Le coup de force du 22 mars vu par les Maliens

Elle ne maitrisait rien. C’est une situation déplorable. Mais un coup d’Etat n’est pas bon pour une démocratie. Je demande donc aux militaires de considérer l’intérêt de la nation. Cela revient à réunir tous les fils de ce pays, épris de justice, de façon consensuelle, mais pas les opportunistes qui s’agitent et qui veulent créer un autre foyer de tension à Bamako, car ce sont les mêmes personnes qui ont induit le défunt régime en erreur. Il faut la mise en place d’un gouvernement de transition, pour l’organisation, dans les meilleurs délais, d’élections libres, crédibles et transparentes. J’invite aussi la population à la vigilance et à éviter les manifestations dont elle ne sait pas les vraies raisons.

Moussa Diakité, chauffeur de taxi à Yirimadio:«ATT a longtemps constitué une menace pour le Mali»

Nous, nous sommes des chauffeurs, mais j’écoute beaucoup la radio. Je n’en sais pas trop. Mais, je pense qu’Amadou Toumani Touré méritait ce coup d’Etat. Il a longtemps constitué une menace pour notre pays. Le Mali n’était plus gouverné. Ce que je ne comprends pas, c’est les agitations de certains responsables politiques, qui tentent de nous amener dans une autre crise. Nous ne voulons pas un autre conflit à Bamako. Nous voulons la paix. S’ils ont peur de rendre compte au peuple, qu’ils nous le disent. Sinon, ce que j’ai appris sur les antennes, c’est que ces gens veulent juger les anciens dignitaires du régime d’ATT. Chose qui est tout à fait normale. Pourquoi avoir peur si l’on ne se reproche pas quelque chose. Je demande à tous les compatriotes de prier pour le retour de la paix sur toute l’étendue du territoire. Je demande aux militaires de ne pas se laisser divertir par des responsables véreux.

Victor Keïta, Officier de police en retraite«Le pays était déjà miné par la corruption…»

Quand on veut faire des omelettes, il faut forcément casser les œufs. Tout un chacun sait que les carottes étaient déjà cuites. On s’attend maintenant à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, avec des démocrates sincères. Le pays était déjà miné par la corruption, le népotisme, la crise scolaire, la crise sociale et la mal gouvernance. Peut-être que le président était mal conseillé, ou bien on ne lui disait pas la vérité. Une intervention militaire pour déloger le CNRDRE ne résoudra pas le problème. D’ailleurs, pourquoi seulement au Mali? Il y a eu des coups d’Etat au Niger, en Mauritanie, on n’a jamais parlé d’intervention militaire. Mais avant le coup d’Etat il y a eu des attaques contre un pays souverain. Des prisonniers de guerre abattus froidement avec une balle dans la tête pour les uns et égorgés pour les autres. Ni la France, ni la CEDEAO, ni l’Union Africaine ni l’ONU n’ont condamné cet acte considéré comme un crime de guerre.

Soumana Traoré, technicien en plaques solaires«Je suis content du coup de force libérateur»

Je suis tellement content de ce coup de force, qui a libéré le Mali des mains d’autorités corrompues et incompétentes. Le problème du Nord avait beaucoup sapé le moral de notre armée et, en même temps, entamé la confiance que les populations avaient en elle. Il  nous donne l’occasion de restaurer notre dignité. En ce qui concerne la déclaration de la CDEAO, il n’y a pas de guerre civile au Mali. On est victime d’une agression des bandits armés. Point n’est donc question de parler d’une intervention armée.

Mme Niamey Diawara, restauratrice à Faladié«Que les hommes politiques accompagnent le CNRDRE»

Je remercie Dieu et son Prophète. Si vraiment le Comité National de Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat veut récupérer la partie nord du pays occupé, que Dieu l’accompagne sur ce bon chemin. Mon souhait le plus ardent est que les hommes politiques accompagnent le CNRDRE. Une intervention militaire n’est pas la bienvenue au Mali.

