Délire séparatiste au Nord-Mali: Le drapeau national brûlé et supplanté par celui de l’Azawad

Etait-ce la démonstration d’une résistance après la disparition d’Ibrahim Bahanga ou une simple coïncidence de calendrier ? Les interrogations et supputations vont bon train dans les régions nord du Mali où l’irrédentisme s’est récemment illustré par une témérité jamais atteinte, depuis que cette zone est agitée par des velléités séparatistes. En effet, quelques semaines seulement après l’accident mortel de celui qui est encore considéré comme un héros de la libération de l’Azawad (branche armée), l’activisme sécessionniste a repris du service avec un rebondissement des plus spectaculaires. Après une relative hibernation, le Mouvement National de l’Azawad, puisqu’il faut l’appeler par son nom, a choisi de se manifester, la semaine dernière, par le courage de franchir un Rubicon qu’aucune génération de rebelles n’a encore tenté.

Dimanche dernier, pour être précis, les éléments du MNA  s’en sont pris un peu partout aux symboles de la Nation qu’ils ont voués sans ménagement à la désacralisation. Là où une force dissuasive n’était pas présente pour freiner leur délire, les activistes ont réussi à atteindre un dessein  capital: le rêve longtemps caressé de descendre les couleurs nationales et hisser à leur place celles de l’Azawad, la nouvelle République que leur Mouvement est déterminé à ériger sur les cendres de la présence malienne dans le territoire revendiqué. C’était le cas à Talataye, dans le Cercle d’Ansongo, où un regroupement spontané s’est vigoureusement attaqué au drapeau national. Déchiré, piétiné et même brûlé par endroit, celui-ci, du moins momentanément, a cessé de flotter au profit des couleurs symboliques d’un séparatisme qui tente de dépasser le cadre touarègue en intégrant toutes les autres ethnies du septentrion malien.

Visiblement très habile dans l’utilisation des nouvelles technologies de la communication, le même mouvement a réussi un rassemblement similaire à Kidal, mais ses actes de profanation n’ont fort heureusement pu se conclure par une supplantation du drapeau national par celui de l’Azawad. À en croire nos sources, les dégâts dans la capitale de la 8ème Région ont été limités au prix d’un quadrillage sécuritaire très dissuasif, qui rappelle selon certains témoignages une véritable ambiance de couvre-feu dans la ville.

Toutefois, l’organisation sécessionniste, de même source, a promis de remettre ça dans les jours à venir à de réussir le défi symbolique de hisser ses couleurs un peu partout dans les différentes contrées septentrion, conformément aux objectifs qu’elle s’est fixé à l’issue des assises constitutives du 20 Avril dernier tenues à Tessalit sous la houlette de Cheick Haoussa et d’Ag Bahanga.

– Retour à la poudrière

Le malaise ainsi créé par ce regain de tension intervient dans un contexte de grogne et de grincements de dents de plus en plus prononcés du côté d’une jeunesse désabusée, désillusionnée et lasse d’attendre les monts et merveilles miroitées par les plus hautes autorités maliennes en termes d’emploi et d’opportunités de développement. Marche de protestation il y a deux semaines environ à Gao, interpellations communautaires périodiques sur l’effectivité du Programme Décennal de Développement du Nord, révoltes mijotées dans les rangs de la jeunesse touarègue, etc.

Toutes choses propres à apporter de l’eau au moulin de l’Alliance du 23 Mai pour la Démocratie et le Changement, qui a du reste plusieurs fois donné de la voix dans le sens de dénonciations tacites de manquements à l’Accord d’Alger. Ladite alliance se serait encore manifesté, la semaine dernière, à en croire des sources concordantes, à travers une lettre de protestation aux hautes autorités signée de son porte-parole, Ahmada Ag Bibi. C’est encore l’omerta au sujet du contenu de la missive, mais il semble que le Député élu à Abeïbara, représentant des rebelles au sein du Comité de Suivi dudit accord, point particulièrement du doigt le retard inadmissible accusé dans l’exécution de la panoplie de projets de développement attendus au lendemain de la rencontre tripartite d’Alger entre l’Alliance, les officiels maliens et les autorités algériennes.

En définitive, le septentrion malien replonge visiblement dans l’incertitude à un moment où tous les ingrédients sont réunis pour une dégénérescence, un autre embrasement susceptible de remettre en cause des  maigres acquis. De sources concordantes, en effet, les corollaires de la crise libyenne sont d’autant plus perceptibles qu’ils se traduisent déjà par la présence massive d’armements lourds introduits par une vague de combattants touaregs en débandade vers le Niger et le Mali. Les confidences parlent de dizaines de véhicules tout-terrain lourdement équipés ainsi que de centaines de combattants issus des rangs du Général Agali Kanna, un fidèle de Moammar Kadhafi qui rechigne à faire allégeance au CNT.

Toujours selon nos confidences, une première vague d’incursions des troupes du Général libyen avait déjà occasionné l’implantation de quatre (4) bases militaires que devait diriger Ag Bahanga finalement fauché par la mort lors d’un accident de la route. Outre le désordre pouvant découler des problèmes de leadership au sein de cette poudrière, les observateurs les plus avertis au sein de la communauté touarègue malienne craignent que les hostilités entre Agali Kanna et le CNT ne s’enlisent au point de contraindre l’intéressé à se rabattre sur le Mali et de venir grossir les rangs de la première vague avec 2000 autres hommes et plusieurs centaines de véhicules équipés d’armements lourds et sophistiqués.  Des efforts tant individuels et collectifs sont ainsi en train d’être déployés pour que l’Officier supérieur basé à Oubari (frontière entre la Libye et l’Algérie) s’accorde avec le CNT sur les modalités de sa réinsertion et de celle de sa suite dans la nouvelle armée libyenne.

Faute de quoi, le risque de transformation du Mali en poudrière est manifestement réel, si ce n’est déjà effectif.

Keïta

Aurore 15/09/2011