Espace sahélo-saharien / Le Comité d’état-major va-t-il être opérationnel ?

 

Ces Etats ont mis en place, en avril 2010, un Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc) regroupant les états-majors militaires des quatre pays. Le Mali qui a assuré la présidence de ce Comité pendant les 14  derniers moins a passé le témoin à la Mauritanie, lors de la présente rencontre de Bamako. Le Comité doit se réunir tous les six mois pour lutter contre les activités des trafiquants transfrontaliers et d’Aqmi dans le Sahel. Cependant, le non opérationnalité du Comité d’état-major conjoint est fortement décriée aujourd’hui.

De sa création à nos jours, alors que la situation le rend nécessaire, le Cemoc n’a jamais mené d’opération conjointe multinationale, comprenant les quatre Etats du champ. Samedi dernier, le ministre nigérien des Affaires étrangères Mohamed Bazoum a mis le pied dans le plat en déclarant à l’AFP que le Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc) regroupant les états-majors militaire du Niger, du Mali, d’Algérie et de Mauritanie en vue d’assurer la sécurité du Sahel, se devait de devenir « opérationnel ». Pour lui, « le Cemoc n’est pas encore opérationnel et il y a lieu de lever les obstacles ». Alger dit-on, a toujours combattu l’ingérence étrangère dans les autres pays, le blocage pourrait-il venir de l’éventualité d’une intervention des forces algériennes dans les pays voisins si cela s’imposait ? Selon Mohamed Bazoum, les militaires algériens « doivent pouvoir intervenir en Algérie mais aussi au Niger au Mali et en Mauritanie ». Selon le ministre nigérien, « il y a une situation de fait que les Maliens ne sont pas en mesure de contrôler l’ensemble de leur territoire », alors que Aqmi « a bien sa base dans le nord du Mali », ce qui rend difficile sa poursuite dans cette région montagneuse, désertique et escarpée. L’arrivée dans la région de touaregs armés d’origine malienne qui avaient combattu en Libye rend « la situation encore plus préoccupante », selon Mohamed Bazoum.

Le quartier général du Cemoc est installé dans l’extrême sud algérien, à Tamanrasset, tandis qu’un centre de renseignement commun est basé à Alger depuis environ un an. C’est pour la deuxième fois au cours de cette année 2011  que les Chefs d’Etat-major des Armées des Pays du Champ, situés au cœur de la Bande Sahélo-Saharienne, se retrouvent à Bamako.

Selon le ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Natié Pléah, « la création d’un état-major opérationnel conjoint, composé des représentants de nos pays respectifs est la matérialisation de leur conviction commune que les problèmes de sécurité dans la bande sahélo saharienne aux caractéristiques géographiques et socioculturelles toutes particulières, ne peuvent être résolus qu’à travers une franche collaboration interétatique ». La persistance des menaces liées au trafic multiforme dans cette bande, greffée à la menace terroriste de plus en plus grandissante, exige de chacun et de tous de redoubler de vigilance et de coopérer plus étroitement avec les autres, a-t-il poursuivi. La prolifération accrue des armes de tous calibres, suite à la crise libyenne, le risque de voir les organisations criminelles s’emparer de cet arsenal aux fins d’usage terroriste constituent un vrai motif de préoccupation pour nos Etats, selon le ministre de la Défense et des Anciens Combattants.

Auto-satisfécit du Général Poudiougou

Selon le Général Gabriel Poudiougou, Chef d’état-major des Armées du Mali, « la période que nous traversons est marquée par de très grandes préoccupations sécuritaires au niveau international en général et dans la Bande Sahélo-Saharienne en particulier ».  Pour lui, il est important aujourd’hui de mettre l’accent sur « les progrès énormes que le Conseil des Chefs d’état-major a réalisés » durant les deux premières années de son existence. Il s’agit de l’installation officielle du Comité d’État-Major Opérationnel Conjoint (CEMOC) lors de la réunion de Tamanrasset le 21 avril 2010, l’élaboration et l’adoption des textes de base, un plan simplifié d’opération à envisager.

