Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire général du GATIA :«La Minusma et Serval sont plus exigeants avec ….

Quel est le lien entre l’Alliance intercommunautaire de Gao du 3 juillet 2014 et le  GATIA ?

Fahad : En mai 2014, après le départ des forces armées maliennes de Kidal, les communautés qui n’avaient pas pris les armes en 2012, se sont retrouvées à la merci des groupes armés. Au même moment et jusqu’à fin juin, dans la région de Gao, aux environs de Tabankort et Anéfis, il y a eu des affrontements entre, d’un côté, le Mnla, le Hcua et la branche autonomiste du Maa ; et, de l’autre côté, les groupes non-sécessionnistes, à savoir la fraction du Maa adhérant à l’accord de Ouagadougou, les Touareg Imghad et les Songhoïs de la Coordination des Mouvements et Front patriotique de résistance (CM-FPR).  Ces affrontements nous ont amenés à sensibiliser les populations pour une Alliance intercommunautaire afin d’organiser notre protection. Cette Alliance a effectivement été scellée le 3 juillet 2014 à Gao. Nous nous sommes rendu compte que, comme l’Alliance n’était pas un groupe armé déclaré, nous ne pouvions pas assister aux négociations, et que nous n’étions pas les bienvenus par la Communauté internationale. Nous voulions pouvoir défendre notre point de vue et nos intérêts dans le cadre du dialogue inclusif de la deuxième partie des négociations et au sein des Comités de suivi et d’évaluation, des équipes mobiles d’observation, au même titre que les autres groupes. C’est ainsi que le GATIA est né, après la signature à Alger le 24 juillet 2014.

Quels sont les objectifs immédiats du GATIA ?

Dans le GATIA, toutes les populations sont représentées. Nous sommes présents à Kidal, Gao et Tombouctou. Les populations, en général et la communauté Imghad, en particulier, ont été victimes des groupes armés. Personne ne peut revendiquer à notre place ou gérer le Nord en notre absence. C’est pour ça que nous demandons à être présents à Alger à partir du 1er septembre pour participer activement aux négociations. Notre deuxième objectif est de pouvoir parler avec la Communauté internationale, car, en notre absence, les groupes armés nous diabolisent. Même à New York. Ils ne sont pas contents que nous n’ayons pas pris les armes contre le Mali.

Vous serez donc présents et actifs au même titre que les autres groupes armés à Alger à partir du 1er septembre ?

Je ne peux pas vous le dire avant que cela ne se fasse. Mais, il est important de rappeler que nous sommes déjà présents dans l’équipe de suivi du cessez-le-feu, comme les autres mouvements.

Avez-vous une feuille de route ?

Le GATIA a été créé après la signature de la feuille de route consensuelle d’Alger du 24 juillet 2014. Elle a été signée par l’Etat malien, donc nous en sommes respectueux. Nous respectons tout ce qui a été signé dans le sens de la paix.

Quelle est l’implication des populations à vos côtés ?

Les populations sont très impliquées à nos côtés. Nos véhicules sont ceux que les populations nous ont fournis, et nos membres font partie des populations. Vous voyez bien qu’elles sont à nos côtés. C’est ensemble que nous sommes sur le terrain. Pour le moment, nous ne couvrons pas toutes les régions, nous n’avons pas encore eu le temps. Cela fait partie de nos objectifs. Mais, nous ne voulons pas jeter de l’huile sur le feu, nous attendons les négociations et surtout les accords définitifs. S’ils assurent la sécurité de nos populations, tant mieux.

Quelle position avez-vous vis-à-vis de la décentralisation et de la régionalisation ?

Nous n’avons pas pris part aux événements en 2012, car à l’époque, nous avions des positions de maires, de conseillers, de députés… À l’époque, si le Mali avait été un Etat fort, tout le monde aurait trouvé sa place dans la décentralisation. Je vous rappelle qu’il y avait eu un plaidoyer pour la paix et la sécurité au Nord, né à Kidal fin 2010, avec un grand soutien de Koulouba. C’est grâce à ça que le Mnla s’est installé là-bas.

La création du GATIA signifie-t-elle que vous considériez que la sécurité des populations n’était plus assurée par Bamako, Serval et Minusma dont l’un des objectifs est la protection des civils ?

