FACE LA DISCRIMINATION QUI PERSISTE A LEUR EGARD, Les sportives n’ont d’autre alternative que se batte  pour se faire respecter par les fédérations

L’attaquante des Aigles Dames, Agueissa Diarra (en jaune) aux prises avec les défenseures guinéennes

L’accès à la pratique de tous les sports, la place des femmes dans le sport de haut niveau, l’accès aux fonctions de direction et d’encadrement, le manque de visibilité dans les médias, les violences sexistes et sexuelles … La liste des discriminations liées au genre est longue dans l’univers du sport ! Une «discrimination de genre institutionnalisée»  qui est de plus en plus dénoncée. Et en juin dernier, les joueuses de l’Equipe nationale féminine du Mali ont tristement fait le buzz à cause des mauvaises conditions de d’entraînement lors d’un regroupement de la sélection nationale féminine préparant les qualificatifs des jeux olympiques «Paris 2024»

 «Le football est le sport le plus populaire ; celui qui fait tomber toutes les barrières, qu’elles soient sociales, ethniques, religieuses ou économiques», disait un responsable de la Fifa. Malheureusement, le ballon-rond demeure aussi sous le joug des barrières discriminatoires et stigmatisantes à l’égard surtout des femmes. La preuve ? Le meilleur joueur de la 62e édition de coupe du Mali de football (disputée le 10 juin 2023) a reçu 500 000 F CFA comme récompense. 

Par contre, la meilleure joueuse de la 8e édition chez les Dames (disputée la veille) a dû se contenter de 250 000 F CFA. «La Coupe du Mali est la seule compétition nationale qui permet au football d’exister à travers un jeu qui appartient à tous les fils et toutes les filles du Mali», avait pourtant déclaré à la presse après la finale masculine, le président de la Fédération malienne de football. De qui se moque-t-on Mamoutou Touré dit Bavieux ?

Malheureusement, le pire nous attendait. Au moment où les Aigles seniors étaient dans tous le confort souhaité à la veille d’affronter les Diables Rouges du Congo-Brazzaville, les Aigles Dames étaient abandonnées à leur triste sort de 5e roue de la carrosse. Ils sont nombreux les journalistes et les Maliens qui ont été choqués de voir ces joueuses dans le total dénuement à l’entraînement pour préparer les qualificatifs des Jeux olympiques «Paris 2024». On avait l’impression de voir en regroupement une équipe de quartier spontanément formée. Il est vrai que la situation a changé après la dénonciation de notre confrère. Mais, le mal est réel et le malaise très profond !

«Les joueuses et le staff technique de l’Equipe nationale du Mali de football féminin sont dans la galère et personne ne vient à leur secours», a dénoncé notre confrère Saïd Diarrassouba (TATOU-SPORTS) dans un groupe WhatsApp (presse sportive) pour éveiller la curiosité de ses confrères.

«Les joueuses ne sont pas transportées dans un bus comme les joueurs de l’Equipe nationale masculine. Elles n’ont pas de primes de sélection et de primes de matches comme les joueurs de l’Equipe nationale masculine. Elles vont sur leurs propres motos aux entraînements alors que les joueurs de l’Equipe nationale du Mali de football masculin se déplacent en bus… Pour s’entraîner, les joueuses de l’Equipe nationale du Mali de football féminin n’ont ni maillot d’entraînement, ni culotte ; ni même de chaussettes ou encore de tenues de sorties, de clapettes … Pourtant, les joueurs de l’équipe nationale du Mali de football masculin disposent de tout», a-t-il signalé en enfonçant le clou. Et malgré toute cette discrimination, «ces joueuse ne le revendiquent rien, ne vont pas en grève ou en fronde et ne se rebellent».

