SELECTIONNEUR DES AIGLES : Magassouba n’est pas le diable

Malgré une prestation de fort belle facture, le Mali a été une nouvelle fois éliminé par la Côte d’Ivoire en phase finale de Can. Et cela malgré la grande détermination affichée par Abdoulaye Diaby et ses coéquipiers qui ont mouillé le maillot de bout en bout. Ainsi, les Eléphants restent toujours la « bête noire » des Aigles pour nous autres chroniqueurs sportifs et historiens du sport. Mais, le mythe ne cesse d’être ébranlé.

Comme d’habitude, cette 4e défaite en cinq confrontations en phase finale de Can (1 nul en 2015 en Guinée équatoriale) a fait couler beaucoup de salive et surtout d’encre, notamment sur les réseaux sociaux. Entre la passion et la déception, certains ont donné libre cours à leur colère en se déchaînant sur le coach des Aigles, souvent en des termes très virulents et offensants. Et pourtant, même dans la critique, il faut être courtois pour ne pas porter atteinte à l’honneur et à la dignité de l’autre.

C’est normal, l’entraîneur paye toujours la note quand il y a une mauvaise performance. Et il sait d’ailleurs qu’il est toujours le bouc émissaire à sacrifier en pareille circonstance. Connaissant l’homme, nous savons que Mohamed Magassouba assume la défaite contre les Eléphants. Même si, comme il le dit si bien, « quand les lois du jeu ne sont pas sifflées de la même façon en fonction des équipes… ça devient difficile ». Et cela est vrai.

La Côte d’Ivoire, avec un arbitrage à la hauteur des enjeux de la rencontre, aurait pu terminer le match à 10, voire à 9 contre 11 et personne n’aurait crié au scandale même au bord de la lagune Ebrié à Abidjan. Presque durant tout le match, les Ivoiriens ont utilisé la manière forte pour intimider et stopper nos véloces jeunes talents.

Mais, nous n’allons pas nous décharger sur l’arbitrage parce que cela ne nous a pas empêché d’avoir les meilleures occasions franches de tuer ce match, de briser ce signe indien qui nous colle à la peau depuis trop longtemps. Les jeunes ont manqué de dextérité et de réussite devant les buts adverses.

Ils ont surtout manqué d’expérience dans l’abordage de ce genre de duels. A part Molla Wagué (si nous avons bonne mémoire), ils étaient tous à leur première Can senior alors que parmi leurs adversaires, certains sont là depuis 2012 ainsi que des champions d’Afrique de 2015 en Guinée équatoriale.

 

Savoir raison garder

« Savoir gagner, c’est savoir aussi perdre » ! Telle est la loi du sport. Nous sommes fair-play, nous acceptons donc cette défaite en espérant qu’elle servira aussi à poser les jalons des futures performances. Sans aucun doute, Magassouba est le plus affecté par ce manque de réussite parce qu’il avait de l’ambition en partant en Egypte.

« Toute modestie mise à part, je suis ambitieux. Je ne vais pas à une Can pour faire de la figuration, mais pour la remporter. C’est un projet, une ambition personnelle. Certainement que c’est aussi l’ambition des coaches de tous les pays qualifiés », nous a-t-il confié à la veille de la compétition.

Et face à la Côte d’Ivoire, il a fait les choix qu’il a jugés appropriés pour contrer la stratégie adverse. Cela n’a pas marché ! C’est dommage, mais ce n’est pas la fin du monde. Sauf ceux qui attendaient une telle occasion pour se défouler sur un bouc émissaire.

Une chose est claire : Mohamed Magassouba n’est pas un piètre entraîneur. Et ce n’est pas non plus un homme à vendre sa patrie. Même dans la colère, il faut garder la lucidité de reconnaître l’évidence. Sachons savoir raison garder.

Ce n’est pas un piètre coach qui peut reconstruire en un laps de temps une sélection nationale en déconfiture et se qualifier une journée avant la fin des éliminatoires en terminant 1er de son groupe devant le Burundi, le Gabon et le Soudan du Sud.

Mieux, en Egypte, le Mali a terminé premier du groupe E devant la Tunisie, l’Angola et la Mauritanie. Et nous n’avons concédé qu’une seule défaite. Elle a nous a été fatale, mais c’est cela aussi la loi d’une cette compétition.

Personnellement, peu de gens connaissent mieux la valeur de Magassouba que nous parce que nous avons cohabité à la Can « Gabon-Guinée équatoriale 2012 » à Franceville puis à Libreville. Et nous avons presque tout partagé pendant ce séjour avec Sadia Cissé, Ahmed Sékou Touré, le colonel-major Brahima Diabaté, le colonel Satao… De longues nuits passées à échanger sur le football, sa vision du jeu, les atouts et les handicaps du foot malien ; sur le management du sport…

Et sans démagogie aucune de ma part, je pense que le Mali aurait pu remporter la Coupe si l’encadrement technique (qui l’avait curieusement tenu à l’écart du groupe alors qu’il était déjà directeur technique national, DTN) avait tenu compte de ses analyses de nos adversaires. Et personnellement, il était devenu mon consultant et j’ai toujours pu juger de la pertinence de ses remarques et de ses conseils par rapport au jeu des Aigles et celui de nos adversaires.

