RESOLUTION DE LA CRISE MALIENNE

António Guterres plaide pour le renouvellement du mandat de la MINUSMA pourtant jugée inefficace

A quelques semaines de la décision du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’avenir de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), le Secrétaire général des Nations unies a dénoncé dans son nouveau rapport la précarité des conditions sécuritaires au nord et la montée de la violence intercommunautaire ainsi que la prolifération d’attaques terroristes dans le centre du pays. Une situation qui, aux yeux de M. António Guterres, justifie le renouvèlement du mandat de la Minusma et au redéploiement de ses troupes, notamment au centre du pays. Et pourtant, mettant en doute son efficacité, l’opinion nationale malienne est de plus en plus hostile à la présence des forces internationales dans le pays.

Comme prévu, le secrétaire général des Nations unies a plaidé pour le renouvellement du mandat de la Minusma dans son dernier rapport adressé au Conseil de sécurité sur le Mali. Une reconduction que M. António Guterres justifie en partie par la précarité des conditions sécuritaires au nord et la montée de la violence intercommunautaire ainsi que la prolifération d’attaques terroristes dans le centre du pays.

Une décision qui, visiblement, ne tient pas compte de l’opinion des Maliens de plus en plus hostile à la présence des forces internationales sur leur sol. Il s’agit notamment de la Minusma et de Barkhane dont l’efficacité dans la résolution de la crise malienne et la lutte contre le terrorisme est sans cesse remise en question.

Ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter que le milliard de dollars de budget de la Minusma et les 700 à 800 millions d’Euros de Barkhane seront plus efficaces s’ils étaient alloués aux Forces armées maliennes (FAMa) et à la Force conjointe du G5 Sahel dont l’opérationnalisation se heurte toujours à la mauvaise volonté des partenaires financiers comme les Etats-Unis.

Sur le terrain, la réalité prouve que les groupes terroristes craignent plus la montée en puissance des FAMa que la Minusma qui a pourtant plus de moyens logistiques. «Les Forces de défense et de sécurité maliennes sont restées les principales cibles et victimes d’attaques menées par des groupes terroristes», a précisé António Guterres dans son rapport sur la période mars-avril-mai 2019 (voir encadré).

Cette crainte de la montée en puissance des FAMa peut aussi justifier la multiplication des attentats contre la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM) qui joue un rôle essentiel dans celle-ci. En effet, un attentat a été déjoué vendredi dernier (07 juin 2019) contre le siège de l’EUTM à Bamako. Dans la nuit 23 au 24 février 2019, son centre de formation à Koulikoro (où sont déployés les militaires européens de la mission EUTM Mali), a été l’objet, celui d’une attaque terroriste à la voiture piégée.

L’ONU impose au Mali une révision constitutionnelle au risque d’une nouvelle crise politique

Dans le rapport publié par la mission onusienne le vendredi 07 juin 2019, nous n’avons vu aucune évaluation objective de l’impact de la Minusma sur  la mise en œuvre du processus. Le Secrétaire général lie d’ailleurs le retard constaté dans ce processus à la démission du gouvernement de Soumeylou Boubèye en fin mai dernier.

Sans aucune remise en question de sa mission et sans un diagnostic objectif de l’évolution de la situation politique dans le pays et de l’attitude belliqueuse de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) prônant la partition du Mali, M. Gutteres veut prolonger la tutelle de la communauté internationale sur notre pays.

Et les Maliens dans tout cela ? Notre avis comptera-t-il réellement dans la décision du  conseil des ministres ? Il ne faut pas se voiler la face ! Notre pays est sous tutelle depuis le malencontreux coup d’Etat du 22 mars 2012.  Ce fut d’abord la Cédéao, puis la France sous couvert de la communauté internationale. Ce qui nous priverait du droit de regard sur notre destin. Sinon comment comprendre que le Secrétaire général de l’Onu continue à mettre la pression sur le gouvernement pour accélérer le processus de révision constitutionnelle qui a fait vaciller le régime en 2017 à cause de l’opposition d’une large composante de l’opinion nationale.

