fête de Ramadan, c’est la rentrée scolaire vu les besoins des enfants, à savoir faire face à leurs fournitures.

Yaya ML. Koné, Etudiant

Pour moi il y a une corrélation entre la fête de Ramadan et la rentrée scolaire. Les chefs de famille auront à faire beaucoup de dépenses vu la cherté de la vie. Les autorités disent qu’ils ont eu à coopérer avec les opérateurs économiques pour la réduction des prix des denrées alimentaires. Mais jusqu’à présent on ne ressent pas cela. La fête de l’indépendance serait sans l’aide de Kadhafi, alors que les autres années le guide de la révolution libyen faisait des gestes pour les préparatifs de la fête nationale. Cette année les choses seront compliquées vu la situation en Libye. A mon avis le référendum ne va pas passer. Mon souhait est que les maliens votent non. La fête se passera bien sans changement comme d’habitude.

Soufiana Diarra : cadre au ministère de la culture

Dans un premier temps j ai jeuné les 30 jours et fêté ensemble en communion. Les remerciements et les louanges à Dieu. Les autres manifestations c’est plutôt social. Il faut rendre visite aux parents et faire le sacrifice qu’on peut faire vraiment pour faire en sorte que la cohésion sociale puisse être maintenue. C’est vraiment ce que nous les musulmans, on peut faire. Mais il y aura d autres formes de manifestations. Les jeunes vont s’éclater et faire beaucoup de manifestations. Et ca va un peu à l encontre de l esprit.

En ce moment nous pensons à la Libye. Nous  prions Dieu pour que la paix revienne dans ce pays Frère. Pour que la Libye soit vraiment tranquille. Parce que nous avons beaucoup de ressortissant là-bas, nous avons beaucoup d intérêts liés. Et Kadhafi c est un partenaire privilégié pour les Maliens.  Nous ne pouvons que prier Dieu pour que la paix revienne dans ce pays, parce que ca commence à faire trop de morts.

Mohamed DOUCOURE : ministère de la culture

La différence qu’il y a entre cette fête et d autres fêtes. Il y a déjà que la vie est plus chère que l’année dernière.  Peut être cette année, il y a des gens qui ne vont pas pouvoir acheter des habits pour la fête du ramadan.  La fête sera marquée cette année par les bouleversements à travers le monde.

AU Mali, elle se passera sur fond de crise financière

Je connais beaucoup de gens qui avaient l habitude de donner des sacs de sucre. Et cette année les gens donnent des demi sacs voire même un tiers de sac. La vie est chère. Heureusement que ca coïncide avec la fin du mois. Si l‘Etat arrive à faire les salaires avant, peut-être que les choses vont changer sinon c’est dommage.  Avec la rentrée, il y en a qui vont choisir de la préparer scolaire au lieu de  la fête du ramadan. En tout cas, même ceux qui ont l’argent vont réfléchir avant de dépenser. Et il y a la tabaski qui s approche dans deux  et les fêtes de fin d année. C est un trimestre chaud qui arrive.

Ousmane Sanogo, Enseignant

Socialement, ca ne va pas. Chaque jour les gens gèrent le quotidien avec difficultés. En plus de cela le prix des denrées alimentaires grimpent du jour au lendemain (sucre, riz, lait, etc..). Pour la révision constitutionnelle ce n’est pas du tout intéressant pour la société civile. Vu le 22 septembre et la fête du Ramadan, les gens vont fêter dans la misère. Nous sommes convaincus que la plupart de nos dirigeants sont des commerçants. A mon avis, d’ici la fin du Ramadan le prix des denrées alimentaires ne changera pas. Donc ‘est la population qui va souffrir. Cette fête ne sera pas comme les fêtes précédentes. Ce qui est évident et palpable, compte tenu de la cherté de la vie. Mais aussi les maliens de Libye n’auront pas beaucoup de sous à envoyer dans leurs familles. Mon souhait est que le Malien fête dans la tranquillité, malgré la difficulté.

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Les dépenses de la fête de ramadan

Après avoir tant bien que mal passé le cap du dispendieux mois de carême, certains ménages se retrouvent face à une nouvelle échéance aussi onéreuse: la fête de Ramadan. Les chefs de famille sont confrontés à l’urgence des préparatifs de la fête. Cet événement impose deux rubriques budgétaires principales : les vêtements pour la famille et le repas de fête. A.C. déclare : « La situation est plus grave que vous l’imaginez. N’insistons même pas sur le fait que le mois de Ramadan est un mois de dépenses. Nous avons des élèves vacanciers chez nous. Ceux-ci vont faire la fête chez nous. Il faut donc les habiller pour la fête au même titre que nos enfants. Dieu seul sait comment je n’ai pas pu faire face aux dépenses pendant la période du jeûne et souvent en pensant à ce qui m’attend pour la fête je n’ai point le sommeil. Et tout le monde sait que traditionnellement, l’hivernage est une période financièrement difficile ».Même si souvent les parents n’ont pas les moyens de subvenir aux dépenses de la fête ils sont contraints de se plier en deux pour le faire ». Le plus souvent, sous la pression des enfants, et dans une moindre mesure celle des femmes. Z.T est fonctionnaire. Il doit, lui aussi, faire des choix budgétaires. « J’ai trois élèves en vacances chez moi, en plus de mes quatre gosses. Je ne sais pas si je dois préparer la fête ou même tout simplement assurer le quotidien de ma famille. Il est difficile de choisir une priorité. Mais avec l’aide de mon épouse, nous avons décidé d’attaquer l’essentiel : les frais d’inscription, les fournitures et les tenues scolaires. Pour le Ramadan, les enfants se contenteront d’anciens habits de fête », confie-t-il.