Avant la création du GATIA, nous nous sommes rendus à la Minusma et au niveau de la force Serval en compagnie des élus de Gao et des cercles environnants et de certains chefs communautaires, pour leur demander deux choses. Un, de ne pas laisser les groupes armés s’installer dans les cercles, notamment, à Djebock, Tessalit et à Intilit, dont les populations n’adhèrent pas du tout à ces groupes. Deux, qu’ils forcent ces groupes à reprendre les positions qu’ils avaient au moment du cessez-le-feu. Il est important de souligner que la Minusma et Serval sont plus exigeants avec l’Etat malien pour le respect du cessez-le-feu qu’avec les groupes armés. Les forces internationales sont restées sourdes à ces demandes. Nous leur avons également dit que les populations vivaient dans l’insécurité et que, puisque personne n’assurait notre protection, nous allions mettre tous nos bras valides ensemble pour nous protéger. Ils ont pris acte, rien de plus. Vous savez, aussi paradoxal que ça puisse paraître, les représentants de la Communauté internationale qui sont au Nord du Mali ont plus de respect et plus d’écoute pour les groupes armés que pour les populations qui n’adhèrent pas à ces groupes armés. Je vais vous donner un exemple : le 6 février 2014, des forains ont été exécutés avec une balle dans la tête par des éléments du Mujao, qui avaient fini par adhérer au Mnla. Et bien, personne ne les a poursuivis, ni l’armée malienne, ni Serval, ni la Minusma. Personne ne les a cherchés. Il semble qu’ils ont autre chose à faire. C’est pour ça qu’il faut qu’on se défende.

La mutation de Serval en Barkhane a-t-elle apporté une différence localement ?

Rien n’a changé pour assurer la sécurité des civils. Ils ont juste changé le nom de la force.

Quelles sont vos relations avec le Mnla ?

La plupart des problèmes que les populations ont subis, étaient causés par des membres du Mnla. Nous sommes conscients que les Touaregs sont une minorité, et que ce ne sont pas les armes qui vont augmenter leur nombre. Nous restons ouverts à toute idée pour améliorer nos relations avec le Mnla pour qu’on puisse se fréquenter dans la paix. Nous n’avons jamais pu avoir d’explications avec eux pour savoir pourquoi ils nous attaquent et veulent nous désarmer.

Pouvez-vous nous indiquer le nombre de combattants du Mnla ?

Vous n’aurez jamais le nombre, car ça dépend des circonstances et des événements. S’il y avait le cantonnement dont on parle tant, les autres viendraient avec eux. Vous savez, quand les séparatistes veulent attaquer,  ils appellent tous les bandits, on ne peut pas faire la différence entre le Mnla et le Hcua, par exemple, et entre le Hcua et les autres.

D’où proviennent les armes du GATIA ?

Il n’y a pas un nomade qui n’a pas une arme. On avait remarqué dès 2010 que les gens commençaient à acheter des mitrailleuses. Il ne faut pas oublier que les gens ont quitté la Libye avec leurs armes. Donc, ils ont leurs armes, nous n’avons pas eu besoin de leur en fournir.

La rumeur dit que certains « anciens jihadistes » ont rallié votre groupe. Qu’en est-il ?

Quand le Mali a quitté le nord, début 2012, après Aguelhok, la rébellion a pris un tournant communautaire. Il y a tout de suite eu des problèmes entre ceux qui étaient entrés dans les groupes armés et ceux qui n’y étaient pas. Les exactions et les pillages à cette période là ont été perpétrés par les séparatistes. Globalement, les groupes dits jihadistes ont été plus cléments qu’eux envers les populations. Ils ont même parfois été considérés comme une barrière contre le Mnla. D’ailleurs, aujourd’hui, c’est contre eux que nous voulons nous protéger. Quand le Mujao est parti de Gao, les Arabes avec qui nous sommes aujourd’hui, c’est-à-dire, je répète, ceux adhérant aux Accords de Ouagadougou, ont annoncé clairement leur attachement à la République du Mali. Ils ont ensuite repris leurs activités de commerçants, ce qui n’a pas été du goût des autres mouvements. Les autres ont rejoint le Mnla dans le seul but de poursuivre leurs trafics. Ce groupe séparatiste est en train de mentir. Ils se font passer pour des saints. Ils exploitent l’image du Touareg bleu. Le label Touareg marche tellement bien en Europe qu’ils en profitent.

Quels sont vos mots pour conclure cet entretien ?

Je souhaite que la Communauté internationale nous amène à signer des accords qui bénéficieront aux populations, et non des accords qui transformeraient des individus en chefs.

Propos recueillis par  Françoise WASSERVOGEL