Soudan : l’arrêt « immédiat » des combats demandé par le G7

Les ministres des Affaires étrangères du G7 ont réclamé mardi 18 avril l’arrêt « immédiat » des hostilités au Soudan. Les appels à la trêve sont toujours ignorés par les deux généraux en lutte pour le pouvoir qui entament leur quatrième jour de combats avec un bilan de près de 200 morts.

Dans le ciel de Khartoum, les avions de l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du pays depuis le putsch de 2021, tentent de venir à bout des tirs intenses des blindés des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », son second pour le coup d’Etat devenu depuis samedi son ennemi juré.

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Dans un pays où la faim touche plus d’un habitant sur trois, humanitaires et diplomates disent ne plus pouvoir travailler. Trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués et des stocks d’aides pillés au Darfour (Ouest). Lundi, un convoi diplomatique américain a essuyé des tirs et l’ambassadeur de l’Union européenne a été « agressé dans sa résidence » à Khartoum.

Les combats de rue et les bombardements incessants depuis samedi ont fait plus de 185 morts selon l’ONU et poussé plusieurs ONG et agences de l’ONU a suspendre toute aide.

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En dépit de l’appel du G7 « à toutes les parties à mettre immédiatement fin à la violence », mardi matin à Khartoum, pour le quatrième jour consécutif, des explosions et des hommes –en treillis et parfois enturbannés comme les nomades du Darfour– font régner la terreur alors que les familles, terrées chez elles sans électricité ni eau courante tentent de survivre avec leurs stocks de nourriture.

Les rares épiceries qui ouvrent ici et là préviennent qu’elles ne tiendront plus longtemps sans réapprovisionnement.

Hôpitaux en détresse

Les blessés, eux, sont plus de 1.800 recensés par l’ONU et peinent à rejoindre les hôpitaux. Ils y courent toujours le risque d’être fauchés par des balles perdues ou les bombardements que militaires comme paramilitaires mènent en pleine zone résidentielle à Khartoum et ses banlieues.

Au Darfour, bastion du général Daglo et de milliers de ses hommes qui y ont mené des atrocités durant la guerre lancée en 2003, la situation est également dramatique.

Médecins sans Frontières (MSF) raconte avoir accueilli en deux jours 136 blessés dans son dernier hôpital fonctionnel au Darfour-Nord. « La majorité sont des civils qui ont été pris sous les tirs, dont beaucoup d’enfants », rapporte l’ONG. « Onze sont morts » faute d’équipement et de personnel.

Khartoum, épargnée durant les longues années de guerre contre des groupes rebelles à travers le pays, est depuis samedi un champ de bataille.

Les civils tentent de se faire invisibles. Quelques uns s’aventurent dehors pour acheter quelques victuailles ou tenter de trouver un générateur encore alimenté en fuel et recharger un téléphone ou une batterie. Les QG de l’armée et des paramilitaires, eux, sont visibles de loin: au-dessus d’eux s’élèvent des colonnes d’épaisse fumée noire.

Impossible de savoir quelle force contrôle quoi. Les deux camps disent tenir l’aéroport, le palais présidentiel et le QG de l’état-major.

Le G7, l’ONU, les Etats-Unis ont encore redemandé ces dernières heures aux deux généraux de « cesser immédiatement les hostilités » qui pourraient être « dévastatrices pour le pays et toute la région ».

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’est entretenu mardi avec les deux généraux. « Trop de civils ont déjà perdu la vie », a-t-il tweeté, soulignant « l’importance d’assurer la sécurité du personnel diplomatique et des travailleurs humanitaires ».

Guerre « existentielle »

Mais les deux hommes semblent désormais ne plus vouloir reculer dans cette guerre devenue « existentielle » pour leurs camps, selon des chercheurs.

L’armée n’en finit plus de dénoncer à la télévision d’Etat « un coup d’Etat » de « rebelles soutenus par l’étranger ». Hemedti a encore répété au téléphone à Antony Blinken lutter « pour la liberté, la justice et la démocratie ».

Ce slogan de la « révolution » de 2019 était jusqu’à récemment encore scandé dans la rue par les militants pro-démocratie qui veulent en finir avec le pouvoir militaire –quasiment une constante au Soudan depuis l’indépendance en 1956. Ils renvoient aujourd’hui dos à dos les deux belligérants et les forces politiques civiles qui négociaient avec eux un accord politique avant qu’éclatent les combats.

Le conflit était latent depuis des semaines entre le général Burhane et le général Daglo dont les ex-miliciens de la guerre du Darfour étaient devenus ces dernières années les supplétifs officiels de l’armée.

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Il a explosé quand les deux généraux ont été forcés d’annoncer leur plan pour intégrer les FSR aux troupes régulières. Incapables de s’accorder sur un calendrier et les conditions de recrutement, ils ont fait parler les armes.

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Pour le politologue Amr Chobaki, « la situation actuelle est le résultat des erreurs du régime Béchir et de la période de transition qui aurait dû, il y a quatre ans mois pour mois quand Béchir tombait, discuter l’unification des forces armées ». En 2019 la rue avait poussé l’armée à limoger l’un des siens, l’ex-président Omar el-Béchir.

« Les civils voulaient démanteler l’ancien régime mais, quatre ans plus tard, ce qui a été démantelé ce sont les forces politiques et l’armée », explique-t-il. Et, ajoute-t-il, « de nombreux politiciens disent que c’est l’ancien régime qui est derrière les combats actuels ».

Le grand voisin égyptien, lui, multiplie les initiatives. Il a appelé les deux généraux, l’Arabie saoudite, le Soudan du Sud et Djibouti, trois acteurs importants au Soudan.

Lundi soir, le président Abdel Fattah al-Sissi a convoqué un Conseil de défense inhabituel.

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Il a plaidé pour « un retour à la table des négociations » et dit travailler au « retour » de « formateurs » militaires égyptiens enlevés samedi sur une base aérienne du Nord par les FSR.