Nucléaire iranien: l’ultime bras de fer ?

Les 5+1 et l’Iran disposent de moins d’une semaine pour trouver un accord sur le nucléaire iranien. La date butoir fixée au 24 novembre approche à grands pas et pourtant plusieurs difficultés restent toujours insurmontables. Il s’agit notamment des centrifugeuses dont dispose la République islamique ainsi que son uranium enrichi, c’est-à-dire celui qui pourrait servir à fabriquer une arme atomique.

La solution à ce problème est imaginée par les Etats-Unis. Le 5 novembre, le président Barack Obama a déclaré que les contours d’un accord avaient été proposés aux Iraniens. « Nous leur avons présenté une solution qui pourrait leur permettre de répondre à leurs besoins pacifiques en matière d’énergie », a-t-il affirmé. Dans les faits, la proposition américaine prévoit le transfert en Russie de l’uranium iranien déjà enrichi. En contrepartie Téhéran aurait le droit de garder un nombre non négligeable de ses centrifugeuses.

Ce n’est là qu’une hypothèse mais elle est accréditée par les récents déplacements de John Kerry. Ces derniers jours le secrétaire d’Etat américain a fait le tour de ses alliés. Il s’est rendu à Pékin, Moscou, mais aussi à Paris il y a une dizaine de jours. En France, John Kerry semble avoir obtenu l’appui de son homologue français, à un tel projet. « La France et les Etats-Unis coopèrent actuellement comme jamais auparavant. Nous avons parlé de l’approche que chacun a concernant les négociations sur l’Iran et je suis d’accord avec Laurent Fabius », s’est félicité le secrétaire d’Etat américain. « La raison principale de ce rendez-vous a été de s’assurer que Laurent Fabius ne renouvellerait pas son esclandre du 9 novembre 2013 en Suisse, lorsqu’il s’était rendu à Genève et avait publiquement qualifié de marché de dupes le projet d’accord négocié entre Américains et Iraniens qui venait d’être découvert par les autres membres du 5 + 1 », écrit François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran. « Cette fois-ci, poursuit-il, Kerry ne prend aucun risque et tient soigneusement au courant son homologue français des derniers développements de la négociation entre l’Iran et l’Amérique.»

Uranium enrichi contre centrifugeuses

C’est le journal américain, New York Times, qui révèle les grandes lignes de ce projet d’accord proposé aux Iraniens par Washington. Téhéran aurait accepté de transférer son uranium vers la Russie où il serait transformé en combustible avant d’être renvoyé vers l’Iran pour alimenter la centrale civile de Bouchehr. Mais la question des centrifugeuses semble beaucoup plus compliquée. L’Iran dispose de dix-neuf mille centrifugeuses. Initialement, les Occidentaux réclamaient une réduction à mille cinq cents unités. Mais désormais avec le compromis proposé la marge de négociation se situerait entre quatre mille et neuf mille centrifugeuses.

A Téhéran, le président Hassan Rohani se retrouve dans une situation inconfortable et pourrait ne pas accepter de renoncer à autant de centrifugeuses ne serait-ce que pour sauver la face devant son opinion publique. En Iran tout le monde suit de près ces négociations et le camp conservateur comme les plus modérés guettent le moindre faux pas du gouvernement. « Les Occidentaux veulent réduire le nombre de nos centrifugeuses à quatre mille. Ce ne serait pas bien pour notre pays. Nous avons besoin de plus de centrifugeuses pour la recherche et pour soigner les cancéreux », explique Bourma, un étudiant iranien rencontré à Téhéran par RFI. « Nous en avons dix-neuf mille aujourd’hui et ils veulent que l’on descende à quatre mille, on pourrait trouver un compromis aux alentours de douze mille mais certainement pas quatre mille, c’est trop peu », s’indigne le jeune homme.

Le 24 novembre, trois scénarios

A l’issue de cette semaine de négociations, trois scénarios sont envisageables :

Le premier serait de conclure un accord politique. Il permettrait, après quelques mois, de lever définitivement les sanctions qui étouffent l’économie iranienne. Pour y parvenir l’Iran devra notamment réduire ses capacités d’enrichissement mais aussi faire la lumière sur les activités passées et donc coopérer pleinement avec l’Agence internationale de l’Energie Atomique (AIEA), dont le rapport de novembre montre qu’il reste des zones d’ombre.

Le deuxième scénario serait de prolonger les négociations de quelques mois et donc sortir du cadre de l’accord intérimaire de Genève conclu en novembre 2013. Sur le papier, cet accord prévoit deux sessions de négociations de six mois, entre l’Iran et les 5+1, et donc la date butoir du 24 novembre prochain ne serait plus respectée.

La troisième possibilité, enfin, serait de ne pas signer d’accord et dans ce cas là le pire est à craindre selon Thierry Coville chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). « Le dossier nucléaire n’est qu’un des dossiers sur lequel l’Iran et les Etats-Unis pourraient coopérer. S’il n’est pas réglé il peut y avoir des répercussions sur tout le Moyen-Orient et notamment la coopération contre Daesh [Organisation Etat Islamique, NDLR]– ou une participation plus active de l’Iran au règlement de la crise en Syrie », analyse ce spécialiste. Mais au-delà de ce scénario catastrophe le chercheur Thierry Coville se dit très optimiste concernant l’issue de ces pourparlers. « Même si personne ne peut aujourd’hui prédire la fin de ces discussions, nous pouvons affirmer que nous n’avons jamais été aussi proches d’un accord », conclut le chercheur.

RFI