REDECOUPAGE TERRITORIAL DES REGIONS DU NORD

Une exigence exprimée par des associations comme gage d’un Mali stable

 Dans une lettre ouverte adressée au président de la Transition le 15 février 2021, les associations, fédérations et amis réunis au sein du Collectif «Songhay Chaawara Batoo» ont souhaité un redécoupage territorial plus juste et plus équitable des régions du nord.

Et cela d’autant plus que, ont-ils expliqué, «l’évolution historique, culturelle et démographique sur la même aire géographique a créé un brassage des populations au point de créer et d’entretenir un sentiment d’appartenance à une même nation» !

«Le Mali est une nation multiséculaire, riche de sa culture et de sa diversité».

Le rappel est du Collectif «Songhay Chaawara Batoo» dans sa lettre ouverte adressée au président de la Transition du Mali, M. Bah N’Daw, le 15 févier 2021.

Contrairement à l’idée un moment propagée à l’extérieur du pays par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et des lobbies qui le soutiennent pour tirer les dividendes de la partition de notre pays, le nord du Mali n’est pas habité que par des touaregs. Le septentrion est aussi le terroir des sonrhaïs, arabes, bellahs, peulhs, bozos, bambaras, soninkés, dogons, mossis….

Après les rebellions de 1968, 1990, 2006 et 2007, une crise multidimensionnelle sécuritaire et identitaire de plus forte ampleur met à mal l’indivisibilité de notre pays depuis 2012.

«L’intégrité du territoire national a été sérieusement menacée et l’est encore. La cohésion sociale et le vivre ensemble en ont pris un coup dur», déplore la coalition dans sa lettre ouverte.

Comme jamais auparavent, des communautés se regardent désormais en chiens de faïence, lorsque «certains individus» de ces communautés ne se sont pas «organisés en groupes armés pour se livrer à des attaques armées l’une contre l’autre».

Les populations sédentaires du nord, dans «toute leur diversité ethnique», ont payé le prix fort à ces rebellions et crises.

«Elles ont souvent donné de leur vie face aux menaces de tout genre (terrorisme, tueries de masse des populations, assassinats ciblés, chômage des jeunes, pillage des villages, écoles fermées sous la menace quasi permanente des djihadistes, des bandits armés)», rappelle la missive adressée au président Bah N’Daw.

Malheureusement comme lors des crises précédentes, a-t-elle déploré, la réponse de l’Etat malien consistant à «céder le territoire aux groupes armés qui le combattent», marginalise les communautés sédentaires de culture songhay.

Selon les différentes associations signataires de la lettre, l’Arrêté (N°2020_3388/MATD-SG du 31 décembre 2020 portant nomination des membres du Conseil Consultatif de la Zone de développement du Nord-ZODERN) est «l’épilogue de la fuite en avant dans lequel s’est engagé l’Etat».

 

Une majorité territoriale et politique pour une minorité ethnique

Pis, dans la situation actuelle du découpage territorial de la partie nord du pays et dans la perspective de la régionalisation poussée, «les populations sédentaires bien que majoritaires démographiquement, se retrouvent (contre toute logique) face à des mesures visant à fabriquer une majorité territoriale, administrative et politique pour une minorité ethnique».

Et c’est à cela qu’on assiste malheureusement avec la nomination des membres du Conseil Consultatif de la ZODERN par le gouvernement de la république du Mali…

«Nous assistons, depuis un certain temps, à une volonté d’accélération de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation… à travers une feuille de route actualisée des actions prioritaires par les autorités de la transition allant de décembre 2020 à août 2022…», déplore le Collectif «Songhay Chaawara Batoo».

La composition de la ZODERN en dit long sur «les vraies intentions des autorités» quant au découpage territorial des régions du nord : sur 26 conseillers, 05 seulement sont sédentaires de culture songhaï pourtant démographiquement largement majoritaire au sein de cet espace imposé.

En l’état, le collectif rappelle la mise en application de cette décision, comme d’ailleurs celle du découpage territorial de l’entité (la zone de développement des régions du nord) dans laquelle l’état les oblige à rester.

Collectif (associations, collectif, fédération et amis) «Songhay Chaawara Batoo», a informé le chef de l’Etat que bien qu’ignorées, ses composantes se sont battues pour faire des propositions de sortie de crise par leur participation active aux rencontres, réunions et conférences en tirant la sonnette d’alarme.

Mais, en vain. «L’exemple concret est la conférence d’entente nationale du 27 mars au 2 avril 2017 censée être le point d’orge de l’Accord et dont les conclusions ont abouti à une Charte pour la paix au Mali qui n’a jamais été mise en œuvre», souligne le collectif.

Ainsi, il dénonce les termes de l’accord qui portent des germes discriminatoires ; demande la révision du découpage territorial afin de le rendre juste et équitable et tenant compte des réalités socio linguistiques, démographiques et géographiques des régions du nord du Mali afin de préserver la cohésion sociale et le vivre ensemble. Par cette révision, le collectif demande la création des régions de Gao, Bamba ; Bourem ; Ansongo ; Koukiya et de Gabéro. Et l’actuelle région de Tombouctou doit être découpée entre les régions de Niafunké ; Goundam ; Tombouctou ; Gourma Rharous et de Diré.

Et «Songhay Chaawara Batoo» souhaite une concertation avec les populations concernées du nord afin de «redéfinir les limites des zones de développement pour les adapter».

Et, conformément aux recommandations du Dialogue national inclusif (DNI, tenu du 14 au 22 décembre 2019), il demande la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale pour prendre en compte sur le même pied d’égalité, les préoccupations de tous les Maliens, particulièrement celles des communautés vivant au nord. Et, enfin, le collectif demande aux autorités de la transition le recrutement des jeunes de Gao qui ont remis leurs armes aux forces armées maliennes à la suite de la libération de la ville.

Et ce n’est pas vraiment trop payer pour bâtir «un Mali stable et pacifié où toutes les communautés comptent» !

Hamady Tamba