Cela a permis notamment de conduire des travaux de planification dans un Etat-major multinational : collecter et gérer des renseignements opérationnels, tester les réseaux de communication radio mis en place dans chacun des pays, tester la mise en œuvre de la procédure radio du réseau Ténéré. La planification et la conduite de l’Opération «Benkan», conjointement entre les troupes maliennes et mauritaniennes du 20 mai au 29 juillet 2011 a été certainement l’un des temps forts de l’année 2011, indique le Général Poudiougou.

C’est là un exemple à pérenniser même si plusieurs aspects méritent d’être améliorés, selon le Général Gabriel Poudiougou. D’un point de vue largement partagé, cette opération a été largement en deçà de l’objectif du Cemoc qui vise des actions communes multinationales et pérennes. Le Président Amadou Toumani Touré n’avait-il pas déclaré lors de la remise par les Etats-Unis d’Amérique aux forces armées maliennes, de matériels militaires de transport et de communication, le 28 Octobre 2011 à Kati : « nous ne sommes pas pour des actions spectaculaires inutiles qui sont juste bonnes pour amuser la galerie où pour faire plaisir à certains, nous sommes pour des actions bien réfléchies, pour des opérations bien organisées. Ce n’est pas en demandant d’aller le matin, de revenir l’après midi et que le surlendemain, les gens reviennent là où ils étaient, cela n’est pas conforme. Raison pour laquelle nous avons demandé à l’ensemble de nos partenaires qu’il faut une vision commune face à une menace commune ».

Appel à « des opérations conjointes multinationales »

Sur le plan des activités opérationnelles, le Général Poudiougou a cité  des patrouilles nationales, conjointes et/ou simultanées qui sont fréquentes le long des frontières communes. « La présence régulière des Forces Armées Nationales de la République Islamique de Mauritanie aux frontières a permis non seulement de réduire les activités des bandes armées dans lesdites zones frontalières », selon lui. Le Niger, pays frontalier de la Libye a subi de plein fouet les dommages collatéraux de cette crise. Ses Forces Armées ont mené beaucoup d’activités pour contrer le déferlement de groupes armés en provenance de Libye. Les forces armées nigériennes ont à plusieurs reprises arrêté des convois de groupes armés ainsi que des trafiquants de drogue et d’armes en leur infligeant de lourdes pertes.

Au Mali, indique le président sortant du Cemoc, le Général Gabriel Poudiougou, les forces armées et de sécurité sillonnent sans cesse les grandes étendues désertiques et les axes routiers pour la sécurisation des chantiers et autres projets qui permettront à terme d’occuper les zones désertiques qui sont supposées être des zones refuges aujourd’hui. Les activités des forces de défense et de sécurité ont permis d’arrêter des bandits armés et de récupérer des véhicules enlevés », a-t-il déclaré. « Les succès remportés lors des activités opérationnelles nationales sont très encourageant mais, force est de reconnaître que face à un ennemi transnational, bien organisé et disposant de moyens financiers et matériels énormes il nous faudrait développer davantage nos capacités à mener des opérations conjointes multinationales. Le CEMOC est en cela un outil dont nous devons tirer tout le potentiel de savoir-faire », selon le Général Poudiougou.

Interconnexion Aqmi-Boko Haram : Bamako confirme

La semaine dernière, une conférence d’experts du Forum global de lutte contre le terrorisme (FGLT) sur le Sahel à Alger avait sonné l’alarme sur l’instabilité dans la région et sur les liens d’Aqmi avec la secte fondamentaliste nigériane de Boko Haram, responsable d’une série d’attentats meurtriers récemment au Nigeria. A l’ouverture de la présente rencontre du Cemoc à Bamako, son président sortant a déclaré : « Nous avons relevé ces derniers temps, une dangereuse interconnexion entre les terrorismes évoluant dans les pays du champ et certaines sectes extrémistes subsahariennes. Aussi, il y a lieu d’envisager dès à présent d’étendre notre coopération aux armées des pays concernés », a-t-il poursuivi. La rencontre se poursuit aujourd’hui.

B. Daou

Le Républicain 22/11/2011