Ramadan : La tradition du « Yokôro »


Sitôt le 10ème jour du mois de Ramadan sonné, une foule d’enfants (filles et garçons) surgit nuitamment de tous les coins et recoins des villes. Les garçons sont munis de bâtons ou de baguettes, de vieilles boites de tomate en guise d’instruments à percussion. Quant aux filles, elles ont à porté de main des calebasses et autres instruments ménagers pour battre la cadence. Ils se divisent en deux groupes : les filles appelées  « salawaléwalé » et les garçons appelés «  yokoros ».  La quintessence de ce vaste mouvement d’ensemble tient au fait qu’elle est héritée d’une longue et riche tradition. Pour la circonstance, ce sont toutes les contrées du pays et quartiers de la ville qui vibrent au rythme d’une pratique léguée par les ancêtres.    

Le patriarche Adama Bamba dit que tout vrai malien doit passer par ce rituel qui est comme initiatique dans notre tradition. Il permet d’apprendre le sens du partage de la solidarité et du respect des ainés depuis le bas âge. Il dit que certains liens d’amitié sont noués à partir de ce cercle d’amis jusqu’à la vieillesse. Mais il  se dit consterné par certains parents qui refusent de laisser leurs enfants faire ce rituel.  « Ca fait partie de la tradition et qu’on soit riche ou pauvre, analphabète ou intellectuel on doit laisser son enfant le faire car c’est de là qu’il saura réellement les valeurs sûres et réelles de la société malienne. »        

Ils sont regroupés soit par affinité parentale ou par groupes d’amis. Une fois la prière commune du soir terminée, une multitude d’enfants prennent d’assaut les rues. C’est la ruée dans les familles du voisinage. Drapés de haillons et de peinture de la tête au pied, au cours de leurs prestations musicales, ils accrochent leur auditoire en dansant de toutes leurs forces et en chantant à gorge déployée. Même la frayeur nocturne ne les inquiète pas généralement les spectateurs mettent la main à la poche ou offrent des céréales car ils résistent difficilement à la tentation de contribuer à l’effort déployé par ces bambins qui ne font qu’apporter leur pierre à la continuité d’une pratique ancestrale.

Mais avec l’évolution des pensées. Souvent les visiteurs se heurtent à la mauvaise humeur dans certaines familles, ce qui les pousse du coup à rebrousser chemin. Comme quoi, ils ne sont pas les bienvenus partout. Et parfois les ardeurs des enfants sont émoussées face à des gens qui méconnaissent cette tradition. L’argent récolté durant ces sorties nocturnes est gardé généralement par une personne âgée choisie par le groupe. Après la fête de ramadan, on cuisine un bon plat avec les céréales et l’argent récolté. Les enfants mangent une partie et le reste doit être jeté au fleuve à la déesse de l’eau pour qu’elle veille sur les enfants au cours de l’année à venir. Pour accomplir ce rituel, le plus âgés du groupe est choisi. Il devra jeter la nourriture à l’eau et courir sans se retourner jusqu’à la maison.

Adiaratou Sangaré

Le Républicain 09/08/2011