Malgré ces problèmes, à Bamako, la fièvre de la fête est montée d’un cran. Des vendeurs ambulants arpentent les artères avec habits et chaussures pour enfants. Pour se rendre au Grand marché, la voiture n’est pas recommandée. Une animation particulière règne dans ce haut lieu du commerce bamakois. Tous les marchés de la ville sont bondés. Mais les vendeurs aussi se plaignent. B.D est  commerçant grossiste d’habits au grand marché de Bamako. Il  a déclaré : « les importateurs de vêtements ont fait venir de grosses cargaisons de marchandises, surtout pour enfants mais avec la conjoncture financière, on ne vend presque plus. Les clients disent qu’ils n’ont pas suffisamment de moyens. On est obligé de bazarder nos marchandises pourvu que les clients s’y intéressent et ça entraîne souvent de grosses pertes ». En revanche, les clients continuent de crier. « Ces dernières années, les dépenses se succèdent. Et cela dans un contexte économique difficile.

Si ce n’est pas les prix des produits de première nécessité qui flambent, c’est la rentrée des classes qui coïncide avec une fête. On ne peut même plus aborder la question de l’argent avec les chefs de famille. Il faut les comprendre, c’est dur », constate, Mme Barry. Une mère de famille rencontrée  au marché a reconnu que les habits sont véritablement moins chers cette année, mais elle a ajouté que c’est l’argent qui manque. Une dame interrogée a fait remarquer que si les habits coûtent moins chers, ils ne sont pas de bonne qualité. « Auparavant, les robes des petites filles étaient résistantes. Maintenant, elles se déchirent quand on les lave souvent. D’ailleurs, même si les prix baissaient encore plus, en quoi cela nous profiterait-t-il  si on n’a pas d’argent ? »,  s’est-elle interrogée. Compte tenu de la pression sur les bourses, certains chefs de famille ont fait l’option de ne point s’intéresser à la fête afin de mieux préparer la rentrée des classes qui se profile à l’horizon. Mais combien de chefs de famille pourront résister à la pression des enfants et des femmes pour se concentrer sur l’essentiel ? La grande effervescence qui prévaut dans les marchés est sans doute la meilleure réponse à cette question.


Entraide et solidarité

Durant le ramadan, les actions de solidarité sont alors plus denses de la part de différentes associations humanitaires, religieuses et des grands érudits. On assiste quotidiennement à des dons de nourritures, vivres, céréales dans les différentes mosquées de la capitale  par diverses associations et fondations nationales ou internationales. Ces dons vont  aux plus démunis de la société et aux malades. Durant ce mois, les campagnes de solidarité sont devenues une solide tradition qui contribue au processus de développement à travers la consolidation de l’action sociale. Il y a aussi des gens de bonne volonté qui organisent gratuitement des séances de coupures de jeune à leurs domiciles ou dans les mosquées.

A la deuxième mosquée de Sogoniko, depuis plus de cinq ans un anonyme finance les séances communes de rupture du jeune. Pour Sidi Keita commerçant : «Le mois du Ramadan nous réserve des leçons de vie et apporte une note réellement différente dans notre existence. C’est une excellente période de purification de l’âme, il nous incite à prendre de bonnes attitudes qui témoignent de notre humanisme et du soutien que nous apportons à ceux qui nous entourent ». Avec l’occidentalisation de nos mœurs et la cherté de la vie, on assiste ces dernières années à la diminution des valeurs de solidarité et de partage dans notre pays. Selon un enseignant que nous avons interrogé, aujourd’hui la crise économique mondiale sévit dans tous les ménages. C’est pourquoi, les gens ont du mal à s’entraider. Pourtant, les Bamakois  interrogés disent s’acquitter de cette recommandation divine, selon leurs moyens.

Mais dans tous les cas, la solidarité est inscrite dans les préceptes de l’islam qui fait obligation au fidèle musulman de s’acquitter le matin même de la fête, de « la  zakkat al fitr » l’aumône consistant à donner aux nécessiteux une quantité bien précise en céréales dont on il dispose.

Le Républicain 26/08/2011