RÉFORME DE L’ÉTAT Les couacs de la révision constitutionnelle


Peu de choses ont filtré  des échanges entre les Députés et Daba Diawara, tandis que la même question sera demain au centre d’un autre débat à la plus grande formation politique du pays, l’Adéma-PASJ. Pour sûr, le contenu du texte révisionnel suscitera difficilement le même lever de boucliers au Parti de l’Abeille qu’à la représentation parlementaire,  mais un certain nombre d’énormités pourraient tout aussi difficilement ne pas retenir l’attention pou peu qu’on est attentif.

Ainsi, certaines des modifications apportées à la loi fondamentale de 1992 se caractérisent par une carence rédactionnelle beaucoup plus criarde que le texte initial, avec notamment un nombre incalculable de barbarismes, d’énoncés ambigus voire confus au point de rendre équivoque.

On note, par exemple, cette tentative de réformulation de l’article 13 de la constitution où  »le droit à la propriété » devient  « le droit de propriété est garanti dans les conditions déterminées par la loi(…) » ou encore cet autre rajout apporté aux alinéas de l’article 17 avec cette lourdeur insupportable « la personnalité assurant les fonctions de président de la République par intérim ne peut être candidat à ladite élection » qu’il serait de toute évidence plus simple dénoncé si elle était exprimée comme suit : « L’ intérimaire aux fonctions de président de la République n’est pas éligible ». La liste n’est pas exhaustive. On en évoquerait à l’envi, à l’instar de ces réformulations très peu soutenues des articles 33,37 et 38 de la même constitution. En effet, « Si l’un des candidats se désiste, le scrutin reste ouvert au candidat venant après dans l’ordre des suffrages exprimés » aurait pu s’exprimer de la façon ainsi : « (…) le scrutin est ouvert à un des candidats non retenus dans l’ordre des suffrages obtenus ». Aussi la rédaction aurait-elle pu s’épargner la gênante redondance que voici : « À la fin du mandat du président de la République et dans un délai d’un mois, le président de la Cour de Comptes reçoit la déclaration écrite des biens du président de la République « , tout comme cette formulation confuse « La fin de la mission du Premier Ministre emporte celle des autres membres du gouvernement » là où il serait plus digeste d’écrire que « La démission du Premier Ministre entraîne celle du gouvernement ».

Les insuffisances rédactionnelles  de même nature se ramassent à la pelle dans les réformulations ou rajouts apportés au texte, mais elles ne sont sans doute qu’une goutte d’eau par rapport à certains couacs de fonds. L’un d’entre eux a trait à la référence faite à « Kurukanfuga ». Mentionnée en guise de rajout au préambule, l’allusion à  »Kouroukafuga fait partie des mesures modificatives qui font déjà jaser dans certains milieux, et pour cause. La Charte mandingue de 1236 constitue certes une fierté historique, mais elle ne paraît point suffisamment ancrée au point d’être perçue comme un patrimoine commun à la diversité culturelle nationale.

Par ailleurs, l’équation du vide institutionnel provoqué par la vacance des fonctions de président de la République ne saurait trouver sa solution dans cette autre mesure quoique moins confuse que la formulation ancienne. La modification proposée est libellée comme suit : « En cas de vacance de la présidence de la République, pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement absolu constaté par la Cour constitutionnelle, saisie par le président de l’Assemblée nationale et le Premier Ministre, les fonctions de président de la République sont exercées par le président de l’Assemblée nationale. Si celui-ci est à son tour empêché, elles sont exercées par le président du Sénat et en cas d’empêchement de ce dernier, par le Premier Ministre ». La formulation tente ainsi de corriger l’ancienne disposition qui ne tenait pas compte de l’éventualité d’un empêchement simultané des deux premières personnalités élues de l’État. Toutefois,  elle ne se charge point de clarifier sur la teneur sémantique du mot  »empêchement » qui pourrait tout aussi tenir lieu de renoncement. Car -pour un intérim entraînant la privation systématique du droit à l’éligibilité  »La personnalité assurant les fonctions de président de la République par intérim ne peut être candidat à ladite élection » -, combler un poste vacant pendant une échéance maximale de 120 jours suscite manifestement moins de convoitise que la tentation de se porter candidat à sa succession.  Il ne semble dès lors point superflu, à défaut de revoir l’inéligibilité de l’intérimaire, d’entrevoir l’éventualité où une ambition présidentielle pourrait amener chacun des potentiels suppléants d’un président empêché à renoncer à l’exercice temporaire de ses fonctions.

D’autres nouvelles mesures prêtent tout aussi à équivoque. Il s’agit entre autres de la substitution de la réduction de l’ensemble de la communication à la seule audiovisuelle dans l’article 4 consacrant un organe unique de régulation des médias, ainsi que de la discrimination positive sur les mandats électoraux de femmes désormais consacrée par la constitution. La dernière disposition n’a d’ailleurs par manqué de faire grincer des dents lors des échanges entre Daba Diawara et les parlementaires, avant-hier mardi, à l’Assemblée nationale du Mali.

A.Keïta

 

Aurore 14/07/2011