En effet, dans son nouveau rapport, M. Gutteres souligne que «l’achèvement de la révision constitutionnelle devrait être la priorité immédiate du gouvernement en vue de soumettre à l’Assemblée nationale, dès que possible, un projet de proposition ayant fait l’objet de consultations».

Et cela d’autant plus que l’Accord politique pour la gouvernance signé le 2 mai 2019 définit le cadre de consultations ouvertes sur la nouvelle constitution. Tout comme le projet de loi organique adopté en conseil des ministres vendredi dernier pour proroger le mandat des députés jusqu’au 2 mai 2019. Après une première prorogation, ce mandat devait arriver à terme le 30 juin 2019. La prorogation de la 5e mandature est indispensable à la célérité de la révision constitutionnelle. Curieusement, le gouvernement est incapable d’organiser les législatives pour des contraintes. Pourtant, il est déterminé à organiser un referendum sous la pression de la communauté internationale.

Pour la mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, António Guterres exige ainsi l’achèvement de la révision constitutionnelle moyennant la tenue d’un référendum national et la promulgation d’une Constitution révisée reflétant les réformes institutionnelles envisagées dans cet Accord.

Le Dialogue politique inclusif annoncé pourra-t-il venir à bout des hostilités vis-à-vis de la révision constitutionnelle ? Rien n’est moins sûr !

Moussa Bolly

 

Les FAMa demeurent la principale cible des «ennemis» de la paix

De mars à mai 2019, c’est dans le nord du Mali qu’a été enregistré le plus grand nombre d’attaques asymétriques commises par des groupes terroristes (34 sur un total de 59). Toutefois, a mentionné M. Antonio Guterres dans son nouveau rapport, c’est dans «le centre du pays que se sont produites les attaques les plus meurtrières».

Dans le nord, des attaques ont eu lieu dans toutes les régions, notamment dans celles de Gao (15), de Tombouctou (11), de Ménaka (4) et de Kidal (4). En revanche, dans le centre, les attaques asymétriques se sont surtout concentrées sur la région de Mopti (24). 

«Les Forces de défense et de sécurité maliennes sont restées les principales cibles et victimes d’attaques menées par des groupes terroristes», a souligné le rapport. Ainsi, au cours de la période considérée, elles ont été la cible de 35 attaques au cours desquelles 67 soldats ont été tués et 51 blessés, soit une augmentation par rapport aux 37 morts et 47 blessés enregistrés pendant la période précédente.  

Et l’attaque complexe menée le 17 mars 2019 contre les Forces armées maliennes à Dioura (région de Mopti), a été la plus meurtrière avec 26 soldats tués. Au cours d’une attaque contre un avant-poste des Forces de défense et de sécurité maliennes à Guiré, dans la région de Koulikoro, le 21 avril, 11 soldats ont perdu la vie.

Au total, 12 attaques ont visé la MINUSMA, 11 attaques ont visé des groupes armés signataires et 1 attaque a visé des forces internationales. Pendant cette période, quatre soldats de la paix ont été tués et 12 blessés, contre 17 tués et 40 blessés au cours de la période précédente.

A Gao et à Ménaka, 43 membres de groupes armés signataires ont été tués et 17 blessés. Le rapport a enregistré 49 cas d’utilisation d’engins explosifs improvisés, dont 36 (soit 73 %) se sont produits dans le centre du Mali.

«Au vu de la complexité de la situation de sécurité, le redéploiement effectif des Forces de défense et de sécurité maliennes reconstituées et restructurées dans le nord du Mali est une condition préalable à l’établissement ou au rétablissement de l’autorité de l’État», a préconisé Antonio Guterres.

A son avis, cela aura «un effet dissuasif» et permettra «d’endiguer la prolifération des activités terroristes et de la criminalité organisée et facilitera la lutte contre l’impunité» et le retour des représentants civils de l’État malien, améliorant du même coup l’accès aux services sociaux de base et à la justice.

M.B