« En tant que chef de la délégation du Mali au Gabon et en Guinée équatoriale en 2012, je valide le fait que le Mali doit beaucoup au coach qui a tant donné à notre pays, à nous tous sans poser aucune condition intenable, le montant de son salaire l’atteste aisément… Faisons-nous confiance le Mali avancera », confirme Ahmed Sékou Touré, alors conseiller technique au ministère de la Jeunesse et des Sports, chef de la délégation officielle du Mali à la Can « Gabon-Guinée équatoriale 2012 ».

 

Un attachement viscéral à la patrie

Ce que beaucoup ne savent pas, c’est que Magassouba est un Messie dans beaucoup de pays africains, surtout en RD Congo et au Gabon où il est toujours adulé pour les performances réalisées sur place. « Comment vous pouvez aller chercher un entraîneur expatrié pour coacher votre équipe nationale alors que vous avec un technicien doué comme Magassouba ? », nous ont interrogé des confrères et des fans du foot en terre gabonaise.

En 2005 par exemple, le technicien avait quitté la RD Congo pour le Gabon où il conduira « Télé Star » à la victoire au tournoi de l’Union des fédérations de l’Afrique centrale. Auparavant, il avait remporté le prestigieux trophée Vodacom en Afrique du Sud avec Saint-Éloi Lupupo en 2002. Mais à ce jour, le plus bel exploit de Mohamed Magassouba reste le trophée de la défunte Coupe d’Afrique des coupes qu’il a remporté en 1994 avec le Daring Club Motema Pembé de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre).

L’intérêt de Magassouba pour le Mali est tout sauf financier. Son attachement est patriotique. Sinon, instructeur réputé de la Caf et de la Fifa, il est un technicien très sollicité qui ne peut qu’avoir l’embarras du choix pour son avenir. Mais, nous a-t-il assuré dans l’entretien ci-dessus évoqué, « tant qu’on veut de moi au Mali, je n’irai nulle part. Le jour où on ne voudra plus de moi, je n’aurai que l’embarras du choix, car je suis un citoyen du monde, un technicien du football qui ne manquera pas de point de chute ».

Tirons donc les enseignements de cet échec pour baliser le chemin de l’avenir. Surtout que nos Aigles n’ont pas démérité. « La meilleure équipe a perdu. Le football est ainsi fait, nous avons eu une domination stérile. Nous n’avons pas une, mais trois générations en or. Nous devons donc structurer notre football, car nous avons l’opportunité de dominer le football continental pour les dix prochaines années », est convaincu Makan Magassouba, un observateur du foot africain et mondial.

Et, assure Pape Diouf, qui est aussi un grand manager et fin connaisseur du football, « le Mali est sur la bonne voie ». Un avis partagé par le doyen Seydou Sissouma qui a rappelé sur son compte Twitter, « ce n’est pas une soirée folichonne pour notre sélection nationale. Mais, comment oublier que ces Aigles furent malgré leur jeune âge l’équipe la plus joueuse de la Can-2019 jusqu’à leur élimination ? Point question de célébrer une défaite, mais d’y voir les promesses pour les victoires à venir ».

A condition qu’on mise sur la stabilité dans l’encadrement des Aigles avec un meilleur suivi des pépites des petites catégories. Ce sont des conditions sine qua non pour pouvoir, un jour, « écrire notre propre histoire face à la Côte d’Ivoire ».

« Gardons cette solidarité qui nous rassemble car le terreau de l’échec est le doute. Continuons de croire en nous et puisons dans cette défaite pour revenir plus fort », a souhaité Hamari Traoré après cette frustrante élimination. Et comme l’a aussi conseillé Makan Magassouba, « ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ».

Sous la direction du coach Magassouba, les Aigles ont montré une très grande qualité de jeu durant le tournoi avec un excellent fond de jeu. La jeunesse de cette sélection nationale est un motif d’espoir pour garder espoir et miser sur la Can-2021. A condition de ne pas chambouler et sacrifier l’encadrement technique comme un bouc émissaire.

Les réussites pérennes sont bâties sur des remises en cause et les leçons des expériences, et non sur le sacrifice des boucs émissaires. Si l’actuel sélectionneur des Aigles reste aux commandes, le Mali fera bientôt parler de lui dans le gotha du football africain.

En tout cas félicitations compagnon de la « Villa aux Serpents » de Franceville ! Que ce soit au Mali ou ailleurs, nous sommes convaincus que le meilleur est à venir pour toi coach.

Moussa Bolly

(Le Focus)