Présidentielle 2012 : Si Modibo Sidibé savait !

Nos investigations ne nous ont permis de voir aucun indicateur permettant de soutenir que les présidents ancien et actuel ont un candidat commun en la personne de Modibo Sidibé. Mais il faut reconnaitre que l’homme a servi presque de bout en bout successivement les deux présidents depuis l’avènement de la démocratie jusqu’à son départ de la primature le 30 mars 2011, en travaillant dans leurs différents cabinets, en exerçant des fonctions de ministre, de Secrétaire général de la présidence et de Premier ministre. De cette réalité s’est forgé un préjugé tenace faisant de Modibo Sidibé non pas le dauphin d’ATT, mais le candidat sur lequel ATT et AOK aurait fait l’unanimité. Faux, selon des sources proches de ces milieux.        

Il est peut-être encore tôt pour que les brouillards se dissipent autour d’une candidature qui suscite intérêts et commentaires les plus intangibles les uns que les autres. Le Président Amadou Toumani Touré a mis fin à la mission de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé au moment où des supputations faisaient de lui, tantôt le candidat de l’Adema à la prochaine présidentielle, tantôt le probable dauphin du Président ATT, ou encore un candidat indépendant à la conquête de la présidence. Sans que ces interrogations soient définitivement tranchées, la candidature de Modibo Sidibé continue d’alimenter les débats à Bamako. Des militants de l’ancien premier ministre se sont publiquement prononcés en faveur de sa candidature, et même une association dédiée à cette candidature est née. Il s’agit de Fasodenyuma. L’ancien Premier ministre a également des soutiens de taille dans l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma-Pasj) dont des membres du Comité exécutif ont pris position pour lui. Mais de là à affirmer que les abeilles lui tresseront une couronne de reine de la ruche, il n’y a qu’un pas. Modibo candidat de l’Adema n’est pas gagné d’avance, si l’on s’en tient à une récente déclaration du président de ce parti, Dioncounda Traoré, selon laquelle, ne sera candidat de l’Adema qu’un militant. Selon toute vraisemblance, après cette déclaration les militants Adema favorables à l’ancien Premier ministre auraient remué ciel et terre, et comme dans un geste du prestidigitateur, ont sorti une carte Adema des temps pour prouver que depuis l’aube de ce parti il y a milité. C’est donc à son corps défendant que Modibo Sidibé serait un candidat indépendant. Sinon il combattra d’abord Dioncounda Traoré et ne manquera pas d’alliés au CE de l’Adema pour ce faire. A la fin s’il n’est pas le porteur du drapeau rouge et blanc, c’est qu’il l’aura déchiré en emportant une pièce vers le regroupement des clubs et amis de Faso denyuma. Qu’il transforme ce mouvement associatif en parti politique ou qu’il se présente en indépendant, du fait de ne pas bénéficier d’un ratissage sous les couleurs de l’Adema risque d’être la faille qui fragilisera sa candidature. Dans un sens ou dans l’autre, la position des ancien et actuel présidents comptera.      

S’il part en indépendant, Modibo Sidibé n’ignore pas que les carottes lui sont cuites, car le fait partisan jouera comme un ciment pour fédérer les partis. C’est prévisible que des partis seront là pour soutenir l’ancien Premier ministre. Mais l’Adema (ou ce qu’il peut en rester) l’Urd, le Rpm, le Parena pourraient faire front pour barrer la route à un indépendant, si le regroupement en gestation les concernant faisait chemin.     

Les acteurs politiques, en tout cas ceux dont les actions ont conduit à la chute de la dictature en 1991, ne cachent plus leur détermination à ne plus permettre à un indépendant (comme ATT en 2002) d’accéder au pouvoir en 2012. Modibo Sidibé en 2012 est loin d’être comme ATT candidat indépendant en 2002. Rien que le capital tiré de la prise du pouvoir le 26 mars 1991, de la gestion politique de la transition, qui a permis de doter le pays d’une constitution et des institutions démocratiques distingue ATT de Modibo.   

Toutefois, à la différence d’ATT, si Modibo Sidibé décidait de créer un parti politique, il ne lui reste plus que dix petits mois pour l’implanter à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Quels que soient les moyens à sa disposition, il sera difficile à l’ancien Premier ministre de coupler l’installation d’un nouveau parti avec la préparation des élections. N’étant plus au pouvoir, pourra-t-il se prévaloir des mêmes avantages que les fondateurs du Parti pour le développement économique et social (Pdes), des ministres, des députés et des chefs d’institutions, sous le couvert du chef de l’Etat ? Usant du trafic d’influence, ils ont profité des moyens de l’Etat pour s’implanter à partir du sommet. Et l’on s’interroge sur la solidité et la longévité d’une telle construction, du sommet à la base. Modibo Sidibé est à la croisée des chemins.    

Comme Ibk en 2000, Modibo Sidibé, après la primature n’a guère de bénéfice politique sur les conditions de son départ. Ibrahim Boubacar Kéïta avait été doublement victime de son départ de la primature et à la tête de l’Adema, le parti qu’il présidait depuis plus d’une demi-décennie. La « Démodibisation » (un mot emprunté dans le lexique d’Adam Thiam) à travers les révocations en cascade de Daf et de Directeurs généraux, supposés être des ’’Modibistes’’ n’y contribueront en rien de faire de l’ancien PM une victime au point d’en récolter des bénéfices politiques.       

A suivre

 

Le Républicain 08/06/2011