Plus de 70 % des jeunes maliens «boivent» de l’alcool, dont 25 % sont des
filles. La consommation de la drogue est dans la même proportion, selon le
Médecin-colonel Ismaïla Macalou, secrétaire permanent de la Mission
interministérielle de coordination de la lutte contre la drogue (MILD). Mais,
nous sommes malheureusement tentés de dire qu’il est loin du compte par
rapport à ces statistiques, surtout concernant les filles qui rivalisent aujourd’hui
avec les garçons en termes de consommation d’alcool et de drogues.
«Pour beaucoup de filles, un garçon qui ne boit pas ou qui ne se shoote pas
n’est pas un homme. Elles tiennent la dragée haute à leurs copains», nous
confiait récemment un sociologue qui a fait une enquête dans les
discothèques et d’autres lieux de loisir de la capitale et de certaines régions
sur les fléaux de la drogue et de l’alcool. Ce serait une lapalissade que dire
que la consommation des drogues prend de plus en plus de l’ampleur en
Afrique, notamment au Mali, où les jeunes sont actuellement les plus touchés.
Maintenant que nous savons que la drogue est en train détruire notre
jeunesse, que devons-nous faire en dehors de la répression du trafic ? Agir !
Comment ? En suscite la prise de conscience par l’information et la
sensibilisation en évitant la stigmatisation. Informer et sensibiliser est très
important dans la mesure où ils sont nombreux ces ados qui commencent à
snifer de la drogue juste pour frimer. Ils sont loin de connaître toutes les
conséquences sociosanitaires de cet acte. Et quand, ils les découvrent, il est
malheureusement trop tard dans la plupart des cas. «La drogue ce n’est pas
une bonne chose, ça détruit. J’aimerais dire à mes amis d’éviter cela, car la
drogue détruit et ça met en retard. Aujourd’hui, je suis une épave humaine
qui a noyé en même temps ses soucis et ses rêves dans la drogue. Il ne me
reste aujourd’hui que des regrets», nous a confessé un jeune drogué
rencontré dans un quartier du centre de Bamako pendant une enquête sur les
stupéfiants et la délinquance juvénile.
Pour être utile à ces ados et jeunes, nous devons savoir quoi leur dire,
connaître les effets et les conséquences de la consommation des drogues…
Comment savoir que son enfant se drogue afin d’agir avant le stade
d’addiction ? «Généralement, les jeunes qui consomment régulièrement du
cannabis ont souvent des résultats scolaires plus faibles. L’usage de cannabis
peut également précipiter la survenue de troubles psychiatriques (anxieux,
dépressifs, syndromes psychotiques)», nous prévenait notre sociologue.
Pour les spécialistes, les causes de cette addiction aux produits prohibés et
sévèrement punis sont multiples avec des conséquences désastreuses. On
peut ainsi citer la dépendance, les surdoses, les accidents, les dommages
physiques et psychologiques et, parfois, un décès prématuré. Pourquoi les
adolescents sont-ils plus vulnérables aux drogues ? «Le cerveau adolescent
présente la particularité d’être dans un état unique de transition et de
remodelage qui le rend plus vulnérable aux effets neurotoxiques des
substances et à l’apparition de maladies mentales», répond un spécialiste.
Ainsi, l’alcool et les drogues (y compris le cannabis, les drogues illégales et les
médicaments sur ordonnance…) peuvent être dangereux, surtout pour le
cerveau en développement d’un adolescent. «Parlez avec votre adolescent
des drogues et de l’alcool régulièrement avant qu’il y ait un besoin urgent»,
conseille l’expert. Cela est d’autant important que l’ado peut avoir besoin
d’informations pour faire des choix éclairés dans sa vie. Il peut ainsi entendre
des informations erronées de la part de ses amis, des médias ou d’autres
sources qui lui font penser que «tout le monde consomme des drogues ou de
l’alcool». Ce qui n’est pas vrai…
Nous savons aussi que de nombreux adolescents consomment des drogues
ou de l’alcool pour essayer de s’intégrer aux autres. Certains d’entre eux sont
curieux et recherchent souvent de nouvelles expériences, notamment celles
qui semblent risquées ou excitantes. D’autres pensent que les drogues ou
l’alcool peuvent améliorer leur concentration, leur apparence physique ou leur
forme ou d’autres aspects de leur vie. «Des filles m’ont dit que le vin améliore
le teint de la peau», nous a raconté notre sociologue. Les drogues et l’alcool
sont attrayants aux yeux de cette couche parce qu’ils peuvent produire des
sentiments comme l’euphorie, le plaisir ou la relaxation.
Comment prévenir la consommation de la drogue chez nos enfants ?
Pour de nombreux spécialistes, l’adolescent ou le jeune qui commence par
consommer de la drogue est souvent dans le déni et aussi souvent sur la
défensive. Il développe des comportements de cleptomanie et de
mythomanie ; il devient très exigeant, car il se définit comme quelqu’un qui n’a
que des droits et pas de devoirs. L’amaigrissement dû à la malnutrition, une
chute rapide des résultats scolaires, la nervosité (bagarreur) dans son
environnement, le manque de soin dans son style vestimentaire… sont aussi
des signes distinctifs qui doit pousser les parents ou des proches à ouvrir les
yeux sur l’ado ou le jeune qui, en ce moment, porte généralement sur lui des
objets comme un briquet, des feuilles…
Les experts militent pour la mise en place d’un système qui permet d’informer
la jeunesse, la création de centres de prise en charge qu’il faut ensuite doter
de moyens, la formation du personnel à mettre à la disposition de ces
centres… Les parents ont aussi un rôle important à jouer dans cette
prévention. En effet, comme disait un expert ivoirien, «les parents doivent être
très présents dans la vie de leurs enfants». Pour mieux les aider à ne pas
sombrer dans l’enfer de la drogue, il faut surtout éviter de les «culpabiliser»,
de les «stigmatiser». Au contraire, il faut «les écouter» et surtout être «les
premiers à leur parler de la drogue».
Pour éviter le piège de la drogue à l’adolescence, il faut peser sur l’entourage
et le milieu de vie, être conscient de l’importance de l’encadrement, surveillez
les fréquentations de l’enfant, instaurer un climat de confiance, être toujours à
son écoute et l’encourager à développer ses passions.
Moussa Bolly
diasporactiona.fr