Leçon de géopolitique

L’offensive diplomatique marocaine aura eu raison des fortes réserves émises par l’Algérie, l’Afrique du Sud, la République Arabe Sahraoui Démocratique (RSAD) et l’Angola contre la réintégration du Maroc dans l’Union Africaine. Le lundi 30 janvier 2017 marque alors le grand retour du Royaume chérifien au sein de sa « famille » qui devient, ainsi, le 55ème membre de l’organisation panafricaine. C’est le fruit d’un travail de longue haleine ficelé par le Maroc, mais aussi à la suite d’âpres discussions entre les Chefs d’Etats africains et les diplomates marocains. Pour autant, la profonde mésentente sur le dossier sahraoui n’est toujours pas un dossier classé. Pour rappel, en 1984, c’est la reconnaissance par l’Organisation de l’Unité Africain de la République Arabe Sahraoui Démocratique (RASD) qui mit le feu aux poudres et qui déclencha la disette diplomatique entre le Royaume du Maroc et l’organisation panafricaine.

La disette diplomatique du Royaume chérifien avec l’UA était bel et bien réelle. Mais, elle contrastait considérablement avec « la razzia économique »du Maroc en direction des pays d’Afrique subsaharienne dans des secteurs aussi variés que les télécommunications, les banques et autres. Une très forte présence économique et diplomatique qui auront pesé dans la balance lors des négociations pour ou contre la réintégration du Maroc. Selon des sources diplomatiques, relayées par des agences de presse internationales, les pays d’Afrique de l’Ouest et du centre, surtout francophones, étaient largement favorables à ce retour du Maroc. Par contre, ceux d’Afrique australe, surtout anglophones et lusophones semblaient plutôt réticents. Au nombre des réticents, en tête l’Afrique du Sud et l’Angola, farouchement anti colonialistes et favorables à l’autodétermination des peuples. Quant à l’Algérie, soutien traditionnel de la RASD, qui veut que sa position soit justifiée sous le même angle, doit son opposition à sa grande rivalité fratricide et quelque peu hégémonique avec le Maroc. De longue date, des rivalités subsistent entre ces deux pays maghrébins, voisins et « frères ». Et les positions de l’un sont toujours aux antipodes de l’autre.

Le nouveau président en exercice de l’UA, le guinée Alpha Condé, président du pays de l’un des plus grands fondateurs de l’OUA et de son premier secrétaire général Diallo Telly, aura lui-aussi, d’une certaine manière, contribué à la victoire du Maroc. En voulant, coûte que coûte un consensus à l’issue des négociations, il aurait exigé de l’Algérie et de l’Afrique du Sud de se positionner clairement pour ou contre la réintégration du Maroc. Ces derniers proposaient « un comité pour accompagner l’entrée du Maroc et veiller au respect des principes de l’UA ». Seulement voilà, le Maroc aura assez bien réussi son coup. Un coup qu’il mijotait depuis maintenant plus d’une décennie.

Après le consensus, le temps des inquiétudes à l’UA
Le Maroc est de retour, mais sa position quant à la RASD n’a point changé. Le Royaume considère depuis toujours que la République sahraouie est marocaine et qu’elle constitue ses « provinces du sud ». 80% de son territoire est toujours sous contrôle marocain et le trône refuse toujours de reconnaitre la RASD. Selon des indiscrétions, le Maroc aurait essayé dans un premier temps de faire exclure la République Sahraouie de l’UA, mais en vain. C’est alors qu’il opta pour une autre stratégie, celle de l’ «entrisme» : réintégrer l’UA sans imposer aucune condition quant au retrait de la RASD. Mais, cela ne veut pas forcément dire qu’il y a renoncé. Tout cela augure de lendemains tumultueux au sein de la grande famille africaine qui devra gérer les considérations géopolitiques des uns et idéologiques des autres.
Ahmed M. Thiam
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