Entre angoisses et espoir, le Nord-Mali se rebiffe

Les populations du Nord organisent la résistance contre Ansardine. Kidal, la semaine dernière a donné le top chrono de la rebuffade contre le rigorisme salafiste. Les femmes de cette ville, heureuses de la libération à Bamako de deux des leurs faites prisonnières pour appartenance à la rébellion, s’étaient réunies pour fêter l’événement au son des guitares et des calebasses caractéristiques des soirées «takamba», cette danse que les ethnies du Nord ont en partage. « Trop licencieux » avait décidé l’administration d’Ansardine en décrétant purement et simplement l’annulation de la réjouissance. C’était sans compter avec la détermination des femmes qui refusèrent d’obtempérer. Eclats de voix, bras de fer, déclinaisons de toutes les sourates du Coran qui interdisaient la manifestation, mais rien n’y fit. Enervés, les islamistes voulurent user de la force mais des jeunes de la ville vinrent à la rescousse des femmes, forçant les jihadistes à battre en retraite. La ville s’emplit des notes suggestives du takamba au nez et à la barbe des…barbus.

Ansardine dégage !

La capitale de l’Adrar venait de  remporter sa première bataille pour sa culture et son islam tolérant tandis que les islamistes, eux, pour lesquels tout cela n’est qu’imposture et tentation satanique, avaient bel et bien perdu. Mais pour combien de temps ? Car pendant que Kidal cherchait à s’affranchir de la pesante tutelle d’Ansardine, Tombouctou tentait de marcher contre les moujahidines qui restreignent la liberté des résidents de la cité des 333 saints. Plusieurs familles ont quitté la ville mais celles qui sont restées portent le voile, pour les femmes et se résignent à l’eau, pour les hommes qui ne détestent pas de temps siffler une bière. Les imams de la ville alertés par une population qui n’en peut plus ont approché l’état major d’Ansardine pour qu’il assouplisse sa loi. « Pas question ? C’est la loi de Dieu » a décrété Ould Amaha, le nouvel homme fort de la cité mystérieuse, avant d’interdire les marches contre son mouvement. Dans un  contexte des plus confus. Le Mnla est présent dans la ville, il ne supporte pas du tout les agissements d’Ansardine, tout le monde pense que la guerre entre les deux n’est qu’une question de temps, mais pour l’instant Mohamed Ag Najim n’a pas sorti l’épée contre son ennemi intime, Iyad Ag Ali. Lequel aura beaucoup de mal à convaincre les riverains que ses « fous de Dieu » sont des Maliens. Car pour un informateur anonyme qui n’a de cesse  de noter les faits et gestes de l’armée d’Ansardine,   « A Tombouctou, en tout cas, il n’y a presque pas de Touareg dans Ansardine. Ce sont des maghrébins, des Mauritaniens, des Nigérians, des Tchadiens.

Béatrice retrouvée

Il y a même un Franco algérien qui parle dans le titi parisien » défie t-il. Pas étonnant donc que Béatrice, la Suissesse, témoin de Jéhovah et vivant depuis une dizaine d’années à Tombouctou ait été enlevée le 15 avril en plein après-midi et chez elle. Une voiture 4×4, deux hommes qui débarquent et remontent, en moins de  cinq dix minutes avec la religieuse. Puis la direction d’Agouni et plus rien jusqu’à ce dimanche où il fut certain que Béatrice avait été « enlevée par la milice arabe, attendant de la vendre à Belmoktar!  La milice n’en aura pas eu le temps. Ansardine et le Mnla piqués à vif la débusquent et la libèrent à la suite d’affrontements avec cette milice dimanche. Il faut dire que le Mnla avait pris soin de mettre les occidentaux à l’abri dès son entrée à Tombouctou. A l’image de ce petit groupes de touristes insouciants que Ag Najim dût exfiltrer vers la Mauritanie peu avant l’arrivée remarquée d’Aqmi. Signe que malgré l’angoisse, l’espoir demeure. Il vient surtout du côté de Kidal où sous la houlette de la famille Intallah, une rencontre décisive est prévue à Gao, le 27 avril  entre toutes les composantes des populations du Nord. Objectifs : débattre du Nord, de ce qui le dénature et de ce qui peut le sauver. Il se raconte déjà qu’un niet retentissant sera opposé aux jihadistes et aux indépendantistes. Un vieux pays ne s’écroule jamais, entend-on souvent. A Kidal, Gao, Tombouctou et Douentza ils sont sans doute nombreux à dire : Dieu l’entende pour le Mali.

Adam Thiam

Le Républicain 24/04/2012