De multiples raisons de se révolter 

Elles ont pourtant toute les raisons de révolter pour qui sait, comme l’a rappelé Saïd, que «la FIFA verse une somme faramineuse pour le développement du  football féminin à toutes les associations». Même si beaucoup reste à faire en terme d’égalité-genre, l’instance suprême du football mondial semble avoir pris conscience des enjeux liés au développement du foot féminin qui va de paire avec un meilleur traitement des footballeuses. L’argument souvent évoqué par les fédérations est que les sélections masculines génèrent plus de chiffres d’affaires que les Equipes nationales féminines. Et que c’est la raison pour laquelle les joueurs perçoivent un salaire plus élevé.

Mais, il revient à qui de donner une «valeur marchande» à ces clubs et sélections nationales des dames ? Qui doit planifier le développement du foot féminin au niveau national ? Qui doit élaborer une stratégie marketing et de communication pour les mettre en valeur ? C’est clair que se sont les fédérations. D’où la nécessité d’un éveil rapide des consciences.

Au niveau de la Fédération internationale de football association (FIFA), cette prise de conscience a véritablement commencé en 1991 avec la création de la Coupe du monde féminine. Une initiative suivie du mondial féminin U-20 en 2002, puis la coupe du monde féminine U-17 en 2008. Le niveau de jeu a fortement augmenté, tout comme l’intérêt des médias et la popularité de la discipline. L’enjeu est de taille pour qui sait que la Coupe du monde féminine «Canada 2015» a notamment généré près d’un demi milliard de dollars d’activités économiques dans le pays hôte…

En 2016, le congrès de la FIFA a effectué les premières démarches visant à corriger le tir en faveur du football féminin et de la place accordée aux femmes dans le football. «Malgré le caractère durable de ses décisions, les défis demeurent de taille et il ne faut pas nous arrêter en si bon chemin», a  commenté un chroniqueur. Il a exhorté la FIFA à se servir de sa «Stratégie pour le football féminin» pour prendre les mesures concrètes nécessaires lui permettant de s’attaquer aux «manquements historiques tout en se positionnant activement contre la discrimination sexuelle grâce au football».

Et déjà, des efforts sont consentis au niveau de la rémunération des footballeuses. C’est ainsi qu’elle a décidé de leur verser une dotation trois fois plus élevée lors de la Coupe du monde 2023 par rapport au mondial 2019. Les primes iront de 30 000 dollars à 270 000 dollars. La Fédération malienne de football, comme d’ailleurs toutes fédérations nationales sportives, doit s’en inspirer.

Se battre avec sans concession pour avoir gain de cause

Mais, nos joueuses (comme d’ailleurs l’ensemble du sport féminin) doivent comprendre que la FEMAFOO ne leur mettra jamais dans tous leurs droits de gaieté de cœur. Il faut donc lui forcer la main. A l’image des 28 joueuses de l’Equipe nationale féminine des Etats-Unis (championne du monde en France en 2019) qui avaient déposé un recours collectif contre la politique discriminatoire de leur fédération en l’attaquant en 2019 pour avoir enfreint la loi sur l’égalité (Equal Pay Act) et le  Titre VII de Titre VII de Civil Rights Act, une loi fédérale interdisant la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’origine, ou la religion. 

Sous la conduite de Megan Papinoe (championne olympique en 2012 et championne du monde en 2015 et en 2019), elles sont parvenues le 18 mai 2022 à un accord avec la Fédération américaine dans ce combat pour l’égalité salariale entre femmes et hommes dans ce sport. Celle-ci s’est engagée à verser «un salaire à taux égal» à partir de maintenant pour les équipes nationales féminine et masculine lors de tous les matchs amicaux et tournois, y compris la Coupe du monde. «C’est un grand jour pour l’égalité femmes-hommes dans le foot américain», a réagi Megan Papinoe pour qui la fédération de football son pays a «changé pour le meilleur».

Ce combat et cette victoire doivent inspirer nos footballeuses voire nos sportives qui exigent désormais un meilleur traitement de la part des fédérations et de l’Etat. 

Moussa Bolly