INTERIM DE LA PRESIDENCE AU MALI Ce qui attend Dioncounda Traoré

 

Le président de l’Assemblée nationale, Pr. Dioncounda Traoré, prête serment aujourd’hui au CICB au cours d’une cérémonie qui s’annonce modeste. Devant les 9 sages de la Cour constitutionnelle, Dioncounda va jurer d’accomplir ses nouvelles fonctions conformément à la Constitution du pays.

Devant le président de l’institution, Hamady Tamba Camara, et ses camarades,  il se portera garant de la Loi fondamentale, de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale. La cérémonie devra se dérouler en présence des représentants du médiateur de la Cédéao, le président du Faso, Blaise Compaoré, et les autorités du CNRDRE, la junte qui s’était emparée du pouvoir par la force le 22 mars 2012.

Selon l’accord-cadre signé entre la junte et la Cédéao – qui prône le retour à l’ordre constitutionnel – le président de l’Assemblée nationale prendra les rênes de l’Etat et est tenu d’organiser les élections dans un délai d’au moins 21 jours et 40 jours au plus. C’est dire que notre Constitution ne donne qu’un délai maximum de 40 jours au président intérimaire pour organiser les élections et laisser la place au président démocratiquement élu.

Le hic de cette situation est que Dioncounda hérite d’un pays en guerre avec les 2/3 de son territoire occupé par des bandits armés, des salafistes et narcotrafiquants. Ce qui fait qu’il est impossible de respecter cette clause constitutionnelle. Parce qu’on ne peut pas parler d’élections avant le retour de la paix au nord avec ses nombreuses populations exilées.
Il va falloir d’abord pacifier le pays avant de s’atteler à l’élaboration d’un calendrier précis pour les échéances électorales à venir (présidentielle et législatives). Inutile de rappeler que cela paraît impossible à réaliser seulement en 40 jours. La situation sécuritaire sur le terrain ne se prête pas à une telle éventualité.

C’est dire que le mandat intérimaire de Dioncounda Traoré finira avant même que l’intéressé n’ait fini avec la rébellion au Nord-Mali. Certes, la force d’attente de la Cédéao est aujourd’hui en alerte maximum pour une éventuelle intervention contre les bandits armés du MNLA, FLNA, Ansar Eddine et Aqmi, mais peut-on – avec les aspérités du terrain – espérer que la paix puisse être rétablie, faire revenir les refugiés et organiser les élections en un mois dix jours ?
La gestion des anciens putschistes
Si l’accord signé la semaine écoulée stipule bel et bien que les anciens putchistes seront amnistiés, on ne sait pas trop à quoi le capitaine Sanogo et ses camarades vont désormais servir, eux qui – pour l’instant de deux semaines – ont goutté aux délices du pouvoir et auraient souhaité poursuivre le rêve. Certes, les sans-grades peuvent retourner en caserne, mais que fait – on du chef de la junte et des quelques officiers qu’il a enrôlés dans son aventure du 22 mars ? Le bombarder Général, le mettre à l’Etat-major ou en faire, pourquoi pas, le ministre de la Défense ?

Cela coule de source que la transition court un réel danger si elle venait à ignorer ces putschistes, en leur refusant la moindre place douillette, ne serait-ce que le temps de pouvoir consolider cet édifice qui s’est lézardé et qui s’appelle «Armée malienne». Dioncounda et les médiateurs de la crise malienne semblent en être parfaitement conscients.
Selon des sources bien informées, les responsables de la junte auraient d’ailleurs souhaité garder la haute main sur les questions de sécurité, notamment pour gérer la crise du Nord.

On parle à ce propos de postes- clé dans un ministère, peut-être la Sécurité, la Défense ou tout simplement l’Etat-major qui reviendrait au n°1 de la junte. Ayant instruit le procès en incompétence d’ATT pour justifier son renversement, le capitaine Sanogo aurait ainsi tout le loisir, à ce poste, de casser du rebelle et de l’intégriste.
Le pari est loin d’être jouable. Ce qui fera qu’au bout de ses 40 jours d’intérim, la Cédéao et la junte vont encore se concerter pour déterminer la transition, comme cela a été expliqué lundi dernier à la presse par le chef de la junte, le capitaine Amadou Haya Sanogo.

Comme on le voit, notre pays n’est pas encore sorti de l’auberge. Continuons de prier alors pour le Maliba !
Il faut préciser qu’en marge de la cérémonie d’investiture du président intérimaire, le président du Faso, Blaise Compaoré recevra la classe politique et la junte militaire pour dessiner les contours de la transition qui s’annonce après les 40 jours de Dioncounda.

Abdoulaye Diakité

L’Indicateur Du Renouveau 14/04/2012