GAO Le Marché Washington ‘‘brûle’’ à nouveau

Tout récemment réceptionné  après une rénovation pour la coquette somme de trois cents millions déjà litigieux, le « Marché de Washington » de Gao a du mal à quitter les méandres incendiaires.  Disons-le tout de suite, il ne s’agit pas d’un embrasement au feu vif, mais qui pourrait se manifester par des ravages beaucoup moins faciles à maîtriser, au regard de la profondeur des divergences qu’il a suscitées entre le Maire Sadou Diallo et les exploitants. Jeudi dernier, en effet, une vigoureuse protestation populaire occasionnée par le contentieux autour marché a nécessité une intervention non moins musclée des forces de l’ordre pour contenir la furie de manifestants très remontés contre le Maire déjà fortement contesté dans la Cité des Askia. La manifestation n’a été maîtrisée, selon nos sources, que grâce aux jets de grenades lacrymogènes et une course-poursuite de rue entre la foule de protestataires et les agents de l’ordre sollicités par le Préfet. À l’origine de cette scène peu habituelle à Gao se trouve une répartition très mitigée des nouveaux stands réalisés avec l’apport du gouvernement japonais, après l’incendie du Marché Washington.  

En clair,  selon les témoignages et explications recueillis auprès de nos sources, les nouvelles boutiques tant convoitées et attendues ont empruntés des chemins ténébreux pour échapper finalement à leurs anciens occupants au profit de commerçants privilégiés et de  plus nantis enchérisseurs. Pour en acquérir, précise nos sources, il fallait s’illustrer par une aptitude à défalquer la rondelette de 200 000 F CFA sans compter une caution de 500 000 F CFA par locataire. Pareilles conditions d’acquisition a eu naturellement pour conséquence de disqualifier l’écrasante majorité de moins nantis constitués d’anciens exploitants devenus indigènes avec le ravage de leurs commerces suite à l’incendie.  C’est au nom de ces derniers que les autorités municipales donnaient l’air de mobiliser les moyens de la reconstruction du Marché Washington, avant de leur préférer de nouveaux acquéreurs plus offrants, accuse un responsable communal en dénonçant  une autre forme d’injustice ayant consisté à attribuer en fonction de l’appartenance politique. Toujours est-il que sur les deux cents (200) victimes officiellement répertoriées au lendemain du sinistre, seule une cinquantaine figure parmi les nouveaux détenteurs de places dans le marché rénové.

De quoi susciter l’envie de quelques résidents défavorisés par le partage contre d’heureux gagnants parmi les commerçants allogènes désormais stigmatisés comme des privilégiés de Sadou Diallo. Injustice ou non, la frustration a dû excéder les mécontents jusqu’au refus catégorique de laisser s’installer les détenteurs de clés distribués par le maire par l’intermède de son premier adjoint et unique fidèle allié au sein du conseil communal. Ils se sont manifestés dans ce sens en procédant au changement de toutes les serrures de boutiques jugées acquises au détriment  de plus méritants, avant de les occuper. C’est suite à cette entrave qu’une intervention policière a transformé la  ville en théâtre d’affrontements durant toute l’après-midi du jeudi, en l’absence du maire retranché à Bamako pendant les dites émeutes.

Et, pour rétablir définitivement l’ordre public, le marché récemment réceptionné a été aussitôt été par une mesure du Procureur de la République. Les choses auraient pu se passer autrement sans une gestion unilatérale et personnelle de l’attribution des stands. Mais, contre toutes les règles et principes de la collégialité, le premier citoyen de la ville a choisi d’outrepasser jusqu’aux instructions des autorités de tutelle, qui lui ont suggéré de consulter le conseil communal avant de procéder à toute remise de clés aux occupants.

C’est pour la même attitude que le Maire de la Cité des Askia s’est retrouvé dans le collimateur de l’écrasante majorité de ses collègues qui lui reprochaient déjà une gestion très opaque et nébuleuse du budget de rénovation des marchés incendiés de la ville de Gao.  La question est l’origine est l’origine d’un divorce définitivement consommé entre le premier responsable de l’équipe communale et ses autres membres, une rupture ayant provoqué un blocage insurmontable dans la gestion des affaires de la Cité. En effet, du début de l’année budgétaire à nos jours, les comptes administratifs et financiers du Maire de Gao ont fait l’objet de près d’une dizaine de rejets pour défaut de sincérité. Il est précisément reproché à Sadou Diallo l’inscription au budget communal de dépenses n’ayant jamais été l’objet d’une délibération du conseil.

Il s’agit notamment des 300 millions du Don Japonais destinés à la reconstruction du Marché incendié mais logé dans un compte personnel du Maire, d’une vingtaine de millions d’autres appuis émanant de la Commission de l’UEMOA, ainsi que de la quotepart revenant à la ville de Gao sur le montant de la vente de la Sotelma, entre autres ressources. Mais en dépit de cette série sans fin de blocages synonymes de désaveu pour le Maire et de dysfonctionnement du conseil qu’il dirige, les autorités de tutelle rechignent à s’illustrer par les mesures qui s’imposent en pareille circonstance. Ce qui fait dire à beaucoup que Sadou Diallo appartient à la race privilégiée des intouchables de la République.

A.Keïta

Aurore 04/07/2011