Mot de la semaine : Transition 

Après avoir parachevé le combat mené pendant de longs mois par le Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces patriotiques, M5 RFP, la junte militaire conduite par le Colonel Assimi Goita semble être dans des calculs absurdes. Ecoutant plusieurs sons de cloche, elle risque de s’embourber dans des schémas à la fois utopiques, irréalistes voir dangereux pour la stabilité du Mali. Le Colonel Goita et ses frères d’armes doivent comprendre que tout schéma de gestion de la transition  élaboré en dehors du M5 RFP est tout simplement voué à l’échec. En effet, les informations qui nous parviennent en provenance de de Kati font état d’une velléité de la junte à diriger la transition, en tout cas tel semble être la proposition  faite par certaines délégations reçues par le CNSP.

A force d’écouter ceux qui ont contribué à la déliquescence de l’Etat et dont le souhait est de voir  échouer  la transition, la junte risque de passer à côté de l’objectif, celui de jeter les bases d’un nouveau Mali. Par ses tergiversations, son imprudence et ses ambitions démesurées  la junte militaire  est en passe de  prolonger  la souffrance du peuple malien, alors même qu’elle a la clef pour  résoudre la question de la transition en prenant langue avec  le M5 RFP.

Si tant est qu’Assimi Goita et ses frères d’armes ont obtenu la démission du Président de la République pour non seulement sortir du blocage dans lequel le Mali se trouvait pendant des mois, mais aussi et surtout pour  éviter un autre bain de sang, après celui des 10, 11 et 12 juillet 2020. Alors ceux qui ont été à la base de ce bain de sang  et ceux qui ont pillé les deniers publics ne doivent plus être associés à la gestion de la Transition, mais ils doivent plutôt répondre de leurs actes devant la justice. En attendant que les conditions  soient réunies pour traduire devant les tribunaux  tous ceux qui ont transformé les deniers publics en patrimoine familial ou clanique, tous ceux qui ont tiré ou donné l’ordre de tirer  à balles réelles sur les manifestants,   le CNSP doit songer à mettre en place les organes de la transition de concert avec le M5 RFP.

Que le Colonel Assimi Goita ne se trompe de combat, ni d’adversaire, son allié principal est sans nul doute le M5 RFP qui a la légitimité populaire, et sur lequel il peut compter pour contrer toute velléité de la communauté internationale à prendre des  sanctions contre le Mali. Le M5 RFP est la couche protectrice de la junte contre toute tentative de déstabilisation et de sabotage, car ce mouvement regorge des cadres compétents et d’hommes politiques expérimentés.

Ainsi pour mener à bien la transition, le CNSP et le M5 RFP doivent accorder leurs violons afin de constituer l’ossature de l’équipe qui doit diriger le pays pendant  cette période intérimaire. Les deux mouvements pourraient s’accorder sur la répartition des rôles dans les instances dirigeantes de la transition. Pour ce faire ils doivent  nommer un homme consensuel qui ne serait pas issu d’aucun des deux mouvements, mais qui jouit d’une bonne  intégrité morale et physique. Ensuite le CNSP et le M5 RFP pourraient convenir du choix d’un premier ministre, lui aussi consensuel, pour conduire l’équipe gouvernementale. C’est seulement après le choix des personnalités pour les deux postes clés, à savoir le Président de la Transition et le Premier ministre, que les deux mouvements pourraient associer les autres forces vives de la nation. Dans ce second cercle l’ex majorité, la société civile, les leaders religieux pourraient être associés pour la composition des organes de la transition comme le gouvernement et certainement la Constituante qui ferait office de l’Assemblée Nationale.

En somme, il ne faut surtout pas que les militaires cèdent au tintamarre des opportunistes et autres chercheurs de place qui leur proposent  de s’assumer et de diriger  la Transition ou tout au moins d’occuper sa Présidence, ce qui serait dangereux et synonyme de  sanction de la communauté internationale, à commencer par la CEDEAO.

Youssouf Sissoko