Abdoulaye Koné, syndicaliste«Faisons attention à la vieille garde»

Je crois que la souffrance dont le peuple malien était victime était connue en fait de tout le monde. A mon avis, c’est une situation entretenue par des Maliens. Si les mêmes Maliens décident aujourd’hui de changer, je crois qu’on peut saluer ce mouvement. Même si, en tant que démocrate, on doit le condamner fermement. C’est un recul pour la démocratie malienne. Mais, comme on le dit, à défaut de la maman, on se contente de la grand-mère. Si la démocratie, à la longue, faisait régner l’enfer sur le peuple malien, nous disons que si un coup d’état peut apporter un changement dans le sens du soulagement du peuple malien, nous pouvons l’accepter. Il revient aux Maliens, aux démocrates maliens, de se retrouver très rapidement pour forger une vie constitutionnelle. Cela est très important. Les partis politiques, les organisations de la société civile, chacun est en train, de façon divergente, de se préparer. Mais j’ai comme l’impression que ce sont les intérêts personnels qui sont la raison du cafouillage que nous connaissons aujourd’hui. Alors, ces intérêts personnels risquent de refaire surface. Je voudrais inviter les Maliens et le CNRDRE à la vigilance. Il faut chercher à composer avec les gens qui ont le souci du développement de ce pays. Des gens qui sont nuit et jour interpellés par le développement de ce pays. Mais faisons attention à la vieille garde, si je peux me permettre l’expression. Elle est très intelligente, très stratège. A à tout moment, elle essaie d’exploiter toutes les opportunités en sa faveur. Je crois que c’est un changement générationnel qui se prépare. La jeunesse malienne ne doit pas continuer à manger dans la main des gens. Il faut qu’elle apporte à la nation malienne sa contribution.

Issa Dembélé, Etudiant à l’ENSUP«ATT avait relégué l’éducation au second rang»

D’un côté, ça ne nous arrange pas, parce que ça va nous mettre en retard. Dans un mois, précisément, le 29 avril prochain, il allait y avoir une élection présidentielle. Mais je salue ce coup de force, parce qu’Amadou Toumani Touré n’avait pas fait de l’école une priorité. Sous son mandat, l’éducation a été bafouée. Le président déchu l’avait reléguée au second plan. C’est sous son mandat que les grandes écoles ont connu toutes sortes de crises. Nous avons, ici, connu une année blanche. Je demande aux militaires d’être prudents. De faire la protection des personnes et de leurs biens, un souci de tous les jours.

Mamadou Fané, enseignant à Faladié-Sokoro«Que les Maliens se mobilisent derrière la junte»

J’ai pris le coup d’Etat de façon très favorable. Le régime ATT avait démontré par A plus B, ces derniers temps, qu’il était incapable de gérer les problèmes. En particulier celui du Nord. Peut-être pour des raisons que nous ignorons. Mais, il faut le reconnaitre, depuis quelque temps, on sentait qu’il n’y avait pas de pouvoir au Mali. Le pays avait cessé d’être  gouverné. Le coût de la vie, la corruption, l’insécurité, l’école, sont certains des maux dont nous souffrons. J’invite donc toute la population civile et militaire à se mobiliser derrière la junte, pour relever les défis qui se posent à notre pays en ces moments critiques.

Dramane Coulibaly, commerçant au marché Dabanani: «Le coup de force est venu rectifier la situation».

Le Mali n’était plus gouverné. On avait l’impression qu’il n’y avait plus de pouvoir. Donc, à mon avis, le coup de force est venu rectifier une situation d’absence de l’Etat. Je ne peux que m’en réjouir. En plus de cela, vous serez certainement d’accord avec moi quand je dis que qu’il nous fallait ce putsch pour permettre de briser un système qui nous conduisait  droit au mur, avec une flambée continue des prix des denrées de première nécessité et une insécurité qui allait crescendo. Je crois qu’il faut saluer ce coup d’Etat et prier pour que les militaires parviennent à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés.

Propos rassemblés par Yaya Samaké

Le 22 Septembre 29/03/2012