HAÏTI : La dramatique saga d’une vieille République

Pas plus grande que Madagascar, l’Ile de Haïti rassemble 14 grandes villes : Port-au-Prince (la capitale), les Gonaïves, Cap-Haïtien, Hinche, Saint-Marc, Fort Liberté, Fort de Paix, Jacmel, Jérémie, Les Cayes, Gros-Morne, Grande Goâve, Anse Rouge et Petite Rivière. Autour de l’Ile flottent quatre îlots dont les noms n’ont rien à voir avec leurs formes : Ile de Cayenne, Ile de la Gonaïve, Ile de la Tortue, Ile de la Vache.

« A rêver de Haïti, l’on ne peut s’empêcher de se remémorer cet innocent poème de notre enfance : Connais-tu mon beau village qui se mire au clair ruisseau ? Encadré dans le feuillage, on dirait un nid d’oiseau », disait le premier Ministre Haïtien, Gérard La Tortue. Pourtant, de tout temps, ce « nid d’oiseau » a été le théâtre d’antagonismes féroces et d’affrontements cruels.

Après l’indépendance, le règne de la famille Duvalier

L’Ile acquiert son indépendance le 1er janvier 1804. Mais jamais un pays n’a essuyé autant de souffrances politiques et de carences économiques ! A n’en pas douter, ces séries de malheurs socio politiques qui ont frappé Haïti sont essentiellement dues à ce « melting pot », voire à ce « cocktail tonique » de races diverses qui vivent sur l’Ile.

Si le héros haïtien, Dominique Breda, s’est autoproclamé « Général Toussaint Louverture », Jean Jacques Dessalines, lui, est considéré comme le véritable Père de l’indépendance haïtienne.

Entre Dessalines et François Duvalier dit « Papa Doc » (né le 14 avril 1907 à Port au Prince et décédé le 21 avril 1971) qui règne sans partage sur le pays de 1957 à 1971,…trente-sept Chefs d’Etat se sont succédés sans discontinuer ! Quatorze d’entre eux ont été destitués ; six sont décédés au pouvoir (de mort naturelle) ; huit sont morts en exil ; cinq ont été renversés par un coup d’Etat ; et quatre sont tués alors qu’ils étaient en fonction.

Surnommé  « Bébé Doc », le fils de « Papa Doc », Jean-Claude Duvalier (né le 3 juillet 1951 à Port au Prince) succède à son père et tout comme son père, mène le pays à la baguette de 1971 à 1986. Le père et le fils règnent ainsi sur le pays avec la même terreur, la même tyrannie et presque la même durée : le premier durant quatorze ans ; le second durant quinze ans : soit 29 années de régime sanguinaire au compte de la famille Duvalier.

Après les Duvalier, le « chassé croisé » entre Aristide et Cedras

Jean Claude Duvalier crée les « Tontons Macoutes » : une milice de répression encore plus féroce que les SS nazis d’Adolf Hitler ! Mais grâce à la complicité des Etats-Unis, « Papa Doc » est balayé par une révolte populaire soulevée à partir des Gonaïves, une ville située à 70 km au Nord-ouest de Port-au-Prince (la capitale), mais une ville dont les particularités ont marqué l’histoire même de Haïti.

En effet, c’est aux Gonaïves qu’est rédigée la Déclaration d’indépendance de la Grande Ile en 1804. C’est également aux Gonaïves que naissent toutes les insurrections qui ont tué, balayé, déporté et exilé tous les dirigeants indésirables de Haïti. C’est enfin aux Gonaïves que le 5 février 2004, des rebelles se soulèvent contre le prêtre défroqué et non moins Président Jean Bertrand Aristide (né le 15 juillet 1953 à Port-Salut).

Entre J.B. Aristide et Raoul Cedras dont la dictature ne dure que de 1991 à  1994), c’est une sorte de « chassé croisé » pour la conquête du pouvoir. En effet, en décembre 1990, une élection réinstalle Aristide au pouvoir et discrédite le Général Raoul Cedras. Mais en octobre 2000, Cedras renverse Aristide qui est alors chassé une deuxième fois par l’Armée.

Dès lors règne sur la Grande Ile une autre instabilité caractérisée par les errances de J. B. Aristide, les complicités franco américaines, les affrontements entre opposants et insurgés et l’absence d’un Parlement…Bref, c’est une véritable mélasse socio politique.

Et la disgrâce de Aristide met fin à  l’instabilité politique

Dès octobre 2000, Jean Bertrand Aristide s’exile à Caracas (au Vénézuela), puis à Washington. Mais grâce aux Nations Unies et au Président américain, Bill Clinton, il est rétabli dans ses fonctions présidentielles. Du reste, les Etats Unis ne peuvent pas rester insensibles au sort de ce pays pro américain jusqu’au bout des ongles. D’ailleurs, la femme de Jean Bertrand Aristide, Milfred, est une Américaine d’origine haïtienne : c’est donc tout dire…

Mais depuis le mystérieux assassinat, en septembre 2003, du leader d’un mouvement de résistance révolutionnaire, Amyot Métayer, le charme est rompu, ou du moins, le divorce est désormais consommé entre J. B. Aristide et les Etats Unis. Dès lors, J. B. Aristide devient la « bête noire à abattre » non seulement des Américains, mais aussi des Français qui l’accablent tous subitement de tous les péchés d’Israël : mauvaise gestion du pouvoir, despotisme, corruption…

Et comme pour ne rien arranger, le pays reste sans Parlement depuis le 12 janvier 2004, et pour cause : depuis l’expiration du mandat des députés, le pouvoir et l’opposition ne parviennent plus ni à trouver un terrain d’entente, ni à accorder leurs violons politiques. Pire, les opposants de Jean Bertrand Aristide considèrent les insurgés comme « une racaille de truands et de drogués » ; tandis que ladite « racaille » considère les politiciens comme « bonnet blanc, blanc bonnet ».

En définitive, il semble que la disgrâce de Jean Bertrand Aristide ait signé  la fin de l’instabilité socio politique à Haïti, et que les élections qui ont suivi cette instabilité y aient rétabli une relative sérénité sociale. Mais…

Par Oumar Diawara « Le Viator »

Le Coq 28/02/2011