Lutte contre la corruption: L’ignoble croisade du Gouvernement contre le Végal

 

Pour les Maliens déjà estomaqués par l’ampleur de la corruption dans notre pays, la croisade que le gouvernement et ses sbires sont en train de mener contre le Végal est tout simplement ignoble. Mais l’affaire révèle surtout la vraie nature du régime d’ATT. Le président de la République a montré son incapacité à conduire une démocratie vertueuse, laissant la voie libre aux spéculateurs et escrocs de tous genres faire main basse sur tout ce qui rapporte de l’argent. Les classements que font les institutions internationales comme Transparency international indiquent bien le pourrissement de l’Etat du Mali à cause justement du développement ininterrompu de la délinquance financière qui fait le bonheur de quelques privilégiés du régime. Comportement qui ne trompe pas, au cours de leur nauséabonde conférence de presse, les ministres croisés ont passé plus de temps à ergoter sur la pertinence de la notion de « Manque à gagner » astucieusement répertoriée dans les rapports du Végal. Ils sueront à expliquer que le terme n’existe pas dans les normes de vérification financière de l’INTOSAI (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques) qui est la référence internationale en matière de contrôle, d’audit et de vérification des services publics.

Et que, conséquemment, son utilisation est source de nombreuses confusions, car de l’analyse des constats et des montants incriminés dans les rapports du Végal, il apparaît, selon nos avocats du diable, que le terme « manque à gagner » se rapporte effectivement à des situations assez diverses et variées bien éloignées de ce que pourrait comprendre le grand public. Voilà donc les conspirés égrener sans sourciller un chapelet d’exemples perfidement choisis pour démontrer que depuis qu’il a pris fonction, Sidi Sosso Diarra a toujours eu tout faux. On les a vu se gargariser comme de grands enfants trompant la lucidité de leur grand-mère. Mais le peuple malien n’est pas une mamy inattentive. Il a de la mémoire et du jugement. Il sait que tout cela procède d’un sens étatique dévoyé qui ne peut se soucier d’aucune morale.

Il a compris que les tenants du pouvoir se sentent désormais trop puissants pour narguer quiconque gêne leurs facilités d’enrichissement illicite. Il n’ignore pas que c’est là un signe évident de radicalisation des mauvaises mœurs parce que le président de la République et son clan ont désormais la certitude qu’au Mali ils sont en territoire conquis et qu’ils ont le dos suffisamment rond pour agir comme bon leur semble. C’est la triste réalité.

Attitude amorale

L’erreur du pouvoir dans l’affaire, c’est de croire que le peuple malien est en train de gober aussi naïvement qu’il le pense le lobbying international qui arrive partout à lui tisser des couronnes d’or sur la tête. Non, par l’inepte conférence de presse tenue au nom du gouvernement et par ses représentants, il y a comme un renforcement des nœuds de rancoeurs d’un peuple meurtri, volé régulièrement et pilé.

Le simple bon sens aurait permis à Lassine Bouaré de ne pas focaliser sa malheureuse démonstration sur la notion « manque à gagner » comme si celle-ci constituait une torpille à couler le navire du Bureau du Végal. Une inutile guerre sémantique tirant sa racine d’on ne sait quel bréviaire de contrôle et d’audit. En plus, il y a dans la tentative gouvernementale de dénigrer Sidi Sosso Diarra une attitude amorale. En effet, c’est alors que l’homme est à deux mois  de la fin de son mandat que l’on a choisi de crier haro sur le baudet. De quoi révolter les âmes nobles. De quoi aussi alerter tout le monde que le prochain Végal se doit d’être un homme de paille, un vulgaire petit accompagnateur des mafieux sur les crapuleries desquels l’œil mal inspiré sera tout simplement crevé. De quoi, enfin, décréter l’Etat voyou.

Il faut rappeler que pour instituer le Vérificateur général, Amadou Toumani Touré  a enfilé la toge du Messie réformateur des tortuosités dans la République. Il avait même brandi l’arme de la dissolution de l’Assemblée nationale si à l’époque les députés venaient à s’opposer à l’institutionnalisation du Végal. En tout cas, les rumeurs les plus fantaisistes avaient en son temps couru dans ce sens et des personnages que l’on croyait stipendiés pour la cause avaient pu remettre à l’esprit des députés l’article 42 de la constitution qui donne effectivement au chef de l’Etat le droit de dissolution du parlement. ATT s’est même fait fort par moment de rappeler que c’est bien lui qui a eu l’idée du Végal, comme pour signifier qu’il en est le garant. Mais l’angélisme qui a prévalu au départ a vite fait place nette au démon. La raison nous avait été donnée en juin 2008 par un de nos contributeurs, Moulaye Al- Hassan Charif Haïdara, économiste domicilié à Kalabancoro Plateau et que nous avions alors publiée sous le titre : « Haro sur le Végal. » Extraits :

Etat voyou

« …la mise en place d’un Bureau indépendant dit de Vérificateur général, institution empruntée sans doute au lointain Canada, m’est apparue comme une solution sinon imparable, du moins efficace, contre le fléau de la corruption de plus en plus gangrenant dans notre pays. Pour la première fois, le Mali et les Maliens pouvaient espérer sur une traque résolue contre les malfrats et tous les délinquants à col blanc dont les agissements font saigner nos finances publiques et sapent les fondements mêmes de notre économie. De ce point de vue, ATT méritait notre considération et notre bénédiction. Dès le début de son premier mandat, il avait été, en effet, à la base d’initiatives heureuses, voire hardies contre le mal de la corruption. Comptons : l’installation des pôles économiques et financiers institués auprès des tribunaux de première instance de Kayes, de la commune III du district de Bamako et de Mopti qui, en plus, ont bénéficié d’un renforcement sans précédent en moyens humains et budgétaires dans toutes les strctures de contrôle de l’administration.

Le summum a été la création d’un Bureau du Vérificateur général désormais connu chez nous sous le diminutif de Végal. Mais…cette dernière institution, me semble-t-il, ne sera qu’une fleur, c’est-à-dire juste bonne pour embellir une saison : celle du premier mandat d’Amadou Toumani Touré. Car, à l’évidence, le Bureau du Vérificateur général gêne aujourd’hui au plus haut niveau. Je ne suis pas sûr que ce soit tant l’institution qui pose problème dans son existence et dans ses méthodes. C’est plutôt, selon moi, la personne de Monsieur  Sidi Sosso Diarra qui pose des problèmes aux plus hautes autorités de notre pays, à commencer par le chef de l’Etat lui-même, Amadou Toumani Touré. A-t-on besoin de loupe pour le voir… ? Assurément, non.

Amadou Toumani Touré semble aujourd’hui donner l’impression qu’il s’est trompé de personne pour incarner le Végal dans notre pays. Il aurait certainement souhaité un Végal manipulable à souhait, grand couvreur de toutes les bêtises en cours, grand complice des enrichissements personnels illicites, gabegies financières, concussions de tous genres. Malheureusement pour lui, Sidi Sosso Diarra est un professionnel aguerri, rigoureux dans la démarche, cohérent dans la rédaction des rapports et qui a le souci de la transparence. Toutes choses qui l’ont poussé à donner un large écho aux résultats  de ses premières investigations, via la presse nationale et internationale et l’Internet. Cette démarche, plutôt intellectuelle et moralement recommandable, lui vaut aujourd’hui des misères…ma petite réflexion n’est dirigée contre personne, mais… veut attirer l’attention sur l’attitude des croisés contre Sidi Sosso Diarra.

Le seul tord de ce dernier, à mon avis, est d’avoir mis à jour, rien qu’en contrôlant une vingtaine de structures d’Etat, un gouffre financier de près de 103 milliards de francs Cfa, véritable manque à gagner pour le Mali entier et qui ne constitue pas moins de 75% du budget d’investissement de toute l’administration nationale. En agissant ainsi, Monsieur Diarra a démasqué les vrais prédateurs de notre économie et fossoyeurs de la République.

Tout le monde les connaît aujourd’hui. Au lieu d’aller en prison, ce sont les mêmes personnes qui continuent à marauder en rond et à rudoyer le peuple. Le Mali est désormais le pays où les prophètes des dégâts sont célébrés en lieu et place des gens honnêtes. C’est cela le grand drame de notre pays.

On se souvient que le dimanche 4 mai 2008, un ministre de la République, en l’occurrence hamed Diané Séméga, a publiquement décrié le Végal au Cicb. On se souvient également que ce ministre avait été fortement épinglé un an auparavant par le rapport du Végal. Le 8 juin, au Palais de Koulouba, une question de journaliste jetant l’opprobre sur le Vérificateur général  a suscité, contre toute attente, un commentaire rusé du chef de l’Etat. Celui-ci, pour toute réponse, osa simplement dire : « La lutte contre la corruption n’est pas une soirée de gala. » Raison pour laquelle, contre la corruption, il faut aller en guerrier intrépide.

ATT et ses gars ne sont certainement pas de cet avis. Comme ils ne peuvent démettre Sidi Sosso Dairra installé pour 7 ans, ils mettront alors tout en œuvre pour dénigrer tout le travail qu’il a déjà abattu, pour déprécier à l’avance les investigations qu’il aura à conduire. Ils le harcèleront dans sa vie de tous les jours, au plan professionnel comme au plan humain, pour le décourager, l’énerver au besoin et le pousser à la démission. Alors, un homme de paille sera appelé à sa place, qui ne sera pas du tout regardant sur la morale. Les croisés s’en mettront alors pleines les poches les richesses que la nature est en train de servir à notre pays.

A Monsieur Sidi Sosso Diarra, je voudrais dire courage, non pas pour lui-même, mais pour la patrie…Vous devez continuer à les démasquer, et cela jusqu’à la fin du mandat d’ATT. Les Maliens savent que les 25 milliards de récupérés dont a récemment parlé le ministre de la justice, Maharafa Traoré, l’ont été grâce au rapport dénigré du Végal. Aux maliens de rester vigilants. »

La rédaction

Le National 14/02/2011